La caisse de pension FPPIC, 50 ans de couverture «chrétienne»

La Fondation de prévoyance des paroisses et institutions catholiques (FPPIC) assure depuis 50 ans les laïcs, et depuis 7 ans les prêtres, principalement dans les cantons de Vaud et de Fribourg. Mais que signifie une telle «mission» dans un contexte chrétien? Eléments de réponse.

«Au moins 10% des assurés retraités m’écrivent, à la fin de l’année, pour me dire merci, lorsque nous leur avons versé une rente supplémentaire», relève Marçal Décoppet. Gérant de la FPPIC depuis 2017, il trouve dans ces petites attentions une motivation supplémentaire pour «rembourrer» autant que possible le «coussin de sûreté» des employés de l’Eglise.

Ce spécialiste en gestion de prévoyance en faveur du personnel a une expérience de plus de 30 ans dans le domaine. Il a travaillé pour des institutions bien plus grandes que la FPPIC, brassant des milliards. Aujourd’hui, il est satisfait de se retrouver dans une structure plus petite et une équipe plus réduite, ce qui assure des contacts humains plus sereins et une appréciable marge de manœuvre et de créativité dans la gestion des affaires.

La petite caisse qui monte

Il se réjouit aussi de fêter les 50 ans d’existence de la FPPIC. C’est en effet au printemps 1974 qu’était signé l’acte de Constitution de la caisse de pension. Une démarche mise en route par ce qui était alors la Fédération des paroisses catholiques du canton de Vaud. Une caisse de pension existait déjà depuis les années 1950 pour le clergé. Mais la nécessité s’est faite sentir d’assurer les retraites des laïcs.

A sa fondation, la FPPIC avait notamment sous son aile 104 personnes et 22 paroisses. La fondatrice avait versé un capital de départ de 10’000 francs. «Fin 1974, il était de 79’000 francs, signe que la démarche avait du sens», note Marçal Décoppet.

La FPPIC est la fondation de prévoyance qui assure contre les conséquences économiques de la retraite, de l’invalidité et du décès, le personnel, aussi bien laïque qu’ordonné, de la Fédération ecclésiastique catholique romaine du canton de Vaud (FEDEC), de la Corporation ecclésiastique du canton de Fribourg (CEC), de la Caisse de rémunération des ministères paroissiaux (Fribourg), des paroisses, des institutions et des organismes, qui sont directement ou indirectement au service de l’Eglise Catholique Romaine et actifs dans le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg ou dans le territoire de l’Abbaye territoriale de Saint-Maurice (VS).

La caisse de pension liée à la Fédération ecclésiastique catholique romaine du canton de Vaud (FEDEC-VD) a continué à se développer au fil des décennies. Parmi ses principales étapes, on trouve l’affiliation de Caritas Vaud, en 1976, un important employeur. En 1985, lorsque la LPP (deuxième pilier) est devenue obligatoire, la Corporation ecclésiastique catholique (CEC) du canton de Fribourg a rejoint la FPPIC. La caisse de pension des prêtres a finalement été intégrée dans l’institution pour les laïcs en 2018.

Aujourd’hui, la caisse de pension des paroisses et institutions catholiques couvre 1615 personnes, dont 513 retraités. Les statuts précisent que les assurés doivent obligatoirement être liés directement ou indirectement à l’Eglise catholique romaine. Elle ne couvre pas que la LPP, mais aussi la perte de gains en cas de maladie ou d’accident. Plus de 60 employeurs sont affiliés, dont le Centre catholique romand de formations en Eglise (CCRFE) et le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg. La fortune nette de prévoyance atteignait en 2023 près de 230 millions de francs.

Investir de façon responsable

Un essor que Marçal Décoppet met sur le compte de plusieurs facteurs. «Tout d’abord, je pense que le personnel de l’Eglise se retrouve dans notre façon de fonctionner, de concevoir la prévoyance.» L’un des maîtres mots est l’éthique. Les impulsions en ce sens sont données par la Commission de gestion des placements, qui regroupe des personnes ayant pour la plupart une fonction dans le secteur financier de l’Eglise.

Depuis 2019, la FPPIC dispose ainsi d’une ‘Charte d’investissement responsable’. Elle reprend dans les grandes lignes les objectifs de développement durable (ODD). Adoptés par les Nations Unies en 2015, ils constituent un cap à l’horizon 2030 pour parvenir à un avenir meilleur, en répondant aux défis mondiaux liés à la pauvreté, aux inégalités, au climat, à la dégradation de l’environnement, à la prospérité, à la paix et à la justice.

«Les investissements sont régulièrement ‘testés’ par un analyste financier»

La FPPIC ne fait pas fructifier l’argent qui lui est confié dans des entreprises dont plus de 5% du chiffre d’affaires est réalisé dans des secteurs «problématiques», tels que la pornographie, les armes, le tabac, les OGM, la contraception ou encore les énergies fossiles.

