Dimanche des Rameaux: des «parmureli» pour le pape et les cardinaux

Le 24 mars, dimanche des Rameaux, marque le début de la Semaine Sainte. Si la plupart des fidèles recevront de simples feuilles de houx, de buis ou de palmier, le pape et les cardinaux porteront des «parmureli». L’histoire de ces feuilles de palmier blanchies et tressées, est étroitement liée à l’obélisque situé place Saint-Pierre.

Ces créations de feuille de palmiers sont tissées à la main de manière très élaborée. Les «parmureli» proviennent des villes de Sanremo et Bordighera, en Ligurie, au nord-ouest de l’Italie. Cette région, qui longe la Méditerranée, est connue pour ses palmiers luxuriants. Mais ce n’est pas la seule raison qui explique la présence de ces feuilles tissées place saint-Pierre, le dimanche des Rameaux.

Le pape reçoit le «parmurelo» le plus grand et le plus élaboré, d’environ 2,5 mètres | © Vatican Media

L’érection de l’obélisque

L’histoire raconte en effet qu’en 1586, le pape Sixte V a ordonné qu’un obélisque égyptien de presque 30 mètres de hauteur soit déplacé du Cirque de Néron jusqu’au centre de la place Saint-Pierre. L’obélisque pèse 350 tonnes et son déplacement a nécessité pas moins de 900 hommes, 140 chevaux et 44 treuils.

Une foule s’était rassemblée pour assister à son élévation vers son nouvel emplacement sur la place Saint-Pierre. Sachant qu’il y avait peu de place pour l’erreur étant donné la taille massive de l’obélisque, le pape a ordonné qu’un silence complet soit observé sur la place. Quiconque parlerait serait exécuté.

Cependant, alors que l’obélisque était érigé, le poids du monument exerça une forte traction sur les cordes, qui commencèrent à s’effilocher. L’obélisque se mis alors mis à osciller dangereusement.

«De l’eau sur les cordes!»

L’érection de l’obélisque de Néron Place Saint-Pierre nécessita des moyens gigantesques | Domaine public

Dans la foule, un capitaine de navire, Benedetto Bresca, vit qui se passait et cria: «De l’eau sur les cordes! – Aiga ae corde!» En tant que marin expérimenté, il savait que mouiller les cordes les tendrait et les renforcerait. L’ingénieur qui supervisait l’opération suivit le conseil de Bresca et fit verser de l’eau sur les cordes. L’obélisque fut finalement mis en place avec succès.

En criant, Benedetto Bresca avait outrepassé l’ordre du pape, mais il avait également sauvé l’obélisque, et peut-être la vie de certains de ceux qui l’érigeaient. Plutôt que de punir le capitaine, le pape Sixte V reconnut sa contribution en faisant de lui et de ses descendants les fournisseurs officiels des palmes du Vatican pour le dimanche des Rameaux.

2000 «parmureli» distribués place Saint-Pierre

Plus de quatre siècles plus tard, la tradition se poursuit. Plus de 2’000 «parmureli» sont distribués chaque année aux fidèles présents sur la place Saint-Pierre pour recevoir la bénédiction des Rameaux. Une centaine de ces feuilles de palmier d’environ un mètre de long sont remises aux cardinaux, le pape reçoit, quant à lui, le «parmurelo» le plus grand et le plus élaboré, d’environ 2,5 mètres. Au fil du temps, les «parmureli» sont devenus plus élaborés mais ils sont encore tissés à la main à Sanremo et Bordighera.

L’entrée de Jésus à Jérusalem. Pietro Lorenzetti, 1320. Détail | Wikipedia – Domaine publique

Les palmes
Les palmes commémorent l’entrée triomphale du Christ à Jérusalem avant sa passion. Les quatre évangiles en font le récit. L’évangile de Jean (Jn12,12-13) raconte: «Le lendemain, la grande foule venue pour la fête apprit que Jésus arrivait à Jérusalem. Les gens prirent des branches de palmiers et sortirent à sa rencontre. Ils criaient: «Hosanna! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur! Béni soit le roi d’Israël!»
Initialement les travaux de tissage de facture baroque étaient réalisés par les religieuses bénédictines camaldules. Progressivement, cette activité a été reprise par de nombreux artisans tisserands personnalisant et créant ainsi des œuvres différentes d’un endroit à l’autre; les «parmureli» de Bordighera ont maintenu le style presque inchangé tout en produisant de nouvelles compositions. Les grandes feuilles robustes sont habilement liées pour leur donner une couleur claire, puis coupées et enfin travaillées avec des entrelacs et des figures artistiques.

Une culture traditionnelle

Pendant des siècles, la culture traditionnelle du palmier a été l’une des ressources économiques de Bordighera. Les premières mentions de la présence de cultures de palmier dattier en Italie sont attestées à Sanremo dès la fondation de la ville, au moyen-âge. On rattache généralement son introduction à l’époque des croisades et des incursions des pirates sarrasins, ou encore aux contacts commerciaux de la République de Gènes avec la région du Levante espagnol, où se trouve la palmeraie d’Elche.

Le palmier a trouvé sur les côtes ligures une terre d’accueil, où il germe spontanément et peut se reproduire naturellement. La palmeraie historique existe toujours dans la ville de Bordighera, où l’on dénombre encore un millier d’arbres.

La villa Margherita à Bordighera, en Ligurie est connue pour ses palmiers| wikimedia commons Youflavio CC-BY-SA-2.0

Dans les dernières décennies du XIXe siècle, le botaniste allemand, mais Bordigone d’adoption, Lodovico Winter, a promu et étendu la culture des palmiers dans ses pépinières. D’innombrables palmiers ont ainsi été exportés de Bordighera vers les serres botaniques d’Europe, vers le reste de la Riviera et la Côte d’Azur. Ils ornent encore aujourd’hui des jardins et des avenues comme la Croisette à Cannes, la Promenade des Anglais à Nice ou encore les jardins de la Principauté de Monaco.

Si la tradition des «parmureli», place Saint-Pierre le dimanche des Rameaux perdure, ce patrimoine botanique typique de Bordighera, connue sous le nom de «Cité des Palmiers», s’est néanmoins appauvri pour plusieurs raisons: l’exportation de palmiers dactyliferes adultes, à partir de la fin du XIXe siècle, l’introduction de nouvelles cultures florales au XXe siècle au détriment des palmeraies, l’expansion des constructions après la Seconde Guerre mondiale et les maladies, telles que le charançon rouge. (cath.ch/ag/bh)

Cet article a été précédememnt publié le 8 avril 2022 sur cath.ch

Au nord de l’Europe les rameaux sont généralement des branches de buis | © 2015 KNA

Pas que des palmes
Dans le Sud de l’Europe, on utilise encore des rameaux de palmier, de même que dans certains pays d’Afrique subsaharienne. En Espagne et en Italie, outre le palmier on voit aussi des branches d’olivier.
En France, et généralement dans les pays d’Europe du nord on utilise du buis, du houx ou encore des branches de saule portant des ›chatons’.
Aux Antilles, des feuilles de Cycas revoluta, appelées «petit rameau» servent pour la cérémonie. Au Vietnam, ce sont des feuilles de cocotier.
En Arménie, des couronnes sont faites de branchettes de saule pleureur.
Dans les pays nordiques sont utilisés de l’if ou du sapin.
Les rameaux sont conservés durant toute l’année après leur bénédiction le dimanche des Rameaux et sont ramenés le mercredi des Cendres du carême suivant pour justement être brulés et transformés en cendres imposées durant la messe sur le front des fidèles.

Bernard Hallet

Portail catholique suisse

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