La 'Force' de 'Star Wars' est-elle le Saint-Esprit?

Le concept de la «Force» dans la saga de science-fiction Star Wars s’apparente-t-il à l’Esprit-Saint selon la conception chrétienne? A l’occasion de la «fête de l’Esprit» que représente la Pentecôte, la théologienne protestante vaudoise Noémie Emery décrypte les opportunités et les faux-semblants liés à cette question.

«Que la Force soit avec vous»… «et avec votre esprit», serait-on tenté de répondre. Une référence qui ne choque plus personne, tant les éléments de la saga Star Wars – dont de très nombreux sont à connotation religieuse – ont pleinement intégré la culture contemporaine. Son créateur, George Lucas, lui-même de confession méthodiste, a d’ailleurs toujours été explicite sur le substrat religieux de son œuvre cinématographique. «Je n’ai jamais voulu inventer une religion. J’ai voulu essayer d’expliquer de façon différentes les religions qui ont existé. J’ai voulu les exprimer toutes», a-t-il notamment déclaré.

Le «liant» du cosmos

Ainsi l’un des éléments «religieux» les plus frappants du ‘space opera’ qui cartonne au box office depuis quarante ans est le phénomène de la «Force». Elle est perçue comme un champ d’énergie reliant tous les êtres vivants et donnant à ceux qui y sont sensibles une panoplie de pouvoirs allant de la télékinésie (le fait déplacer des objets par la pensée) à la télépathie en passant par le contrôle des esprits.

De quoi l’apparenter à la notion du Saint-Esprit dans le christianisme? «En définissant brièvement les concepts de Force et d’Esprit, on constate que, globalement, tous deux sont des sortes d’énergie participant à la bonne marche du cosmos, offrant une puissance particulière à ceux qui y sont réceptifs», confirme Noémie Emery. La Bible donne des exemples de pouvoirs particuliers conférés par le Saint-Esprit. Typiquement, celui donné aux apôtres, lors de la Pentecôte, de parler dans des langues qu’ils ne connaissent pas.

Pour autant, Noémie Emery souligne la difficulté de donner une définition de l’Esprit-Saint, un aspect dont la dimension dépasse grandement les capacités de compréhension humaine. «J’aurais envie de résumer, si tant est que ce soit possible, en disant que l’Esprit-Saint est le souffle divin mis à disposition des humains, afin de témoigner de sa puissance d’amour, sa puissance créatrice».

«L’Esprit n’est pas maîtrise, il est grâce, il est don»

Plusieurs «points de tension» apparaissent donc entre les concepts de «Force» et de «Saint-Esprit», relève la théologienne protestante. Un premier étant que si la Force est bien un élément surnaturel, elle n’est pas l’émanation d’un dieu, et encore moins d’un Dieu d’amour qui tient à rester en lien avec sa Création. «La notion de relation, à mon sens si présente avec l’Esprit, est absente dans Star Wars».

Une seconde tension vient du fait qu’il y a un «côté obscur» et un «côté lumineux» de la Force, impliquant qu’elle est neutre par essence, et que l’usage que l’on en fait nous amène à pencher d’un côté ou de l’autre. «Or, l’Esprit Saint n’est pas une force neutre, il est bon car don d’un Dieu bon», souligne Noémie Emery. De plus, les Jedis (les représentants du côté lumineux, ndlr) comme les Siths (les représentants du côté obscur, ndlr.) manipulent la Force à leur guise (moyennant entraînement). Il semble que la Force obéisse à leur volonté. «Or, l’Esprit n’est pas maîtrise, il est grâce, il est don».

«Point de passage» entre deux univers?

Malgré ces importantes divergences, la théologienne vaudoise estime que le concept de Force peut constituer une «porte d’entrée» pour la compréhension de l’Esprit-Saint. Les récits de Star Wars ont l’avantage d’être séduisants et accessibles pour les personnes qui ne seraient pas familières avec les récits bibliques, notamment les plus jeunes. Ils permettent en particulier, davantage que les écrits sacrés, une identification aux personnages. «Dans la Bible, l’identification est moins évidente, car le récit s’intéresse avant tout à l’action de Dieu, et pas en premier lieu à l’évolution et aux ressentis des protagonistes».

Mais, pour Noémie Emery, il faut prendre garde à ne pas rester «au seuil de cette porte d’entrée». Les «tensions» relevées auparavant devraient en effet servir à nourrir la réflexion. Elles peuvent par exemple permettre d’explorer des questions pertinentes sur la foi, telles que «Dieu a-t-il un côté obscur?», «Peut-on utiliser l’Esprit à sa guise?», ou encore «Y a-t-il des gens qui sont des Jedis ou des Siths de la foi?»

La théologienne remarque en tout cas que ce type de confrontations entre la Bible et des œuvres de la «pop culture» peut amener à des interrogations passionnantes susceptibles de rapprocher les deux univers. (cath.ch/rz)

Cet article est paru sur cath.ch en premier lieu en 2020

Raphaël Zbinden

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