Le Sacré-Cœur bat à nouveau, au centre de Genève

Le Sacré-Cœur rouvre ses portes le 1er juin 2024, après quelques années de rénovation. Le bâtiment multi-activités genevois entend être un organe battant de la spiritualité au milieu de la cité et des gens.

En ce 27 mai 2024 les grilles retiennent encore prisonnières, telles une immense cage, le Sacré-Cœur. Elles tomberont le 1er juin pour libérer complètement le «phénix» architectural qui s’érige rue Général Dufour, en plein centre de Genève. Car le bâtiment achève sa renaissance. «Nous sommes très heureux de pouvoir présenter au public ce grand projet au fil de nombreux événements organisés pour son inauguration», assure Silvana Bassetti, chargée de l’information pour l’Eglise catholique romaine Genève (ECR), en faisant visiter les lieux à cath.ch. Malgré les ouvriers qui s’affairent encore, les échafaudages et les accessoires de chantiers qui traînent ça et là, le rendu final est désormais bien visible, un délicat équilibre entre modernité et conservation de la beauté initiale des lieux.

L’épreuve du feu

Le 19 juillet 2018, le feu avait semé la destruction dans l’édifice construit en 1860. Les flammes avaient gravement endommagé la toiture de l’église, ainsi que plusieurs parties de la structure. L’intérieur avait subi des dégâts importants en raison de la chaleur intense, de la fumée et de l’eau utilisée pour éteindre l’incendie d’origine criminelle.

Au 27 mai 2024, les travaux de finition étaient en cours sur le bâtiment du Sacré-Coeur | © Raphaël Zbinden

Après quelques années dédiées à l’élaboration du projet et aux procédures administratives, la première pierre du «nouveau» Sacré-Coeur était posée le 28 mars 2022, en la présence de Mgr Charles Morerod, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg.

Un peu plus de trois ans de travaux ont non seulement reconstitué la splendeur de l’édifice, mais lui ont aussi donné une nouvelle beauté intérieure et une nouvelle mission. L’extérieur, épargné par les flammes, n’a pas changé. Mais de multiples nouveautés sont à présent à trouver au sein du grand rectangle blanc.

Une nouvelle relation entre la terre et le ciel

L’espace dédié à l’église est le même qu’avant l’incendie. Il a été toutefois entièrement redessiné et repensé pour répondre aux réalités liturgique de Vatican II, souligne Silvana Bassetti. Tout cela selon un concept élaboré par l’architecte français Jean-Marie Duthilleul, spécialiste du réaménagement et de la modernisation des églises. Le nouvel espace sacré s’organise autour d’un axe sacramentel, avec l’orgue (en cours de réalisation), le baptistère, l’ambon, l’autel, le tabernacle, la présidence, la croix monumentale suspendue au plafond et un olivier. Il s’agit d’un arbre véritable, qui a été «stabilisé» selon une technique avancée de conservation de végétaux, eu égard au manque de lumière à l’intérieur de l’église.

Le coût total de travaux est de 25,5 millions de francs. Il est financé par les assurances (environ 8 millions), les donations (9 millions), un emprunt bancaire (7 millions), ainsi que des subventions des pouvoirs publics (1,5 million). Le financement n’est pas encore achevé et peut évoluer. (Source: ECR)

«Il m’est venu naturellement de proposer une architecture avec un point de convergence central, garantissant une nouvelle relation entre la terre et le ciel, et dans laquelle les différentes fonctions seraient fortement liées, explique Christian Rivola, l’autre architecte ayant travaillé au projet. Un axe vertical, de connexion physique et spirituelle, innovant, qui projette vers un avenir meilleur. Ici, nous trouvons la modernité, spatiale, matérielle, physique et mentale. En contraste, avec grâce, respect et délicatesse, nous avons proposé une restauration conservatrice en faveur des façades».

Des travaux qui ont été «aussi intéressants que complexes», admet Stéphane Franck, le maître de chantier. Oeuvrer sur un monument historique classé, qui plus est avec une dimension religieuse, est toujours un défi, explique-t-il. Parmi les aspects «particuliers», il évoque le déplacement des tombes d’anciens curés du lieu, une démarche dévolue aux pompes funèbres.

Le nouveau siège de l’ECR

Le nouveau Sacré-Coeur est, encore plus qu’il ne l’a été auparavant, un espace de travail et de décisions. Avant l’incendie, le lieu était déjà le siège de la paroisse francophone du Sacré-Coeur, propriétaire du bâtiment, et de la Communauté catholique romaine de langue espagnole. Désormais, il accueille aussi les bureaux de l’ECR. Celle-ci quitte ses locaux de la rue des Granges, en Vieille-Ville de Genève, pour emménager dans ce qui sera la nouvelle Maison diocésaine. Une quinzaine de collaborateurs y seront rejoints par 25 agents pastoraux laïcs, qui quitteront pour la plupart des locaux disséminés dans tout le canton.

L’intérieur de l’église du Sacré-Coeur a été conçu par l’architecte Jean-Marie Duthilleul | © Raphaël Zbinden

«Il y a un désir de faciliter la coordination de l’activité pastorale au service du canton, relève Fabienne Gigon, représentante de l’évêque pour la région diocésaine Genève. Il y a un aspect ›coloc’, atelier, laboratoire…l’espace a été pensé pour que l’on se croise, que l’on se parle, que l’on échange, que l’on partage des idées…Ce foisonnement du contact fera sans nul doute émerger des synergies, des fruits riches et variés.»

Une volonté de «faire alliance»

Pour l’agente pastorale, l’aventure du nouveau Sacré-Coeur est pleine de symboles et celui de la résurrection est parlant bien sûr. «Il est clair que les scandales liés aux abus ont jeté un grand discrédit sur l’Eglise. Il y a une confiance à recréer, des barrières à déconstruire, et cela peut engendrer une nouvelle dynamique.»

