«Au pélé-vélo des JMJ, je me suis rendu compte de l’essentiel»

«Sur les panneaux, nous remarquons enfin ‘Lisboa’ (…) Cela nous réjouit tous, mais certains sont un peu tristes, car ils sentent que l’aventure à vélo va bientôt toucher à sa fin.» (Carnet de route d’un JMJiste, p. 55)

Lors des dernières Journées mondiales de la jeunesse (JMJ), en été 2023, le jeune Valaisan Milos Cernak (21 ans) a traversé le Portugal sur deux roues, dans le cadre du ‘pélé-vélo’ qui a réuni une quarantaine de jeunes de la Suisse romande. De cette aventure, il a tiré le livre Carnet de route d’un JMJiste, sorti début mai 2024, aux éditions Saint-Augustin (Saint-Maurice/VS). Interview.

Qu’est-ce qui vous a donné l’envie de retranscrire cette expérience des JMJ?
Milos Cernak: D’une manière générale, je suis un grand lecteur, de tout un tas de choses. Dès qu’on lit beaucoup, il devient naturel d’écrire aussi. Et je me suis pris au jeu du carnet de route en faisant ce ‘pélé-vélo’. Mon intention première n’était pas de faire un livre. Mais en rentrant, l’idée m’est peu à peu venue de faire quelque chose de mes notes. Je les ai complétées d’après mes souvenirs, et j’ai envoyé le manuscrit à des éditeurs. Plusieurs ont été intéressés, dont Saint-Augustin. Le fait qu’il s’agit d’une entreprise catholique m’a convaincu d’y aller avec eux.

Milos Cernak, aujourd’hui âgé de 21 ans, est né à l’est de la Slovaquie, dans une famille catholique pratiquante. Il est arrivé en Suisse en 2011, dans le cadre d’un nouvel emploi de son père dans ce pays. Etudiant l’architecture à l’EPFL, il habite à Martigny (VS).

Que voulez-vous apporter au lecteur?
Moi, je lis surtout pour me divertir, pour me reposer l’esprit. Donc, je suis parti tout d’abord dans cet objectif, que la personne passe un bon moment avec mon livre. Ensuite, j’ai constaté que beaucoup de gens autour de moi ne savaient pas du tout ce qu’étaient les JMJ. Le livre sert aussi à faire découvrir cet événement, à montrer à quel point il est ouvert, joyeux, fraternel, accessible à tous.

Le fait d’avoir fait la route à vélo a-t-il amené quelque chose de spécial au pèlerinage?
En observant les autres groupes et en parlant avec eux, j’ai observé que nous étions dans une dynamique peut-être différente de ceux qui étaient venus en avion ou en car. Nous sommes restés incroyablement unis et proches tout au long des JMJ. Bien sûr, tous les événements vécus sur la route nous ont soudés. Comme nous étions un petit groupe et que nous étions tout le temps ensemble, nous avons appris à très bien nous connaître, sans doute plus que d’autres qui ont été directement confrontés à la grande foule à Lisbonne.

Milos Cernak est l’auteur de «Carnet de route d’un JMJiste» | © Raphaël Zbinden

Avez-vous en tête des événements qui ont encouragé cette cohésion?
La route n’était pas facile, il y a eu maints épisodes, que je relate dans le livre, où nous avons été éreintés, où nous avons eu faim, soif, où nous avons dû affronter tour à tour la pluie, le soleil ardent, le froid. Mais c’est dans ces moments-là que nous nous sommes tous révélés capables de la plus grande solidarité. Je me suis blessé à plusieurs reprises, heureusement pas gravement. Et j’ai toujours pu compter sur quelqu’un pour s’occuper de moi.

Et sur le plan spirituel?
Le fait de réaliser un effort physique dans le cadre d’un pèlerinage lui donne certainement un sens. Ce n’est pas pour rien qu’habituellement on le fait à pied. Chacun y puise toutefois quelque chose de différent. Pour moi, cela a tout d’abord été la nécessité de m’orienter vers Dieu lorsque les choses devenaient vraiment difficiles. Avec son aide, je suis parvenu à mobiliser mon courage pour continuer, pour ne pas laisser tomber, pour garder le moral.

«Le ‘pélé-vélo’ m’a donné du courage et une confiance renouvelée en Dieu»

Mais j’ai aussi beaucoup appris sur le plan intellectuel. Nous avions tous les jours des discussions sur la foi que nous appelions des ‘passo’ (col, étape). Elles s’appelaient comme cela parce qu’elles nous amenaient progressivement à Lisbonne. Nous avons eu des discussions très profondes sur la vie, le sens du mal, etc.

