L’accord conclu entre l’Éthiopie et le Somaliland va-t-il provoquer un séisme géopolitique dans la Corne de l’Afrique et la Mer Rouge? se demande l’agence Fides. Deuxième nation la plus peuplée d’Afrique, et qui accueille le siège de l’Union africaine, l’Éthiopie avait perdu son accès à la mer en 1993 suite à l’indépendance de l’Érythrée. Sa marine avait dès lors cessé d’exister.
«De nouvelles ambitions navales éthiopiennes avaient émergé en 2018, lors de l’annonce de la reconstruction de sa marine avec l’aide de la France. La Russie s’est également déclarée récemment prête à l’aider à reconstruire ses forces navales», rappelle Fides.
Grâce au pacte signé le 1er janvier entre Abiy Ahmed Ali, Premier ministre éthiopien, et Muse Bihi Abdi, président du Somaliland, l’Éthiopie retrouve un accès à la mer et la possibilité de développer à nouveau ses forces navales.
Le Somaliland, pour sa part, bénéficie de sa première reconnaissance officielle. Cette région du nord de la Somalie s’est proclamé indépendante en 1991 mais n’avait jusqu’à présent été reconnue par aucun autre pays en tant qu’État. Addis-Abeba s’engage aussi à lui apporter un soutien militaire, ne serait-ce que pour défendre ses propres forces navales une fois que celles-ci seront reconstituées et basées dans un port de ce pays.
La reconnaissance par l’Éthiopie de la région sécessionniste du Somaliland a provoqué la vive réaction du gouvernement de Mogadiscio. Celui-ci a dénoncé «une violation flagrante de sa souveraineté et de son unité» et rappelé son ambassadeur à Addis-Abeba. Le président somalien Hassan Sheikh Mohamud a aussitôt entamé des consultations avec le Qatar et l’Égypte, deux pays respectivement rivaux des Émirats arabes unis (qui soutiennent l’Éthiopie et ont déjà une présence civile et militaire dans le port de Berbera au Somaliland) et de l’Éthiopie, à cause du barrage sur le Nil.
Il a aussi promulgué le 6 janvier une loi adoptée à la hâte par le parlement de Mogadiscio qui «annule l’accord illégal» conclu entre Addis-Abeba et Hargheisa, la capitale du Somaliland. L’adoption de cette loi «est un exemple de notre engagement à sauvegarder notre unité, notre souveraineté et notre intégrité territoriale dans le cadre du droit international», a écrit sur X le président somalien.
À noter que les islamistes Shebab, un groupe affilié à Al-Qaïda qui mène une insurrection sanglante contre le gouvernement fédéral somalien depuis 2007, ont également condamné l’accord et le «programme expansionniste» d’Abiy Ahmed.
Le pacte du 1er janvier ne fait pas non plus l’unanimité au Somaliland. Son ministre de la Défense Abdiqani Mohamud Aateeye a démissionné, qualifiant l’Éthiopie d’«ennemi numéro un de la Somalie». Comme le note l’agence Fides, le fait qu’il ait parlé de la Somalie et non du Somaliland suggère une vision commune avec le reste du pays, au moins en ce qui concerne les relations avec le puissant voisin.
L’Érythrée, pour sa part, qui a largement contribué à réprimer le soulèvement du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) en encadrant les troupes éthiopiennes du Premier ministre Abiy Ahmed, craint aujourd’hui elle aussi les ambitions navales de l’Éthiopie. Celles-ci pourraient signer son encerclement potentiel par la mer une fois qu’Addis-Abeba aura réussi à reconstruire sa marine en la basant au Somaliland. (cath.ch/fides/lb)
Lucienne Bittar
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