Geneviève de Simone-Cornet pour cath.ch
«Ensemble, en partageant nos traditions qui nous enrichissent mutuellement, nous vivons ce passage formidable qui affirme la primauté de la vie et nous permet d’espérer que, aussi sombre que le monde puisse être par moments, il y aura toujours une résurrection après la mort, que l’amour et la lumière triompheront»: tel était le sens de la célébration.
La cérémonie était introduite par ces mots par Bernard Pagella au nom du Consistoire de l’Eglise protestante genevoise, accompagné d’Andrea von Maltitz, présidente du Rassemblement des Eglises et communautés chrétiennes de Genève (RECG), qui compte vingt-huit Eglises membres. Bilingue (français et anglais) et retransmise en direct sur Léman Bleu, elle est le fruit d’une collaboration entre le RECG, le Réseau évangélique de Genève et les Eglises internationales de Genève.
Fil rouge de cette célébration qui a rassemblé des chrétiens des Eglises catholique romaine, catholique-chrétienne, réformée, luthérienne, adventiste et copte orthodoxe: le chemin des disciples d’Emmaüs présenté en cinq scènes au fil de la progression de Cléophas et de son compagnon de route. Cinq scènes composées d’un dialogue entre un père et son fils, Fernand et Jolan, arrivés par hasard dans la cathédrale Saint-Pierre au milieu des chrétiens réunis pour fêter Pâques, qui s’interrogent sur ce qui est célébré, et du récit des pèlerins d’Emmaüs raconté avec des mots d’aujourd’hui.
Sébastien Heiniger prononce le mot d’accueil | © Geneviève de Simone-Cornet
«Nous avons fait en sorte que la célébration soit audible par une population qui n’est pas habituée à aller à un culte ou à une messe», explique Sébastien Heiniger, coordinateur général de la célébration. Et Jolan pose beaucoup de questions, celles de nos contemporains, auxquelles les récits et les témoignages apportent une réponse.
Deux moments forts ont marqué ce temps de prière commune: les témoignages de Frère Alexis Helg, de la communauté Saint-Jean, et de Georgette Gribi, théologienne et enseignante à l’Atelier œcuménique de théologie (AOT).
Frère Alexis a partagé un moment fort de sa vie alors qu’il travaillait pour le CICR à Asmara, la capitale de l’Erythrée, assiégée depuis des mois par le Front de libération de l’Erythrée qui luttait contre l’Ethiopie. Leur équipe de trois délégués se trouvait prise «sous d’incessants tirs de roquettes qui tombaient aveuglément sur des écoles, des magasins, n’importe quelle maison et l’hôpital lui-même».
Un dimanche matin de septembre 1990, «Dominique la chirurgienne me dit, un peu provocante et ironique: ›Tu es catholique, toi, et tu ne vas pas aller à la messe?’. Et moi, moi qui avais souhaité être prêtre autrefois, moi qui y avais renoncé, moi qui n’allais plus à l’église depuis presque vingt ans, je me suis subitement levé de ma chaise et je suis parti à la cathédrale comme si Dominique, dans sa manière même de me poser la question, avait soudainement touché un point où jusque-là mes yeux ›étaient bandés par la mort et ne voyaient rien’».
Dans la cathédrale, a poursuivi Frère Alexis, «j’ai vu très clairement en face de moi, comme dans une eau absolument limpide, apparaître, et dans une grande soudaineté, l’étendue de ma négligence envers Dieu, de ma désinvolture à son égard, de mon éloignement intérieur, de ma surdité à ses appels. Quelque chose en moi s’est réveillé dans la mémoire de mon cœur».
Et puis, «soudainement Jésus-Christ était là, devant ma vie, me demandant s’il pouvait vraiment y entrer (…). La phrase ›il faut toujours donner’ m’a sauté à la figure.» Alors certains morceaux du puzzle de la vie de Frère Alexis ont pris sens et il a regardé la mort en face, se disant: «Christ est vivant pour toujours, il est ressuscité, et toi aussi, grâce à lui, aujourd’hui, tu es ressuscité». Comme avec les disciples d’Emmaüs, «le Christ ressuscité marche avec nous, à nos côtés, cette après-midi même, dans cette cathédrale, et nous sommes envoyés les uns aux autres pour nous le dire et pour partager cette joie qui est sa joie».
