Cinq ans après l’Eglise catholique, l’Eglise évangélique en Allemagne a également fait enquêter sur les abus sexuels dans le cadre ecclésial. L’étude ‘ForuM’, présentée à Hanovre, fait état d’un nombre de victimes nettement plus élevé que prévu, rapporte l’agence catholique KNA. Alors que l’on parlait jusqu’à présent d’environ 900 victimes, l’enquête estime à au moins dix fois plus le nombre d’enfants et adolescents victimes d’abus sexuels au sein de l’Eglise protestante.
Dans une étude très complète de 725 pages, les chercheurs dénombrent officiellement 1’259 accusés, dont 511 ecclésiastiques et 2’174 victimes. Environ 4’300 dossiers disciplinaires, 780 dossiers personnels et quelque 1’320 autres documents ont été analysés. Mais selon les chercheurs, leur enquête ne montre que la «pointe de l’iceberg» et ces chiffres ne reflètent certainement pas l’ensemble des abus commis dans les Églises régionales qui forment l’EKD.
C’est pourquoi les enquêteurs ont procédé à une extrapolation en se basant sur le nombre de dossiers non disponibles, de vastes données provenant d’une seule église régionale ainsi que sur les valeurs empiriques d’autres enquêtes. Il en résulte «par addition, un nombre total estimé de 3’497 personnes accusées, dont 1’402 pasteurs et 9’355 victimes».
Kirsten Fehrs, présidente par intérim du Conseil de l’EKD, a relevé que le tableau d’ensemble l’avait bouleversée. L’étude révèle noir sur blanc «la violence perfide et brutale avec laquelle des enfants, des adolescents et des adultes ont été victimes d’une injustice indicible – avec des blessures graves au corps et à l’âme, et parfois des conséquences à vie».
Dans les paroisses et les institutions diaconales, on a fermé les yeux, a reconnu l’évêque de l’Eglise évangélique d’Allemagne du Nord. L’Église et la diaconie ont échoué de manière flagrante et n’ont pas rendu justice aux personnes concernées. «Nous ne les avons pas protégées au moment des faits et nous ne les avons pas traitées dignement lorsqu’elles ont eu le courage de se manifester». Il est clair que «nous avons des structures qui protègent les délinquants». Pour elle, au delà des révélations actuelles, il serait urgent de réaliser une étude qui porte sur l’ensemble de la société.
L’étude précise qu’environ 64,7% des victimes étaient des garçons et environ 35,3% des filles. Les accusés sont presque exclusivement des hommes (99,6%). Environ trois quarts d’entre eux étaient mariés lors de la première infraction.
La gravité des actes est très variable: dans la plupart des cas, il s’agit d’actes dits de «main à la pâte», c’est-à-dire de contact physique non désiré avec les victimes, par exemple lors de cours de sport ou d’attouchements à caractère sexuel. Mais les abus vont aussi jusqu’aux viols répétés.
L’EKD a commandé cette étude il y a trois ans pour un montant de 3,6 millions d’euros. Des victimes y ont également participé. Le coordinateur est Martin Wazlawik, professeur de travail social à l’université de Hanovre. (cath.ch/kna/mp)
Maurice Page
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