Soeur Marie-Emmanuel, consacrée à la vie consacrée

Nommée pour cinq ans depuis le 1er septembre 2021 comme représentante de l’évêque de Lausanne, Genève et Fribourg pour la vie consacrée, Soeur Marie-Emmanuel Minot, ancienne supérieure générale des Hospitalières de Sainte Marthe, à Fribourg, explique sa tâche auprès des religieux et religieuses. Cath.ch l’a rencontrée à l’occasion de la Journée de la vie consacrée du 2 février.  

«Pour moi cette tâche est une ouverture à la réalité d’autres congrégations que la mienne. L’écoute m’apporte personnellement beaucoup et je crois que les communautés sont assez contentes que j’aille les visiter», estime Soeur Marie-Emmanuel.

La vie consacrée est une réponse à un appel

«La vie consacrée est d’abord et avant tout une réponse à un appel. Elle ne vient pas de notre propre initiative. Cela vaut la peine lorsqu’on se sent heureux de répondre à cet appel», insiste celle qui est entrée chez les Hospitalières de Fribourg en 1966. Les facettes de la vie consacrée sont multiples depuis les moniales cloîtrées jusqu’aux vierges consacrées en passant par les religieuses apostoliques.

«Ma première tâche comme représentante de l’évêque à la vie consacrée est l’écoute des communautés et des personnes»

Il faut aussi rappeler que les congrégations apostoliques ont été fondées pour répondre à un besoin social de leur époque, dans l’enseignement, la santé, le social, la presse etc. Aujourd’hui, la plupart des ces tâches ont été reprises par la collectivité publique. «L’apport des consacrés, au-delà de la vie professionnelle est alors de refléter le visage du Christ, y compris pour les non-pratiquants ou les non-croyants. Nous avons lancé une enquête pour voir comment les personnes consacrées s’engagent de manière salariée ou bénévole au sein de la société», note la religieuse.  

Confrontées à la disparition

Journée de la vie consacrée  
Sur l’initiative du pape Jean Paul II, depuis 1997, la journée de la vie consacrée a lieu chaque année le 2 février. L’objectif de cette journée est de mieux connaître et apprécier la vie consacrée.« En contemplant le don de la vie consacrée, l’Église contemple sa vocation la plus profonde, celle de n’appartenir qu’à son Seigneur, La vie consacrée a pour mission prioritaire de garder vivante dans l’Église la forme historique de vie assumée par le Fils de Dieu quand il est venu sur cette terre. »  soulignait Jean Paul II. 

Alors que beaucoup de communautés religieuses sont confrontées aujourd’hui à leur disparition à plus ou moins brève échéance, Soeur Marie-Emmanuel se veut positive: «On me pose souvent la question. Pour moi ce n’est pas déprimant. Nous savons que nous allons mourir, mais il faut le regarder d’un point de vue positif et tout ce que nous laissons comme héritage dans notre lieu de vie et d’apostolat. Il s’agit de valoriser tout ce qui a été fait.»

A l’écoute des communautés et des personnes

«Ma première tâche comme représentant de l’évêque à la vie consacrée est l’écoute des communautés et des personnes», explique Soeur Marie-Emmanuel. Le champ d’action est vaste, il couvre les communautés féminines et masculines, apostoliques et contemplatives, mais aussi les communautés nouvelles et les vierges consacrées.

Sachseln le 23 juin 2015. Journée de la vie consacrée. (Photo: Bernard Hallet)

«Au départ, je ne savais pas trop à quoi cela correspondrait en pratique. Avec l’expérience, je constate que cette tâche occupe environ le tiers de mon temps, mais c’est variable et irrégulier. Soit on me sollicite, soit je propose une rencontre. Du côté de l’évêché, on peut aussi me signaler une communauté en difficulté. Mgr Morerod m’a confiée une fois la visite canonique d›un monastère. Une autre fois, j’ai été déléguée pour présider les élections dans une communauté.»

En cas de difficulté, ou de demande particulière, la religieuse en parle à l’évêque qu’elle rencontre de temps en temps. «Quand j’ai appris la dissolution du Verbe de Vie, je me suis dit: ›qu’en est-il des membres provenant du diocèse de LGF?’ J’ai contacté Mgr Touvet (le commissaire apostolique chargé de l’affaire NDLR) pour lui dire que j’étais à disposition. A la suite de cela, une personne s’est manifestée auprès de moi et nous avons pu avoir un échange sur son avenir», illustre Soeur Marie-Emmanuelle.

«Les femmes sont beaucoup plus nombreuses dans la vie consacrée que les hommes, mais j’ai été très bien reçue chez eux aussi», se réjouit Soeur Marie-Emmanuelle.

Aider à la prise de décision

Le cahier des tâche de la représentante de l’évêque à la vie consacrée touche aussi aux questions liées aux abus spirituels et sexuels. «Je ne suis pas membre de la Commission d’écoute des personnes victimes d’abus sexuels commis en contexte ecclésial (CASCE), mais j’ai été convoquée une fois lorsqu’un religieux a été impliqué dans un abus.»

