Au début des années 1980, un interne du Collège Champittet avait subi des attouchements par un chanoine, enseignant au collège et actif au sein de l’internat. La victime en avait informé l’évêque de Sion en 2022. Le Prévôt du Grand-St-Bernard de l’époque, Jean-Michel Girard, avait immédiatement réagi en suspendant le prêtre de toute activité et en dénonçant le cas aux autorités civiles compétentes. Par ailleurs, un jugement ecclésiastique du chanoine accusé d’actes pédocriminels au sein de l’établissement scolaire vaudois a été rendu le 16 décembre 2022, et interdiction est faite au chanoine de célébrer les sacrements en public pendant 10 ans.
Suite à la dénonciation de ce cas, le chanoine Jean-Michel Girard avait aussi confié à l’avocat Bernard de Chedid, le 9 décembre 2022, un travail d’enquête extérieure sur d’éventuels abus sexuels commis au Collège Champittet par des chanoines du Grand-Saint-Bernard entre 1951 et 1998, soit les années durant lesquelles les chanoines étaient responsables de l’établissement. Les conclusions de cette enquête ont été remises fin mars 2024 au prévôt de la Congrégation, le chanoine Jean-Pierre Voutaz.
«Me de Chedid et ses collaborateurs ont rencontré le chanoine incriminé à deux reprises, ainsi que la victime, afin de comprendre, notamment, le contexte de cet abus et de rechercher les éventuels indices permettant de suspecter des abus systémiques au sein du Collège Champittet», détaille dans un communiqué de presse les chanoines. D’anciens élèves et d’anciens professeurs présents à Champittet entre 1951 et 1998 ont été interrogés. Parallèlement à ces entretiens – 48 en tout selon Jean-Pierre Voutaz -, les enquêteurs ont consulté les archives du Collège, ainsi que les dossiers de chacun des 53 chanoines ayant travaillé à Champittet. Les archives secrètes de la Prévôté du Grand-Saint-Bernard ont aussi été examinées.
Les enquêteurs se sont également entretenus avec des représentants du groupe SAPEC (Soutien aux personnes abusées dans une relation d’autorité religieuse) et de la CECAR (la Commission Ecoute-Conciliation-Arbitrage-Réparation), deux instances chargées de traiter les affaires d’abus sexuels en lien avec l’Église catholique en Suisse. «Nous avons demandé que toute personne ayant déposé une requête auprès de ces instances pour dénoncer des abus impliquant des chanoines du Grand-Saint-Bernard et le Collège Champittet nous contacte, explique l’avocat. À ce jour, personne ne l’a fait.»
«De manière générale, explique encore l’avocat, mon rapport va à contre-courant des enquêtes similaires, telles celles d’Einsiedeln pour son Collège ou de l’Université de Zurich mandatée par la Conférence des évêques suisses. Il semble que le Collège de Champittet ait été davantage préservé que d’autres institutions gouvernées par des religieux.»
Contacté par cath.ch, le prévôt Jean-Pierre Voutaz a précisé néanmoins que le rapport d’enquête actuel, remis par le bureau d’avocat, ne tire pas un trait définitif sur la question. Les archives ne recélant rien de probant au sujet d’éventuels autres abus commis dans le Collège, ceux-ci ne pourraient remonter à la surface que grâce à de nouveaux témoignages et dénonciations, rappelle-t-il. Notamment auprès de la commission neutre et indépendante des organes de l’Église la CECAR, qui a été constituée pour entendre et accompagner les victimes.
Par ailleurs, le rapport remis au prévôt signale des cas qualifiés de «périphériques», en ce sens qu’il s’agit d’actes répréhensibles commis en dehors du collège par des chanoines qui n’étaient plus à Champittet (voir encadré). Au sujet de ces cas, la Congrégation du Grand-Saint-Bernard assure de son côté continuer son propre travail d’enquête «pour faire la lumière sur son passé». (cath.ch/com/bh/lb)
Des ‘cas périphériques’ apparus pendant l’enquête
«L’enquête concerne uniquement la congrégation du Grand-Saint-Bernard», précise à cath.ch le chanoine Jean-Pierre Voutaz, prévôt de la congrégation. «Le champ d’investigation s’est limité à la période qui relève de la responsabilité du prévôt, c’est-à-dire de 1951 à 1998, lorsque le collège appartenait à la congrégation», ajoute-t-il. La période a été élargie jusqu’à 2009, année où le dernier chanoine présent au collège a quitté l’établissement. «Les abus commis par des prêtres ou des laïcs n’ont pas été pris en compte.»
En outre, précise le prévôt, «les ‘cas périphériques’, concernent des abus commis par des confrères en dehors du collège de Champittet et qui sont décédés». Ces cas sont apparus au cours de l’enquête concernant l’établissement lausannois à l’occasion de la consultation des archives et des archives secrètes de la congrégation. «Nous communiquerons ultérieurement à ce sujet, annonce Jean-Pierre Voutaz, le temps de rassembler les éléments qui manquent encore et d’effectuer les dernières vérifications pour boucler le dossier.»
Lancée fin 2022, l’enquête a pu paraître longue, «mais cela s’explique par le fait que les enquêteurs ont souhaité s’entretenir avec des personnes qui ont travaillé sur des abus sexuels. Ils souhaitaient cerner les processus abusifs, la manière dont ils se développent et la méthodologie utilisée pour décrypter ces phénomènes». Outre le SAPEC et la CECAR, l’équipe de Me de Chedid a notamment consulté les chercheurs de l’Université de Zurich, qui ont publié le rapport sur les abus en Église, ou encore Josselin Tricou, sociologue français, spécialiste des abus sexuels en contexte ecclésial. BH
Lucienne Bittar
Portail catholique suisse
https://www.cath.ch/newsf/college-de-champittet-pas-dautres-abus-selon-lenquete-externe/