«Nous Nous adressons à tous les hommes de bonne volonté pour les exhorter à célébrer la ‘Journée de la Paix’, dans le monde entier, le premier jour de l’année civile, 1er janvier 1968.», indiquait le pape Paul VI dans son premier message. «Notre désir serait qu’ensuite, chaque année, cette célébration se répétât, comme un souhait et une promesse, à l’ouverture du calendrier qui mesure et décrit le chemin de la vie humaine dans le temps. Nous voudrions voir la paix, avec son juste et bienfaisant équilibre, dominer le déroulement de l’histoire à venir.»
Dans le monde catholique, le désir du pape est un ordre et depuis, chaque année, lui-même et ses successeurs rédigèrent un message spécifique adressé à l’Eglise et au monde sur un thème lié à la paix et à la justice dans le monde.
De fait l’idée de créer une journée mondiale de la paix ne revient pas au pape Paul VI, mais au journaliste et écrivain Raoul Follereau. L’humaniste français, déjà connu pour son combat contre la lèpre, adressa, le 1er septembre 1964, une lettre à U Thant, secrétaire général de l’ONU, lui demandant «que toutes les nations présentes à l’ONU décident que chaque année, à l’occasion d’une Journée mondiale de la paix, elles prélèveront sur leur budget respectif ce que leur coûte un jour d’armement, et le mettront en commun pour lutter contre les famines, les taudis et les grandes endémies qui déciment l’humanité. Un jour de guerre pour la paix…». Le pape Paul VI relaya cet appel lors de sa visite, en Inde, à Bombay le 4 décembre de la même année.
Pour donner de l’envergure à cette requête, Follereau lança son premier appel à la jeunesse. Il fit imprimer une carte postale pour les jeunes de 14 à 20 ans en leur demandant de faire parvenir cette pétition aux Nations Unies. Au total entre 1964 et 1968, quelque trois millions de signatures, en provenance de 120 pays, arrivèrent au siège de l’organisation.
Reprenant à son compte l’idée de Raoul Follereau, le pape Paul VI instaura la Journée mondiale de la paix le 1er janvier 1968. «La proposition de consacrer à la paix le premier jour de l’année nouvelle ne se présente donc pas, dans Notre idée, comme exclusivement religieuse et catholique; elle voudrait trouver l’adhésion de tous les vrais amis de la paix (…) L’Église catholique, dans un esprit de service et d’exemple, veut simplement «lancer l’idée». Elle espère que celle-ci (…)rencontrera le plus large acquiescement du monde civilisé», écrivait le pontife.
Du côté de l’ONU, l’affaire fit long feu. Dès décembre 1968, quinze pays déposaient une résolution invitant tous les États membres à consacrer une journée à la paix. Mais au vote, un seul, le Luxembourg, adoptera cette résolution. C’est en 1981 seulement qu’une nouvelle résolution instaurera la Journée internationale de la paix fixée au 21 septembre.
Dans un contexte encore marqué par les conséquences de la deuxième guerre mondiale, les guerres d’indépendance et la guerre froide, Paul VI donne sa définition de la paix: «On ne peut légitimement parler de paix quand on ne reconnaît et ne respecte pas les solides fondements de celle-ci: la sincérité, la justice et l’amour dans les rapports entre les États et, au sein de chaque nation, entre les citoyens entre eux et avec leurs Gouvernants; la liberté, des individus et des peuples, dans toutes ses expressions, civiques, culturelles, morales, religieuses; autrement ce n’est pas la paix qu’on aura – même si, par aventure, l’oppression est capable de créer un aspect extérieur d’ordre et de légalité – mais la germination continuelle et incoercible de révoltes et de guerres.»
Dans son message du 1er janvier 1968, le pape apporte une précision d’importance. La célébration de la journée mondiale de la paix «ne doit pas modifier le calendrier liturgique qui réserve le ›jour de l’an’ au culte de la divine maternité de Marie et au très saint nom de Jésus».
La solennité de Marie Mère de Dieu a été instaurée en 1931 par son prédécesseur Pie XI. Elle se réfère au premier des dogmes mariaux défini lors du concile d’Ephèse en 431 qui confère à la Vierge le titre de théotokos (qui a enfanté Dieu).
Cette définition fixe et complète le symbole de la foi énoncé par le concile de Constantinople, soixante ans plus tôt en 381: «Jésus-Christ, Fils unique de Dieu, vrai Dieu né du vrai Dieu, par l’Esprit-Saint a pris chair de la Vierge Marie et s’est fait homme».
L’habitude de conférer à Marie le titre de ›Mère de Dieu’ donna lieu à une polémique avec le patriarche de Constantinople Nestorius, qui soulignait la distinction entre la divinité et l’humanité en Jésus. Il partit en guerre contre ce qui lui apparaissait comme une nouvelle hérésie. Pour lui, Marie est la mère de l’homme Jésus, non du Verbe éternel.
La querelle touche ainsi au dogme de la divinité de Jésus. Deux camps s’opposent, celui des partisans du titre de théotokos et celui des partisans d’anthropotokos (Mère de l’Homme).
Les attaques de Nestorius se heurtent à Cyrille, évêque d’Alexandrie, grand défenseur de l’unité du Christ Dieu et homme. Ce qui est en jeu n’est pas tant le statut de Marie, mais la réalité de l’Incarnation: Jésus fils de Marie est-il vraiment Dieu? Si oui, sa mère peut véritablement être dite Mère de Dieu. Lui refuser ce titre reviendrait à séparer la divinité de Jésus de son humanité, ce qui serait une hérésie.
Après plusieurs décennies de débats, un concile œcuménique se tient en 431 à Éphèse, ville mariale par excellence: c’est là que, selon une tradition, Marie aurait résidé avec Jean après la Pentecôte. Cent cinquante évêques d’Orient et d’Occident y consacrent la reconnaissance par l’Église de la maternité divine de Marie.
À l’occasion du XVe centenaire du concile d’Éphèse, Pie XI promeut une solennité universelle en l’honneur de la Maternité divine de Marie. Elle est fixée au 11 octobre. Dans le cadre de la réforme issue du concile Vatican II, Paul VI déplace cette solennité de Sainte Marie, Mère de Dieu au 1er janvier, retrouvant l’ancienne coutume de la liturgie de Rome. Elle clôt ainsi l’octave de Noël, tout en coïncidant avec la Journée mondiale de la paix, promue par ce même pape. (cath.ch/mp)
Maurice Page
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