Il poursuit en expliquant que la recherche du bonheur ne relève pas du développement personnel ni d’une quête individualiste, mais qu’elle constitue bien une vertu. «C’est un devoir envers les autres que d’être heureux.» J’aime cette idée de l’effort dans la joie. Évertuons-nous à être heureux, à sourire, à manifester notre joie. Pour beaucoup la joie passe pour de la naïveté, un manque de réalisme, une utopie alors que je pense qu’être joyeux est une façon d’être au monde, de faire du bien autour de soi, comme un éclat de rire qui réjouit la personne qui l’entend.
Dans le livre de l’auteure japonaise Ito Ogawa, intitulé Le restaurant de l’amour retrouvé, on découvre une histoire émouvante qui parle de cuisine et d’amour. Un soir, une jeune fille rentre dans son appartement. Là, elle découvre que son fiancé l’a abandonnée et est parti en prenant tout avec lui, laissant seulement un pot très ancien de saumure qui lui vient de sa grand-mère chérie. Suite à ce chagrin d’amour, bouleversée, elle en perd la voix. Elle décide de rentrer chez elle, dans son village natal, en emportant la seule chose qui lui reste, la saumure, trace de son passé et de son attachement à sa grand-mère.
«Le restaurant de l’amour retrouvé est un livre unique, rare, éblouissant sur le partage et le don»
Après un temps d’immense tristesse et de désœuvrement, elle va trouver en elle un charisme particulier qui l’aidera à retrouver sens à sa vie. Elle découvre qu’elle possède un don très rare: celui de rendre les gens heureux en leur préparant des plats délicieux, des plats médités comme une prière et préparés avec amour. Elle invente des plats uniques, qui se savourent lentement, se dégustent et dévoilent des saveurs insoupçonnées. Ces plats révèlent chez ceux qui les mangent des émotions cachées et depuis longtemps refoulées. Et c’est ainsi que l’héroïne retrouve la paix en trouvant une consolation dans le bonheur de ses convives.
La merveille de cette histoire réside dans le fait que le but de cette jeune femme n’est pas seulement de concocter quelque chose de savoureux, mais de rendre les gens heureux lorsqu’ils dégustent des plats improbables aux saveurs inattendues et révélatrices. Comme le révélateur, qui permet de faire apparaître une photographie et rendre visible l’image latente, manger permet de révéler des émotions enfouies.
C’est un livre unique, rare, éblouissant sur le partage et le don, à savourer délicieusement. Une très belle invitation à la cuisine comme acte d’amour. «Je ne devais pas abandonner la cuisine. Cette certitude m’habitait, alors, j’ai décidé de recommencer à cuisiner pour de bon. De cuisiner pour faire plaisir à ceux qui m’entourent. De cuisiner pour apporter de la joie. De continuer à rendre les gens heureux, même un tout petit peu. Ici, dans cette cuisine unique au monde.»
Isabelle Vernet
3 avril 2024
Portail catholique suisse