«Je ne prends pas de décision, ni sur les personnes, ni sur les biens. Mais je peux parfois servir de médiatrice.»

La représentante de l’évêque n’a aucun pouvoir de décision dans les communautés qu’elle visite. «Je suis là pour conseiller, pour aider à la prise de décision. Je ne donne pas de solutions, mais je peux apporter mon expérience personnelle et communautaire.»

Soeur Marie Emmanuel se souvient par exemple d’une religieuse âgée farouchement opposée à l’idée de rejoindre un EMS pour religieuses. «Les liens créés m’ont permis de la convaincre d’aller faire une visite dans deux des maisons qui accueillent des religieuses âgées. Elle est revenue enthousiasmée, prête à faire ses valises dès le lendemain.»

Un relais entre les communautés et le diocèse

Le relais se fait aussi à travers les divers organes qui regroupent les communautés religieuses par canton ou au niveau de la Suisse romande. «Je suis par exemple invitée aux assemblées de l’Union des supérieures majeures de Suisse romande (USMSR). Il s’agit alors de faire le pont avec le diocèse et d’échanger des informations.»

Soeur Marie-Emmanuel est déléguée de l’évêque pour la vie consacrée | cath-fr J.Carita

Plusieurs communautés religieuses dépendent aussi d’un ordre international qui a ses autorités propres en Suisse ou à l’étranger. «Dans ces cas-là, mon rôle de conseil et plus limité. Il s’agit surtout de rencontres fraternelles.»

Un autre aspect du cahier des tâches concerne la transmission aux communautés des informations utiles dans le domaine de la pastorale et de la spiritualité, mais aussi sur les questions pratiques concernant la gestion des biens immobiliers, les restaurations ou la conservation des archives. «Mais là encore, je ne prends pas de décision, ni sur les personnes, ni sur les biens. Je peux parfois servir de médiatrice entre les communautés et les instances diocésaines ou civiles, afin de dépasser les malentendus.»

«Globalement, les religieuses s’estiment plutôt à leur place dans ce qu’elles font.»

Place des femmes dans l’Eglise

Interrogée sur la place des femmes dans l’Eglise et en particulier des consacrées, Soeur Marie-Emmanuel note des opinions évidemment très variées. «Mais dans mon activité de représentante de l’évêque pour la vie consacrée, je n’ai pratiquement jamais entendu de revendications pour le sacerdoce ou même le diaconat féminin. Globalement, les religieuses s’estiment plutôt à leur place dans ce qu’elles font. Mais ils faut dire qu’elles sont assez rares à être encore dans des activités professionnelles. La question dépend aussi du contexte. Les revendications sont nettement plus fortes en Suisse alémanique par exemple.»

Un conseil épiscopal à deux

Les conseils épiscopaux thématiques crées récemment par Mgr Morerod ont tous une équipe de travail. Ce qui n’est pas le cas pour la vie consacrée. En tant que représentante, Soeur Marie-Emmanuel peut néanmoins compter sur l’aide de Soeur Marie-Brigitte des Ursulines que l’évêque a nommé pour la seconder. »Pour l’heure, nous formons un conseil épiscopal à deux! rit-elle. Soeur Marie-Brigitte n’a pas la possibilité de faire des visites, mais apporte ses conseils et son soutien. Pour moi c’était important de ne pas être seule. Par exemple nous avons préparé ensemble une lettre aux consacrés après la révélation des soupçons d’abus sexuels reposant sur l’ancien évêque Mgr Bernard Genoud.» (cath.ch/mp)

De Villefranche à Fribourg

Soeur Marie-Emmanuel Minot, ancienne supérieure générale des Hospitalières | DR

Née à Villefranche-sur-Saône, dans le Beaujolais, Marie-Emmanuel Minot a d’abord fait une formation d’infirmière. C’est dans ce cadre qu’elle a connu les hospitalières de Beaune.
Il se trouve qu’à ce moment là, une religieuse Hospitalière de Fribourg était venue à Villefranche pour un remplacement à l’hôpital. «J’avais des un désir de partir en mission et j’ai appris que les Hospitalières de Fribourg avait des projets d’établissements dans le tiers monde. C›est ainsi que je suis arrivée à Brünisberg, aux portes de Fribourg en 1966. J’ai complété ma formation comme sage-femme.»
En 1970, les trois premières hospitalières de Fribourg sont arrivées au Rwanda. En 1973, Soeur Marie Emmanuel fera partie de la seconde volée de deux soeurs. Elle restera dans le ›pays des milles collines’ jusqu’en 2008, au moment où ses consoeurs l’élisent comme supérieure générale. Elle occupera cette charge pour trois mandats de quatre ans jusqu’en 2020. Aujourd’hui elle est encore membre du Conseil. Entre-temps les soeurs Hospitalières de Fribourg ont fait souche au Rwanda et aujourd’hui les religieuses africaines forment plus des deux tiers de la congrégation. MP

Maurice Page

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