Presque vingt ans après un premier livre: La messe enfin je comprends tout, le prêtre genevois publie une nouvelle édition sous le titre: Au cœur de la messe, tout savoir sur la célébration. *
Qu’est-ce qui a motivé la rédaction de ce nouveau livre?
Pascal Desthieux: Mon premier livre sur la messe publié en 2005 était épuisé. Plutôt que de prévoir une simple réimpression j’ai voulu faire une nouvelle édition avec la tertia editio du missel de 2021 et les nouveaux lectionnaires. J’ai repris, simplifié et complété parfois. Entre-temps j’ai aussi fait ma thèse sur le silence dans la liturgie. Ce qui m’a permis d’approfondir les rites et leur origine.
Depuis presque vingt ans comment la pratique des fidèles a-t-elle évoluée?
Comme curé d’une basilique à Genève, je constate que les fidèles restent attachés à une liturgie soignée et classique. Il y a probablement moins d’attentes de quelque chose d’extraordinaire, chez les jeunes aussi. Le rituel est là, mais la manière de célébrer importe beaucoup. Cela dépend du prêtre et de l’équipe liturgique. Il s’agit de ne pas se précipiter, de respecter la beauté et les silences même s’il n’y a rien de spécial.
En plein centre-ville, à deux pas de la gare, Notre-Dame offre cinq messes chaque dimanche qui sont encore toutes bien fréquentées. La première à 8h30 attire plus les gens d’un certain âge qui se lèvent tôt. Celle de 10h est classique avec du chant grégorien, celles de 11h30 et 17h sont plus familiales enfin celle de 20h30 voit davantage de jeunes.
On a parfois l’impression d’avoir une messe du prêtre, une messe de la chorale ou de l’organiste et une messe des fidèles.
C’était quelque chose de très typique pour l’ancien rite où trois liturgies parallèles cohabitaient. La réforme liturgique issue de Vatican II insiste sur la participation active de tous. La chorale est au service du chant de l’assemblée. Elle ne donne pas une prestation, mais participe à l’action liturgique. Et les fidèles ne sont pas des consommateurs.
Vous soulignez aussi l’importance du silence.
Il faut mieux prendre conscience de l’importance du silence comme un acte liturgique accompli par tous, par exemple après la communion. C’est aussi un moment de participation des fidèles.
«J’aime rappeler ce mot d’un évêque lors des JMJ: ‘la messe n’est pas obligatoire, elle est vitale !'»
L’eucharistie est considérée comme source et sommet de la vie de l’Eglise.
Le sommet est assez bien vécu par les fidèles, notamment lors des grandes fêtes. Par contre la source est parfois négligée. Cette question est à approfondir aussi pour les dimanches dits ordinaires. La messe nous constitue comme Église. «L’Eglise fait l’Eucharistie et l’Eucharistie fait l’Eglise», disait le Père de Lubac, grand théologien de l’époque conciliaire. L’assemblée est constituée comme Eglise avant d’être envoyée, comme le rappelle l’étymologie latine du mot messe qui signifie envoi.
Pour les catholiques, la messe dominicale reste obligatoire.
Le terme obligatoire n’est pas vraiment porteur. Je préfère rappeler ce mot d’un évêque lors des Journées mondiales de la jeunesse: ‘la messe n’est pas obligatoire, elle est vitale!’ Être chrétien, membres d’une Église, implique la célébration de la messe. En recevant le corps du Christ, on fait plus que ‘recharger ses batteries’, on est ‘incorporé’ au corps du Christ qu’est l’Eglise.
On constate aussi, un certain retour de la communion à genoux et sur la langue. Ce qui ne manque pas d’agacer certains.
Je laisse faire chacun selon sa convenance. J’ai ici une petite anecdote. Nous avons introduit lors des messes dominicales la communion sous les deux espèces du corps et du sang du Christ par intinction selon le terme technique, c’est-à-dire en trempant l’hostie dans le vin. Du coup des fidèles qui communiaient dans la bouche ont changé leur pratique en prenant l’hostie dans la main!
