Depuis plus de 30 ans en Suisse, Olessia a gardé le léger accent de sa Russie natale. Elle est en effet née à Rostov-sur-le-Don, au sud d’un pays encore pleinement communiste, dans une famille athée depuis plusieurs générations. C’est dire si elle ne semblait pas destinée à être baptisée dans l’Eglise catholique. Un pas qu’elle fera néanmoins le dimanche de Pâques 31 mars 2024.
Certes la religion n’a pas été totalement absente de son enfance. Dans sa ville de naissance, proche de la frontière ukrainienne, Olessia allait parfois allumer une bougie dans une église orthodoxe. «Mais c’était juste pour la beauté du geste, sans sentiment religieux derrière», se souvient-elle. Elle voit en fait sa première Bible sur les bancs de l’université, dans le cadre d’un cours sur l’athéisme scientifique. «Une assistante nous lisait à haute voix des passages de la Bible, pour nous instruire sur le christianisme. Mais elle le faisait sans interprétation. Je n’ai rien ressenti de spécial à ce moment-là, mais j’ai trouvé cela intéressant.»
En 1991, alors que l’URSS est en train de disparaître, Olessia obtient une bourse pour un doctorat en philosophie à l’Université de Fribourg. Elle a alors 26 ans. «A l’époque c’était une sorte de miracle, quelque chose de très rare.»
En Suisse, elle cherche à s’intégrer et à faire des connaissances. Pour cela, la paroisse orthodoxe locale lui paraît un bon choix, lui semblant proche de sa culture d’origine. «J’ai commencé à assister aux offices religieux. Tout d’abord pour faire comme les autres. Toutes ces personnes avaient l’air de trouver quelque chose de fort dans la religion et cela m’a intriguée. Je suis de nature curieuse, et j’aime comprendre les choses. Je voulais tenter de découvrir ce qui motivait ces personnes.» Olessia rencontre des fidèles empreints d’une foi profonde et parle beaucoup avec eux, également de la spiritualité. «Ils m’ont dit que si je voulais recevoir ce ‘cadeau’, je devais le demander, que cela ne venait pas tout seul. Et effectivement, j’ai commencé à ce moment-là à ressentir quelque chose.»
Olessia est venue de Russie avec une petite fille. Alors qu’elle a cinq ans, elle décide de la faire baptiser, à la paroisse orthodoxe de Fribourg. «L’idée de mon propre baptême était déjà dans ma tête. Mais les personnes autour de moi ne savaient pas que je n’étais pas baptisée, et je me gênais de dévoiler cela. Je n’ai donc pas franchi le pas. C’était plus facile de le faire pour ma fille.»
«A l’approche de mes soixante ans, je me suis sentie un peu stagner dans ma foi»
Olessia Koubanova
Après quelques années au bord de la Sarine, la jeune Russe se rend dans l’ouest de l’Allemagne pour finaliser sa thèse de doctorat. Dans sa localité, elle trouve surtout des églises catholiques. Elle prend l’habitude de s’y rendre, hors des messes, pour prier. «C’est là que j’ai réellement découvert la présence de Dieu», assure-t-elle.
De retour à Fribourg, elle rencontre son mari, un Suisse catholique, croyant bien que peu pratiquant. Elle l’accompagne pour les grands événements liturgiques, les fêtes, les enterrements. «J’ai réalisé que lors des offices catholiques, je me sentais vraiment bien, j’avais l’impression d’être chez moi. Les cultes protestants m’ont toujours paru trop sobres et les offices orthodoxes trop longs et trop cérémonieux. Pour moi, la messe catholique est un juste milieu qui me convient parfaitement.»
Olessia a encore deux autres enfants, un garçon et une fille. Les deux sont baptisés en même temps dans le cadre de la préparation à la première communion de la fille.
Elle déménage ensuite dans les environs de Bulle, y ayant trouvé un travail dans le domaine informatique. En Gruyère, l’idée du catéchuménat continue à lui trotter dans la tête. «Je voulais vraiment le faire, mais les deux ans de formation me faisaient un peu peur. Et je voyais cela un peu négativement, comme quelque chose d’ennuyeux. Finalement, à l’approche de mes soixante ans, je me suis sentie un peu stagner dans ma foi, et je me suis dit que le moment était venu.»
Elle commence donc son parcours sans grand enthousiasme. «Mais au bout du compte, j’ai énormément aimé le catéchuménat, assure-t-elle. J’ai rencontré beaucoup de gens extraordinaires et je me suis énormément renforcée dans ma foi.»
Olessia est d’autant plus contente qu’elle s’apprête à entrer dans l’Église avec un regard «frais». «Je pense que j’arrive avec moins de préjugés que les personnes qui sont nées dans la culture catholique, justement parce que je viens d’un milieu très éloigné. Les scandales, les abus, les divisions, ce n’est pas ce que je vois en premier quand je pense à l’Église.»
Pour ce sacrement qu’elle attend avec impatience, Olessia a une seule crainte, celle de ‘l’après’. «Pendant le catéchuménat, nous sommes entourés, stimulés, accompagnés. Mais, après mon baptême, il faudra que j’apprenne à nourrir la flamme de ma foi de façon plus indépendante.» (cath.ch/rz)
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
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