Ce pourcentage de «tolérance» est une question de pragmatisme, explique Marçal Décoppet. «Une grande partie des firmes pharmaceutiques développe des moyens de contraception ou des pilules abortives, qui sont des choses réprouvées par la morale catholique. Mais ne pas investir du tout dans cette industrie serait très dommageable. C’est pourquoi nous acceptons tout de même qu’une partie des investissements ne soit pas en phase avec les convictions catholiques, du moment que celle-ci est marginale.» Un engagement du reste dûment contrôlé. Les investissements sont ainsi régulièrement «testés» par un analyste financier pour s’assurer qu’ils correspondent aux objectifs fixés.

«Chaque fois que quelqu’un part à la retraite, c’est clair qu’on fait des pertes»

Marçal Décoppet

L’encyclique du pape Laudato si’ (2015) est également une importante référence pour le choix des placements. «Nous envisageons en outre à terme de prendre en compte les normes éthiques établies par le Vatican en 2023 dans le document Mensuram Bonam, assure Marçal Décoppet.» Même s’il est assez habituel pour les caisses de prévoyance d’éviter les investissements «controversés», peu d’institutions ont actuellement de telles chartes éthiques, fait remarquer le gestionnaire financier.

Une autre particularité de la FPPIC est également, selon le spécialiste vaudois, sa transparence, notamment au niveau du rapport de gestion. «Ce qui n’est pas une évidence pour toutes les caisses de pension, et notamment les solutions de prévoyance offertes par les assureurs», commente Marçal Décoppet.

Des avantages et des coûts

Mais l’application de ces valeurs chrétiennes a-t-elle un coût? Aucunement, si l’on en croit le gardien des chiffres. «Nous essayons de faire profiter au maximum les assurés et les rentiers.» Des éléments tels que la non-déduction du montant de coordination/ la cotisation sur un salaire AVS, la répartition du financement de la caisse, ou encore le taux de conversion, sont plus généreux que ce que proposent la loi et beaucoup d’autres assurances. Ponctuellement, la caisse s’efforce (sans avoir attendu la votation du 3 mars) d’offrir à ses assurés retraités une 13e rente, ou à ses assurés actifs un intérêt supplémentaire, suivant ce que la conjoncture permet.

«Avec ce genre de politique, chaque fois que quelqu’un part à la retraite, c’est clair qu’on fait des pertes, admet le gestionnaire financier. Mais nous avons une provision qui couvre cela, alimentée, entre autres, par les rendements. Donc tout cela est financé.» Les avantages octroyés se reportent sur la cotisation, qui est ainsi un peu plus élevée, tant pour l’employeur que pour l’employé, à la FPPIC que dans d’autres établissements. Marçal Décoppet admet que cet aspect – surtout actuellement, alors que les paroisses ont un budget serré – «peut être un frein à venir chez nous».

«Nous sommes une institution de l’Eglise, qui tente d’être crédible en tant que telle»

Marçal Décoppet

La caisse de pension prend aussi en compte les spécificités du service en Eglise. La plupart des prêtres prennent leur retraite dès 70 ans. Que font-ils s’ils tombent malade après 65 ans et ne peuvent plus travailler, alors que l’Assurance invalidité (AI) s’arrête à cet âge? La FPPIC assure donc les clercs pour ce genre de situation. Il existe ainsi un plan pour le collectif des laïcs et un pour les prêtres. Pour ces derniers, les rentes pour les conjoints ou les enfants ne sont pas prévues. «Mais elles peuvent tout de même être versées, selon les dispositions légales», souligne Marçal Décoppet.

Small is beautiful

Dans le cadre des festivités du demi-siècle de la FPPIC, Marc Fournier, expert en prévoyance, donnera une conférence le 6 juin 2024. Il présentera une étude sur les caisses de pension en Suisse, qui démontre que les petites structures sont moins risquées et pas moins performantes que les grandes. «C’est effectivement ce que l’on peut observer dans notre caisse, qui a un rendement très intéressant», assure Marçal Décoppet. D’une manière générale, il assure que l’entreprise quinquagénaire n’a «aucun objectif de profit». «Nous sommes une institution de l’Eglise, qui tente d’être crédible en tant que telle, qui défend ses assurés et rentiers et s’adapte à leurs spécificités.» (cath.ch/rz)

En Suisse, le montant de coordination est un élément clé du système de prévoyance professionnelle (LPP). Il sert à déterminer la partie du salaire assurée dans le cadre de la prévoyance vieillesse, survivants et invalidité (2e pilier). Il permet d’assurer que les travailleurs ne cotisent pas deux fois pour la même part de leur salaire, puisque le montant de coordination représente approximativement la part du salaire déjà couverte par l’AVS/AI. Pour 2024, le montant de coordination est fixé à 25’725 francs. Ce montant est déduit du salaire annuel brut. RZ

Raphaël Zbinden

Portail catholique suisse

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