Le Beobachter a mené l’enquête sur le récit d’un certain Walter Gerzner, aujourd’hui âgé de 76 ans, placé à l’orphelinat d’Einsiedeln vers 1950. L’orphelinat était alors dirigé par des sœurs d’Ingenbohl, tout en étant étroitement lié à l’abbaye bénédictine d’Einsiedeln. Les religieux y enseignaient la religion et prêchaient le dimanche dans l’église locale. Walter Gerzner était également enfant de chœur.
Il raconte que lorsqu’il avait environ huit ans, il s’est fait agresser sexuellement par le Père A., dans le cadre d’une «punition» qui se serait déroulée dans la chambre du religieux.
Walter Gerzner n’a trouvé que plus de 60 ans plus tard la force de parler de l’agression. Il en a fait part à l’Abbé Federer via une lettre. Son objectif était de savoir ce qu’il était advenu de son tortionnaire, s’il y avait eu d’autres victimes parmi les orphelins et si l’Abbaye était au courant des agressions. Car il se souvient que d’autres enfants devaient aussi aller dans la chambre du Père A.
Tout en lui exprimant sa compréhension, Urban Federer lui a répondu qu’aucun religieux portant le nom de son agresseur ne figurait dans le rapport d’enquête sur les abus sexuels commis à l’Abbaye en 2011. L’institution bénédictine s’était en effet déjà penchée sur ce problème dès 2010. Le rapport issu d’une commission externe avait conclu en 2011 que, depuis les années 1950, 15 religieux s’étaient rendus coupables d’abus sexuels, avec une estimation d’au moins 40 victimes. Le cas de Walter Gerzner n’a pas été documenté. Le septuagénaire n’avait pas eu connaissance de l’enquête.
Dans sa réponse, l’Abbé Federer l’a renvoyé à un psychologue et à un centre d’aide aux victimes (LAVI). Dans une seconde lettre, le bénédictin lui a signifié que: «Comme je n’ai plus rien lu de vous, je pars du principe que je n’ai rien à entreprendre pour le moment». La réaction de l’Abbé aurait plongé Walter Gerzner pendant des mois dans une sorte de «crise paralysante».
Aucun développement n’est donc survenu pendant un an. C’est alors que le Beobachter a interpellé Urban Federer sur ce cas. Selon le journal, l’Abbé a considéré qu’un spécialiste déterminerait désormais les prochaines étapes avec l’intéressé. Il aurait suggéré qu’une victime doit s’adresser à un centre d’écoute indépendant. Ceci afin d’éviter «le moindre soupçon» que l’Abbé ne prendrait pas le cas au sérieux ou qu’il tenterait de l’étouffer.
A ce propos le Beobachter commente: «L’abbé Federer a ignoré ainsi l’obligation d’enquête et de signalement prévue par le droit ecclésiastique en cas de soupçon d’abus sexuels sur mineurs par un membre du clergé». Urban Federer aurait de surcroît déclaré au journal: «J’attends qu’une autorité d’enquête intervienne avant de mener une enquête préliminaire».
«Une déclaration étrange», selon le Beobachter. «Car dans le cas d’un délit potentiel qui s’est produit il y a plus de 60 ans, les autorités d’instruction pénale n’ouvrent de toute façon plus d’enquête.» De plus, Walter Gerzner n’envisage pas de déposer une plainte pénale. Il veut seulement savoir ce qu’il est advenu du religieux et s’il a dû rendre des comptes pour ses actes présumés.
L’abbé Federer aurait également fait valoir une incertitude sur l’identité exacte de l’agresseur présumé. Un religieux portant le même nom serait décédé au milieu des années 1950. Un autre homonyme n’aurait vécu au couvent que «quelques années» après les faits.
Or, le Beobachter affirme avoir retrouvé le Père A., qui serait toujours en vie, bien que très âgé. Il vivrait en outre à l’Abbaye d’Einsiedeln. Le média alémanique s’étonne ainsi qu’Urban Federer «ne sache prétendument pas que le prêtre enseignait à l’orphelinat à l’époque.» Lorsque le journaliste a confronté l’Abbé à ce fait, ce dernier aurait soudain affirmé avoir déjà effectué un rapport à Rome. Il aurait ajouté pouvoir ainsi «formuler le cas plus concrètement et entreprendre d’autres démarches».
L’Abbé n’aurait pas précisé ce qu’il serait en train d’entreprendre. On ignore aussi ce que l’auteur présumé dit de l’accusation, et s’il est au courant de la demande du Beobachter. Mgr Federer a indiqué qu’il ne ferait pas de déclaration publique sur le cas. (cath.ch/beobachter/arch/rz)
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
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