Jacqueline Straub, kath.ch / Traduction adaptation Maurice Page
Vous êtes cardinal depuis six mois maintenant. A quoi occupez-vous vos journées?
Emil Paul Tscherrig*: Pour l’instant, je profite de mon temps à Rome. Je suis à la retraite depuis quelques jours. J’ai également changé d’appartement.
Après votre création de cardinal, le pape vous a nommé membre du Tribunal suprême de la signature apostolique. Allez-vous poursuivre cette activité malgré votre retraite?
Jusqu’à présent, j’ai encore peu travaillé dans ce domaine. J’ai également été nommé à la commission cardinalice de la banque du Vatican. Notre tâche est de veiller à ce que les directives éthiques soient suivies. Par ailleurs, je suis également devenu membre du dicastère pour les causes des saints. C’est un travail très intéressant. Tout y est lié: Théologie, histoire, droit canonique. Ces fonctions ne m’occupent toutefois pas à plein temps. C’est très variable. La plupart du temps, nous nous réunissons deux fois par mois. Les intervalles servent à la préparation et à l’étude des documents.
«Le pape François est toujours pleinement engagé».
A 87 ans, le pape François est assez régulièrement malade. En tant que cardinal vous préparez vous à un prochain conclave?
Le Saint-Père accomplit chaque jour un travail complet, bien que certains problèmes physiques entravent sa liberté de mouvement. Il est toujours pleinement engagé et entreprend également des voyages apostoliques à l’étranger. Ses journées sont remplies de rencontres et d’audiences.
Un des ses grands projets est le synode sur l’avenir de l’Eglise. Quel regard portez-vous sur le processus synodal?
J’espère que le processus synodal nous conduira à une plus grande collaboration au sein de l’Église. Cela vaut pour les évêques, les prêtres et les laïcs. Ces derniers doivent être davantage impliqués dans le travail pastoral et l’administration. Nous avons besoin de laïcs non seulement parce qu’ils devraient nous soutenir, nous les prêtres, mais aussi parce qu’en tant que baptisés, ils participent à la mission de l’Eglise sous leur propre responsabilité. Je pense par exemple aux ministres extraordinaires de l’Eucharistie, qui peuvent être d’une grande aide partout, mais surtout là où le prêtre ne peut pas être présent en permanence. Une collaboration efficace dans ce sens serait en effet une sorte de «révolution» dans la vie de nombreuses Églises.
«La hiérarchie ne peut et ne doit pas tout faire».
Que font exactement les ministres de l’Eucharistie?
Ce sont des laïcs nommés et formés par l’évêque. Ils apportent entre autres la Sainte Communion aux malades et aux personnes âgées, peuvent inviter les fidèles à l’adoration eucharistique ou à la récitation du chapelet. Tant que les fidèles sont «convoqués», même s’il n’y a pas de prêtre, de diacre ou d’assistant pastoral sur place, l’Église est vivante. Nous avons aussi besoin de personnes qui se donnent pour enseigner la foi aux autres. J’espère que le synode renforcera cette prise de conscience. La hiérarchie ne peut et ne doit pas tout faire.
Nous devons nous considérer davantage comme le peuple de Dieu, chacun et chacune assumant sa vocation et sa tâche.
Lors du Synode, des voix se sont également élevées pour réclamer l’ordination d’hommes mariés (viri probati) et le diaconat pour les femmes. Qu’en pensez-vous ?
La question des «viri probati» est un vieux débat. Aujourd’hui déjà, il y a des prêtres mariés qui se sont convertis d’autres confessions et qui poursuivent leur mission dans l’Eglise catholique. Il y a aussi des hommes qui se décident pour le sacerdoce à une étape ultérieure de leur vie.
D’autre part, dans la situation juridique actuelle, les femmes sont exclues du diaconat permanent. Il est possible que cette question fasse à nouveau l’objet de discussions lors du présent synode. Je pense que tout le monde n’est pas obligé de tout faire dans l’Église. Et surtout, nous ne devons pas transformer les laïcs de l’Église en clercs.
«L’Eglise doit constamment faire face aux changements dans le monde».
Pourquoi faut-il l’éviter?
Dans certaines parties de l’Église, on s’efforce de remplacer les prêtres ordonnés par une sorte de sacerdoce laïc. Cela crée souvent des tensions. Le prêtre a sa mission, les laïcs la leur: ce n’est que dans la collaboration et la complémentarité de ces deux vocations que nous sommes l’Église, comme nous l’a enseigné le Concile Vatican II. L’Église est un peuple en marche et doit constamment faire face aux changements du monde. C’est le Saint-Esprit qui nous aide à ne pas perdre la direction et à rester fidèles à notre mission. (cath.ch/kath.ch/mp)
Réception du Cardinal Emil Paul Tscherrig le 2 juin à Sion
Lors du consistoire du 30 septembre 2023, le pape François a fait entrer l’archevêque valaisan Emil Paul Tscherrig dans le collège des cardinaux. Cette nomination honore non
seulement le nouveau cardinal, mais aussi son diocèse d’origine, Sion, et tout le canton du Valais, indique l’évêché.
Le dimanche 2 juin 2024, le cardinal Tscherrig sera officiellement accueilli dans son diocèse d’origine lors d’une messe solennelle qui sera célébrée à 12h00 à la cathédrale de Sion. A l’issue de cette messe, le président du Conseil d’État valaisan transmettra les salutations du gouvernement.
Emil Paul Tscherrig
Emil Paul Tscherrig (*1947) est né et a grandi dans le village haut-valaisan d’Oberems. Après sa maturité au collège de Brigue, il est entré en 1968 au séminaire du diocèse de Sion. Il a terminé ces études par une licence en théologie à l’Université de Fribourg. En 1974, Emil Paul Tscherrig a été ordonné prêtre à Sion. Il a ensuite poursuivi ses études à Rome, où il a obtenu un doctorat en droit canonique à l’Université pontificale «Gregoriana».
De 1974 à 1978, il a en outre suivi une formation à l’Académie pontificale diplomatique de Rome. Le 1er avril 1978, il est entré au service diplomatique du Saint-Siège et a travaillé successivement dans les nonciatures en Ouganda, en Corée du Sud et au Bangladesh. En 1985, il est revenu au Vatican pour s’occupe des voyages du pape Jean Paul II à l’étranger.
En 1996, il est nommé nonce apostolique au Burundi et reçoit l’ordination épiscopale. Il sera ensuite ambassadeur du Saint Siège dans les pays des Caraïbes, en Corée du Sud et en Mongolie, dans les pays nordiques (Suède, Danemark, Finlande, Islande et Norvège), en Argentine et enfin en Italie en 2017. MP
Maurice Page
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