Faire confiance signifie s’en remettre à quelqu’un ou à quelque chose pour un acte futur plus ou moins défini, objet d’une promesse explicite ou implicite. Pour mettre un peu d’ordre dans les idées, utilisons deux dimensions pour cerner les différentes formes de confiance. La première va distinguer le sujet à qui on fait confiance, la seconde l’étendue de celle-ci.
Pour tout chrétien, la confiance la plus étendue est celle qu’il met dans la promesse de notre Sauveur. Il s’agit de la confiance la plus étendue de ce qui est humainement possible. En effet, la Providence est active dans tous les domaines de la vie tant personnelle que sociale. Ceci étant dit, avoir la confiance eschatologique n’implique pas qu’elle s’étende automatiquement, avec la même intensité, à l’ensemble des autres sujets possibles de confiance.
A l’autre bout de spectre, se trouve en effet la confiance instrumentale, celle que je mets dans ma voiture (et indirectement dans ceux qui l’ont produite et la soignent), il en va de même de mon téléphone ou du train que je vais prendre. Dans les systèmes complexes qui sont les nôtre, derrière l’instrument, sont des dispositifs entiers qui maintiennent les fonctionnalités. C’est donc à ces dispositifs et ces organisations – peu visibles – que je fais confiance en traversant la rue au feu vert ou en prenant le train. Il s’agit donc d’une confiance circonscrite à des actes ou événements précis.
«La confiance personnelle est le fruit de l’expérience, de la réputation, mais aussi parfois de l’intuition»
La confiance agit donc comme un réducteur du risque perçu. Je retrouve la même situation en faisant les courses, où je me remets au système de datation des produits, et m’avance sans hésiter vers la caisse. La portée simplement économique de cette confiance-là est donc énorme, d’où l’intérêt que lui portent depuis deux ou trois décennies les économistes et spécialistes en management. Sans elle, chaque acte du quotidien devient plus difficile, plus couteux en temps et en ressources.
De la confiance instrumentale, on passe aisément à la confiance institutionnelle. A l’instar de la précédente, cette confiance-là n’est pas personnelle, son sujet est un artefact auquel les experts en communication et marketing tentent de donner des traits humains. Les marques et les enseignes de toute sorte se mettent – sinon à vivre – du moins à vibrer sous l’effet de la baguette magique des budgets publicitaires. Pour maintenir la confiance, pour ne pas la faire fuir à cheval, il faut veiller à ce que l’écart entre la perception de la promesse et l’expérience effective ne soit pas trop important. Dans un autre domaine, celui de la finance, la confiance se gère à coup d’expertises, d’audits et de rankings. Ces instruments aident à étalonner la confiance, laquelle réduit le risque perçu.
La confiance personnelle est un autre type de confiance. Elle se réfère à une personne. Je lui fais confiance dans un certain nombre de domaines, en raison de son caractère, de ses valeurs ou compétences, de son savoir, de son expérience. La confiance personnelle est le fruit de l’expérience, de la réputation, mais aussi parfois de l’intuition. Elle est habituellement dynamique, son étendue peut augmenter au fur et à mesure que les expériences positives s’additionnent.
«Dans le monde économique contemporain, les sujets de confiance sont de moins en moins souvent les personnes»
Entre la confiance instrumentale et personnelle se trouve la confiance professionnelle. Si j’ai un minimum de confiance envers une profession lambda, je suis prêt à m’en remettre pour une affaire mineure à un de ses membres. Les diplômes dans les salles d’attente de nombreux professionnels ne servent qu’à renforcer cette confiance initiale qui a vocation d’évoluer de la confiance professionnelle vers la confiance personnelle. Par leurs codes de déontologie et le recours aux sanctions, les organisations professionnelles ont pour tâche de veiller à ce que le niveau de confiance professionnelle ne se détériore pas.
La dynamique de toute confiance humaine, – à l’exclusion donc de la confiance eschatologique, qui relève de la foi, qui est grâce – dépend du niveau de tension entre perception de la promesse et expérience. Or, dans le monde économique contemporain, où les sujets de confiance sont de moins en moins souvent les personnes, remplacées – comme dans le cas des robots – voire occultées par des instruments, institutions ou professions, la promesse qui fait foi en cas de conflit se réduit à son expression la plus sèche: celle contenue dans les «conditions générales». Cette substitution, contribue à l’érosion du niveau de confiance dont la spirale de la méfiance est le cas extrême. Un avenir à éviter à tout prix.
Paul H. Dembinski
13 mars 2024
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