Vous avez voulu un ouvrage très pédagogique, une sorte de manuel.
J’ai eu beaucoup d’échos positifs me disant ‘depuis que j’ai lu le livre je vis mieux la messe’. Lors de la publication en 2005, un des premiers commentaires m’est venu d’un confrère prêtre me disant: ‘j’ai appris des tas de choses!’. Derrière chaque geste, chaque parole il y a une signification profonde. C’est beau de le découvrir ou le redécouvrir. Je présente les rites et j’explique le pourquoi de chacun. Rien n’est là par hasard. J’offre aussi différentes entrées: biblique, analytique, anecdotique, on encore par le dessin humoristique. J’ai privilégié la facilité de lecture. Au départ, il est plutôt pensé pour une lecture individuelle, mais on peut aussi en tirer des extraits pour la catéchèse ou le travail en groupe.
«Même les pratiquants réguliers ne connaissent pas toujours le sens des gestes de la messe. J’invite à la curiosité et à s’interroger.»
Vous partez souvent des questions des fidèles.
Lorsque j’étais en ministère à Yverdon, j’avais fait une journée sur la messe avec des confirmands avec des questions toute simples: ›Pourquoi le prêtre embrasse l’autel en entrant dans l’église? Pourquoi le fidèle trace-t-il une croix sur son front, sa bouche et son cœur avant la lecture de l’évangile? Pourquoi le prêtre ajoute-t-il une goutte d’eau dans le calice? Même les pratiquants réguliers ne connaissent pas toujours le sens de ses gestes. J’invite à la curiosité et à s’interroger.
Vous rappelez aussi que la quasi-totalité des paroles de la messe a une origine biblique.
Oui je cite la référence, même si je n’en fait pas chaque fois une exégèse détaillée. Par exemple, la parole qui ouvre la préface: ‘Élevons notre cœur! Nous le tournons vers le Seigneur’ se rapporte au livre des Lamentations du prophète Jérémie (3,41): ‘Élevons notre cœur et nos mains vers le Dieu qui est au ciel’.
Dans l’imaginaire collectif, la messe est un rite immuable et intangible.
La messe n’est pas immuable. Elle ne cesse pas d’évoluer. La liturgie est vivante. La réforme de la liturgie survenue en 1970, après le Concile Vatican II, a évidemment été décisive. Jusque-là globalement les fidèles n’avaient pas vraiment part aux rites liturgiques qui étaient l’affaire quasi exclusive des clercs car on voulait privilégier le ‘sacré’. Ils priaient le chapelet pendant la messe par exemple. L’ecclésiologie de Vatican II donne une place plus grande aux laïcs, y compris dans la célébration liturgique.
Après de longues années de travail et beaucoup de controverses, la nouvelle traduction du missel romain de 2021 n’a apporté que quelques changements mineurs.
Je partage aussi un peu la déception face à la nouvelle édition du missel romain. Avec une traduction plus proche du latin on apporte néanmoins quelques précisions et quelques dialogues supplémentaires. Il y a aussi des améliorations comme de dire ‘frères et sœurs’.
Une des originalités de votre livre sont ses illustrations humoristiques.
Hélène VDB a prêté sa plume aux dessins déjà dans la première édition. Je lui fournissais un petit scénario expliquant mon idée. Au départ, nous ne nous étions même pas rencontrés. Cette dessinatrice est une cousine de mon professeur de thèse qui nous avait mis en contact. Pour cette édition, certains dessins ont été colorisés et d’autres sont nouveaux. Les messages importants passent aussi par le dessin humoristique. (cath.ch/mp)
* Pascal Desthieux est aujourd’hui recteur de la basilique Notre-Dame de Genève. Il est aussi l’auteur de Habiter le silence dans la liturgie (Salvator) et La confession, enfin je comprends mieux et Ma confirmation approche: tout savoir sur la célébration (Saint-Augustin).
Maurice Page
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