«Le Sacré-Coeur se veut un lieu paisible et accueillant, au milieu de l’agitation du quotidien»

Fabienne Gigon

Outre l’accueil des fidèles et des passants, le Sacré-Coeur est destiné à être un lieu de vie ouvert à toutes et à tous, ajoute Fabienne Gigon. Le bâtiment abrite ainsi également un restaurant ouvert au public, «L’Olivier du Sacré-Coeur». L’ancienne crypte au sous-sol a été transformée pour devenir un espace culturel. Des salles de conférences et une grande salle de fête ont été aménagées sous le toit.

Pour la représentante de l’évêque, le déménagement de l’ECR porte aussi une forte symbolique. «L’Eglise catholique romaine à Genève a bien sûr toujours souhaité être proche des gens. Mais le fait de partir de la rue des Granges, qui est sur une hauteur, dans les quartiers chics et un peu décentrée, dit quelque chose de cette volonté d’être encore plus au coeur de la cité et au service de la population.»

Il y a en effet, avec ce nouveau centre de l’Eglise genevoise, un souhait de «faire alliance», pas seulement avec les fidèles, mais également avec les «distanciés». «Beaucoup de personnes étudient ou travaillent dans le quartier. Ce sont aussi elles que nous souhaitons interpeller», remarque Fabienne Gigon.

«Pour cela, le Sacré-Coeur se veut un lieu paisible et accueillant, au milieu de l’agitation du quotidien, qui permet, même si l’on n’est pas croyant, de se reposer l’esprit, de méditer, et pourquoi pas de se questionner et de se rapprocher d’une forme de transcendance. Dans l’architecture du Sacré-Coeur, il y a un désir de beauté au service de la louange, et l’on sait que la beauté est un accès vers Dieu.» Le projet existe ainsi de développer des offres spécialement destinées aux travailleurs, par exemple lors de la pause de midi.

L’olivier de la paix

L’olivier, pièce atypique de l’église, est également transmetteur de sens. «Genève est une ville cosmopolite et multiculturelle, qui cultive le lien et le dialogue, et qui a vocation de servir la paix dans le monde. L’arbre évoque ces valeurs soutenues par l’Eglise», assure Fabienne Gigon.

«Les activités liées au nouveau centre sont encore au stade ‘évolutif'»

Fabienne Gigon

Le Sacré-Coeur sera ainsi un espace ouvert à l’échange avec les autres croyances, les autres confessions. Dès la rentrée, des prières de Taizé, par définition oecuméniques, sont prévues dans l’église. Pour ce qui est de la relation avec l’Eglise protestante genevoise, l’ECR n’a pas attendu pour entretenir avec elle une fructueuse collaboration dans de multiples domaines. «Comme les autres églises catholiques à Genève, le Sacré-Coeur sera toujours enclin à accueillir nos soeurs et frères protestants», assure la représentante de l’évêque.

Octave inaugurale

Les activités liées au nouveau centre sont encore au stade «évolutif», précise-t-elle. «Le but sera de répondre aux besoins qui se dessinent, d’avoir cette capacité d’être à l’écoute et de discerner.»

Fabienne Gigon assure en tout cas qu’il y a un grand enthousiasme parmi les paroissiens et les fidèles genevois, qui ont hâte de découvrir et d’expérimenter le nouveau lieu. Dans ce cadre, une «Octave inaugurale» tout public se déroulera du 1er au 8 juin 2024. Des conférences, la projection d’un film, une pièce de théâtre, des visites guidées et bien sûr des célébrations sont au programme. (cath.ch/rz)


© MAH Musée d’art et d’histoire, Ville de Genève. Don de
Magy Bondanini – 1ère moitié 20e s.

Chronologie du Sacré-Coeur

1858-1860
Le bâtiment de l’actuelle église du Sacré-Coeur est construit d’après les plans de l’architecte allemand Hermann Hug en tant que Temple Unique pour un groupe de loges maçonniques.
Fin du 19e siècle
En crise financière, les loges maçonniques vendent le Temple Unique. En cette période, le bâtiment abrite un café-brasserie puis des associations.
1873
Le bâtiment est racheté par un intermédiaire agissant au nom de l’Eglise catholique romaine sur fond de négociations orchestrées par Mgr Gaspard Mermillod (1824-1892), alors vicaire apostolique de Genève exilé à Ferney. Les catholiques, contraints de quitter l’église Saint-Germain en Vieille-Ville par les événements du Kulturkampf, célèbrent la première messe dans la crypte du Temple, le 19 octobre 1873.
La paroisse catholique romaine de Saint-Germain deviendra la Paroisse du Sacré-Coeur.
1921
Le futur cardinal Charles Journet (1891-1975) est nommé vicaire de la paroisse du Sacré-Coeur.
1939
Une importante transformation du bâtiment est entreprise, essentiellement pour l’adapter aux besoins et évolutions de la liturgie catholique.
1958
La Communauté catholique de langue espagnole est accueillie au Sacré-Coeur
2018
Le 19 juillet, un incendie ravage le bâtiment, avec l’embrasement généralisé de la toiture puis son effondrement.
2019-2020
La paroisse du Sacré-Coeur élabore un projet de reconstruction.
2022
Le 28 mars, a lieu une cérémonie d’inauguration du chantier.
2024
Fin mai, la paroisse francophone du Sacré-Coeur, la Communauté catholique hispanophone et une partie du personnel de l’Eglise catholique romaine Genève (ECR) emménagent dans les nouveaux locaux. Le 1er juin, le bâtiment rénové est inauguré. (Source: ECR)

Raphaël Zbinden

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