Sénégal: le président Faye provoque des inquiétudes pour la laïcité

Le nouveau président du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye, a suscité critiques, interrogations, et inquiétudes face à la laïcité, en imposant deux nouvelles mesures en lien avec les religions, en moins d’un mois de pouvoir.

Décrié par ses adversaires politiques comme islamiste radical, D. Faye, 44 ans, inspecteur des impôts, sans grande expérience et responsabilités dans la haute administration, a été élu le 27 mars dernier pour un mandat de cinq ans, renouvelable une fois. Il a pris ses fonction le 2 avril. Très vite les critiques ont fusé.

Un catholique ministre des cultes

La première a porté sur la nomination, le 6 avril, d’un chrétien catholique, le général Jean Baptiste Tine, ancien Haut commandant de la gendarmerie nationale, à la tête du ministère de l’Intérieur, en charge des cultes. Le dernier catholique à occuper ce portefeuille, avait été André Sonko, de 1988 à1990. A cette époque, le Sénégal, pays très majoritairement musulman, avait un islam plus modéré, tolérant et ouvert.

Réagissant à cette nomination du Général Tine, Bachir Fofana, journaliste et chroniqueur sur une télévision privée locale, ITV, s’est interrogé sur son aptitude à gérer les affaires religieuses, dans un pays majoritairement musulman. « Comment se comporterait-il lors des grands événements religieux musulmans que la célébration du Maouloud (la naissance du prophète NDLR) le Magal de Touba (célébrant le retour d’exil du fondateur de la confrérie des Mourides, le CheikhAhmadou Bamba  NDLR)», s’est-il notamment interrogé. La direction de la chaîne s’est néanmoins démarquée de ces propos, que l’opinion sénégalaise dans sa diversité, a unanimement condamnés.

La laïcité de l’Etat en question

Une autre critique plus incisive et plus acerbe a été émise mi avril, après l’annonce par le président de la création au sein de la présidence de la République, d’une direction des affaires religieuses et de l’insertion des diplômés de l’enseignement arabe.

Pour Abdoulaye Sall, inspecteur de l’enseignement à la retraite, cette décision pourrait remettre en cause le principe de la laïcité de l’Etat. Dans une tribune-libre reprise par les médias, il a estimé que la création d’une direction spécifiquement dédiée aux affaires religieuses et que l’insertion d’une catégorie spécifique de diplômés, établie directement sous la haute autorité du Président de la République était «surprenante et préoccupante».

Cette démarche semble indiquer «une préférence» non seulement pour une religion particulière, mais également pour une discipline d’enseignement spécifique. Ce qui peut être perçu comme une rupture du principe d’égalité qui doit prévaloir dans un Etat laïc.

«La question de la neutralité de l’Etat face aux différentes confessions religieuses se pose avec acuité. Il est crucial de savoir de quelle confession sera issu le directeur de cette nouvelle direction, et comment cette nomination pourra affecter l’équilibre et la cohésion entre les différentes communautés religieuses du Sénégal ?», a-t-il ajouté. Il a rappelé au président Faye, que « la laïcité est un pilier de notre République ». Elle doit être « préservée et protégée ».

Evoquant  l’Article premier e la Constitution, l’auteur relève que «la République du Sénégal est laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race, de sexe, de religion. Elle respecte toutes les croyances»

Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes ont fustigé la décision du président Faye: «l’Etat doit rester neutre face aux religions». « Attention à la dérive du pouvoir, même cachée sous les meilleures intentions ! », »Privilégier la langue et diplômes arabes par rapport aux autres langues étudiées dans notre pays est incontestablement un parti pris du président» ont alerté des citoyens.  (cath.ch/ibc/mp)

Ibrahima Cisse

Portail catholique suisse

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