C’est à l’occasion d’une marche dans la campagne genevoise pour aller au culte de Pâques que Georgette Gribi, alors jeune maman déprimée, en proie à la tristesse et à la douleur, a fait une expérience de résurrection. Elle ruminait tout cela quand elle a levé les yeux sur la nature. «Elle était en train d’exploser autour de moi… J’ai regardé ce magnifique petit garçon qui dormait tranquillement dans sa poussette… J’ai réalisé que peu de temps après je serais avec ma communauté en train de chanter la résurrection… Et j’ai alors senti mon cœur brûler au fond de moi, d’une très grande joie. Comme si toute ma tristesse de ces dernières semaines s’envolait, comme si le Christ ressuscité venait de croiser ma route. Et j’ai vécu de manière très intense ce jour-là cette proclamation de la résurrection (…). Que plus aucune tristesse ne pourrait assombrir la puissance de la vie et de l’amour qui me liait au Christ et à ce petit garçon qui m’avait été confié».
«Depuis, chaque année, à Pâques, je revis en moi cette résurrection; et je sais que rien de ce que je peux vivre de difficile ne pourra jamais me terrasser», a ajouté la théologienne, convaincue que les souffrances et la mort du Christ n’ont pas eu le dernier mot. «Oui, Jésus a ouvert une brèche dans ce mur qui nous enferme parfois et qui pourrait nous laisser penser qu’il n’y a pas d’issue. Mais proclamer la résurrection, c’est dire que oui! Il y a une brèche, il y a une ouverture! Toujours!» «Un trou dans la mort», disait Jolan.
«La résurrection, ce n’est pas une théorie qui ne concerne que quelques illuminés dans leur cathédrale! C’est une puissance de Vie fulgurante qui nous concerne tous; c’est cette irruption d’un Dieu d’amour dans notre vie», un Dieu qui peut nous rendre la joie et qui veut pour nous la Vie.
Les participants ont eu un aperçu du rituel pascal copte orthodoxe avec le Père Mina – les membres de cette Eglise sont en majorité d’origine égyptienne. Le rite commence par l’hymne «Golgotha» en grec – sa mélodie avait été utilisée pendant les enterrements des pharaons – chantée le Vendredi-Saint durant le rituel d’ensevelissement. Puis le diacre annonce, en arabe, la résurrection, chantée ensuite avec les enfants en français, en arabe et en grec. Un moment d’une belle intensité. Une chorale luthérienne a ensuite interprété un extrait de «La Passion selon saint Matthieu» de Bach.
Daniel Darcey, pasteur de l’Eglise Hillsong Genève, a prononcé un envoi tonique: rappelant que le chemin d’Emmaüs nous ramène à notre humanité, aux défis quotidiens et à nos découragements, il a relevé que «Dieu, dans son amour infini, a choisi de nous rejoindre en Jésus-Christ, qu’importe où nous nous trouvons sur ce chemin afin de nous transformer par sa grâce». Alors le désespoir qui avait gagné les disciples d’Emmaüs «se transforme en une espérance nouvelle! ils passent de spectateurs à acteurs!».
Et d’exhorter les Eglises de Genève: «Oh Eglises de Genève, ne sommes-nous pas aussi comme ces deux disciples sur le chemin d’Emmaüs? Tellement facilement prises par le désespoir et en même temps captivées par l’espérance de la vie éternelle que seul le Christ peut nous offrir. Oh Eglises de Genève, nos cœurs ne brûlent-ils pas également en ce week-end pascal alors que nous nous remémorons la mort, mais surtout la résurrection du Christ? Oh Eglises de Genève, n’avons-nous pas à notre tour une Jérusalem à rejoindre? Que ce soit dans nos foyers ou dans nos quartiers, nous aussi sommes à notre tour porteurs de ce message, de cette bonne nouvelle: Christ est ressuscité! Christ est vivant!». La bénédiction finale a été donnée par le pasteur Jerry Pillay et Frère Alexis. (cath.ch/gds/jb)
Une première avec le RECG
Les chrétiens de Genève célèbrent Pâques ensemble depuis 2020. «Cette célébration a ceci de particulier qu’elle est la première que nous créons avec le Rassemblement des Eglises et communautés chrétiennes de Genève (RECG)», explique Sébastien Heiniger, coordinateur général de la célébration. L’initiative vient de l’association Noor Global. Fondée et dirigée par Bedros et Rebekah Nassanian, elle valorise l’héritage historique d’hommes tels que Jean Calvin et Henri Dunant, dont les réformes spirituelles et sociales continuent d’avoir un impact sur le monde d’aujourd’hui.
«Mais la collégialité s’est rapidement instaurée, si bien que ce sont les impulsions de chacun qui sont au coeur de la dynamique».Pourquoi se réunir ainsi? «Je me demande, répond Sébastien Heiniger, s’il y a une Eglise à Genève comme il y en avait une à Corinthe, Ephèse, Rome, etc. Et mon désir est d’être capable de reconnaître la colombe, le Saint-Esprit, qui demeure sur celui ou celle que je découvre alors comme mon frère ou ma sœur quels que soient les us, coutumes ou dogmes. Si Dieu est présent, ce serait fâcheux de le manquer». GDS
Rédaction
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