La nature a horreur du vide. Le cœur de l’homme aussi. La mort laisse au cœur un vide auquel on ne veut consentir. Alors, on se raccroche à ce qui reste d’une présence. Pour Marie-Madeleine, un tombeau et un cadavre dans son linceul. Elle y court dès le sabbat achevé, dès qu’il est permis, pour ne rien laisser échapper du contact encore possible avec l’Aimé.
Mais la pierre est enlevée. Le corps de Jésus aussi? C’est ce qu’elle suppose sans même vérifier: enlevé croit-elle, et déposé elle ne sait où. Comme une chose que l’on déplace et qu’elle veut retrouver car mieux vaut le corps inerte de Jésus que rien.
«Il y a bien quelque chose dans le tombeau. Mais ce quelque chose, c’est l’enveloppe du vide: un linceul à plat»
Alertés, Simon Pierre et l’autre disciple courent à leur tour vers ce rien. En réalité, il y a bien quelque chose dans le tombeau mais ce quelque chose, c’est l’enveloppe du vide: un linceul à plat, sans rien dedans. Un vide délimité par quelque chose. Quelques versets plus loin, Marie-Madeleine sera aussi confrontée à ce rien délimité: entrant dans le tombeau, elle voit deux anges l’un à la tête et l’autre aux pieds, à l’endroit où avait reposé Jésus. Deux anges qui délimitent l’espace de l’absence, comme les deux chérubins sur l’arche de l’Alliance, de part et d’autre du propitiatoire. Mais eux ne délimitaient-ils pas plutôt l’espace de la Présence, la Shekhina où Dieu se laisse rencontrer?
Il faut se faire au vide. Il faut y revenir et non le fuir pour que la présence en émerge, inédite. Et c’est ce que fait le disciple que Jésus aimait. La première fois, il se penche vers l’intérieur et constate. La deuxième fois, il entre, il voit et il croit. Pour lui, nul besoin d’une apparition du Ressuscité. Ce qu’il voit, cette absence qu’il constate, peut-être parce qu’il ne la rejette pas mais y consent de tout l’amour que Jésus a pour lui, crée en lui l’espace du croire.
«Le vide, ce n’est pas rien; c’est l’autre nom de l’espace»
Car le vide, ce n’est pas rien. C’est l’autre nom de l’espace. Dieu le sait bien qui a tout créé à partir de rien et qui a fait émerger la création de la séparation des choses. Il ménage des espaces où faire naître la vie. Il n’agit pas autrement en ce nouveau matin du monde qu’est le matin de Pâque. Notre foi naît et notre vie renaît de cet espace entre le corps de Jésus disparu et le linceul resté là. Pour le disciple aimé du Seigneur, l’espace de la foi est créé presque immédiatement. Pour Marie-Madeleine, il faudra une rencontre du Ressuscité et un double retournement à la voix du Bien-Aimé qui la nomme, pour créer l’espace d’une relation nouvelle et éternelle. Pour Pierre, c’est la triple demande du «M’aimes-tu?» qui l’engagera dans le témoignage: le vide de soi laisse l’Autre rayonner en soi et ainsi le communique.
«Le vide de soi laisse l’Autre rayonner en soi»
Dieu n’a pas peur du vide. Le don qu’il nous fait à Pâques, c’est le don de la dépossession qu’il est en lui-même, le don de ce déversement d’amour qui existe entre les Personnes de la Trinité. En la chair ressuscitée de Jésus qui est né, a souffert et est mort pour nous, qui s’est vidé pour nous, nous participons désormais de cette dépossession trinitaire. Elle nous élargit et nous remplit. Elle nous déborde!
Sr Anne-Sophie Porret OP | Vendredi 29 mars 2024
Jn 20, 1-9
Le premier jour de la semaine,
Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin ;
c’était encore les ténèbres.
Elle s’aperçoit que la pierre a été enlevée du tombeau.
Elle court donc trouver Simon-Pierre
et l’autre disciple,
celui que Jésus aimait,
et elle leur dit :
« On a enlevé le Seigneur de son tombeau,
et nous ne savons pas où on l’a déposé. »
Pierre partit donc avec l’autre disciple
pour se rendre au tombeau.
Ils couraient tous les deux ensemble,
mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre
et arriva le premier au tombeau.
En se penchant, il s’aperçoit que les linges sont posés à plat ;
cependant il n’entre pas.
Simon-Pierre, qui le suivait, arrive à son tour.
Il entre dans le tombeau ;
il aperçoit les linges, posés à plat,
ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus,
non pas posé avec les linges,
mais roulé à part à sa place.
C’est alors qu’entra l’autre disciple,
lui qui était arrivé le premier au tombeau.
Il vit, et il crut.
Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas compris
que, selon l’Écriture,
il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts.
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