En chemin, nous avions aussi une forme de routine spirituelle, avec la prière du matin, du soir, les discussions, une messe pendant la journée.

L’expérience vous a donc transformé…
Absolument.  Avant les JMJ, j’ai eu des périodes de doutes et d’autres où je pratiquais sans réelle conviction. L’expérience du ‘pélé-vélo’ et des JMJ m’a permis de m’ancrer dans ma foi.

En premier lieu, je dirais qu’elle m’a donné du courage et une confiance renouvelée en Dieu. Dans les moments difficiles, j’ai ressenti qu’Il était toujours là pour moi, qu’Il voulait constamment mon bien. Il y a toujours un petit risque quand vous partez à vélo sur les routes. Vous devez alors mettre  votre confiance en Dieu. Cela amène un certain lâcher-prise dans votre vie.

«Le plus fort émotionnellement a été la rencontre des populations locales»

En fait, hors de mon confort quotidien, de mes possibilités de distraction, je me suis rendu compte de ce qui est essentiel, non seulement la nourriture et l’eau, mais aussi la relation avec l’autre, la confiance en la vie…

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Vous est-il à présent plus facile de parler de votre foi?
Certainement. Avant, j’avais quelques contacts avec des jeunes de la paroisse, mais ce n’était pas très facile de parler de ce que je ressentais. Cette expérience m’a aidé à m’ouvrir, non seulement pour parler de ma foi mais aussi pour aller simplement vers l’autre.

En parcourant votre livre, notamment vos croquis réalisés sur place, on ressent une passion pour la découverte…
Oui, c’est un aspect important. J’aime beaucoup découvrir les nouvelles cultures, les nouveaux lieux, les personnes. Je m’intéresse particulièrement aux bâtiments, et j’aime les dessiner, ce n’est pas pour rien que je fais des études d’architecture (à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne-EPFL, ndlr).

«Pour moi, les JMJ sont un cri d’espoir pour le monde actuel»

Mais bien sûr que le plus fort émotionnellement a été la rencontre des populations locales. J’ai été surpris par la simplicité des gens dans les petits villages. Nous avons toujours été accueillis avec une immense bienveillance. Ils nous ont ouvert leurs portes en toute confiance, nous ont hébergés, nous ont donné à manger. C’était en fait rassurant par rapport à toute l’humanité de constater qu’un lien aussi fort peut se créer spontanément entre des personnes qui ne se connaissent pas.

Lorsque vous arrivez à Lisbonne, le 1er août, vous êtes presque «déçu»…
Oui, parce qu’il y avait quelque chose de très spécial dans ce voyage qui se terminait. Quand on est arrivés, ça m’a donné l’impression d’un immense parc d’attraction, avec la foule, la musique très fort dans les haut-parleurs, il y avait un peu une perte de l’authenticité et de l’intimité qui nous avaient accompagnés jusque-là. Mais finalement, après un certain temps, je me suis rendu compte que c’était juste une autre façon de vivre les JMJ. C’était beau de voir toutes ces personnes du monde entier rassemblées pour le Christ, de voir qu’il y a autant de jeunes motivés à faire avancer les choses, à travailler ensemble pour le bien commun. Pour moi, les JMJ sont un cri d’espoir pour le monde actuel.

Etes-vous toujours en contact avec les participants du «pélé-vélo»?
Oui, nous nous revoyons régulièrement et nous gardons un très bon contact. Cela nous a tellement plu qu’un nouveau ‘pélé-vélo’ est en préparation pour le Jubilé 2025, à Rome. (cath.ch/rz)

Une rencontre-dédicace de Milos Cernak (en même temps que l’Abbé Joël Pralong) aura lieu à la librairie Saint-Augustin, à St-Maurice, le 18 mai 2024 de 15h à 17h.

Extrait de Carnet de route d’un JMJiste
«Vers midi nous atteignons notre destination du jour: le village pittoresque de Priscos. L’accueil que l’on nous y réserve est très chaleureux. Le curé du lieu, avec quelques paroissiens, nous souhaite la bienvenue, avant de nous introduire dans une salle à manger si belle qu’elle pourrait rivaliser avec de nombreux restaurants. Aller m’assoir sur une chaise et manger des spécialités portugaises à volonté sur une vraie table me paraît en ce moment tellement surnaturel.» (p.28-29)

Raphaël Zbinden

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