Mgr Kennedy a évoqué la situation de la procédure canonique lancée il y a sept mois contre Marko Rupnik. Le secrétaire de la section disciplinaire du DDF s’exprimait lors d’un événement intitulé «Abus sur mineurs: une lecture du contexte italien (2001-2021)», organisé conjointement par l’ambassade d’Italie auprès du Saint-Siège et la Conférence épiscopale italienne (CEI), le 29 mai 2024, rapporte le site américain Crux. «Nous avons bien commencé, et nous progressons vraiment étape par étape, en gardant tous les aspects à l’esprit, celui des allégations contre lui [Marko Rupnik, ndlr], celui des victimes, celui de l’impact sur l’Église, donc c’est un dossier délicat», a déclaré le prélat irlandais. Ce dernier a assuré ne pas pouvoir donner plus d’information sur l’affaire en cours.
Le prêtre et ancien jésuite slovène Marko Rupnik (69 ans) est accusé d’avoir abusé sexuellement d’au moins 30 femmes. La plupart d’entre elles étaient des religieuses de la communauté de Loyola qu’il avait contribué à fonder dans sa Slovénie natale dans les années 1980.
Marko Rupnik est également l’un des artistes modernes les plus renommés de l’Église catholique. D’innombrables églises et sanctuaires dans le monde entier abritent ses peintures murales, notamment le Vatican, le sanctuaire marial de Lourdes et la basilique d’Aparecida, au Brésil.
En 2021, neuf anciennes membres de la communauté de Loyola se sont plaintes au Vatican des abus commis par le prêtre. Mais lorsque les allégations contre lui ont été rendues publiques, en octobre 2022, la Congrégation pour la doctrine de la foi (ancien nom du DDF), dirigée à l’époque par le cardinal Luis Ladaria, a refusé d’ouvrir une enquête canonique formelle. Le cardinal jésuite espagnol invoquait un délai de prescription pour les abus commis sur des adultes, bien que cette disposition ait été levée dans d’autres cas. En octobre 2023, le pape François a toutefois renoncé à la prescription, permettant ainsi le lancement d’une procédure canonique.
Le cas Rupnik apparaît particulièrement sordide du fait que l’artiste, selon les allégations, utilisait des justifications religieuses pour obtenir des faveurs sexuelles. Il aurait notamment évoqué l’image de la sainte Trinité pour persuader deux religieuses à se plier à une séance de triolisme.
Mgr Kennedy a rappelé que l’utilisation d’images et de symboles spirituels pour commettre des actes contraires à la morale, était traditionnellement qualifiée par l’Eglise de «faux mysticisme» et que ceci constituait un crime contre la foi. Mais il a aussi souligné que que le droit canonique ne prévoyait actuellement aucune disposition concernant ces crimes. Certains experts se plaindraient ainsi du fait que cette lacune ait entravé la poursuite d’abuseurs ayant usé des mêmes méthodes que Marko Rupnik. Cela aurait notamment été le cas des frères Thomas et Marie-Dominique Philippe, dont les agissements pervers ont été révélés en 2019. Le cardinal Víctor Manuel Fernández, préfet du DDF, a récemment déclaré que le «faux mysticisme» pouvait avoir de nombreuses significations et qu’il n’était donc «pas commode» en tant qu’accusation formelle dans les procédures canoniques.
Mgr Kennedy a précisé que les abus de ce type étaient traités selon différents articles du droit canon, du moment que le «code pénal» de l’Eglise ne caractérisait pas spécifiquement ce genre de comportement. L’Irlandais a suggéré qu’une telle inclusion serait probablement entreprise, tout en assurant que le terme de «faux mysticisme» ne serait pas utilisé.
Au cours de la conférence, une évaluation a été faite des progrès réalisés dans le traitement des cas d’abus en Italie au cours des 20 dernières années. La CEI espère notamment conclure d’ici 2025 une analyse qualitative et quantitative des cas d’abus sexuels commis par des clercs sur des mineurs entre 2001 et 2021. (cath.ch/crux/arch/rz)
Raphaël Zbinden
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