Retour en Amérique latine
Le 16 décembre dernier, l’annonce de la canonisation le 11 février prochain de Mama Antula, figure de la spiritualité ignacienne en Argentine, a relancé durant quelques instants les spéculations sur une visite du pape dans son pays à cette occasion. Mais cette cérémonie se tiendra bien à Rome, et selon la presse locale, c’est plutôt en mars ou en avril, avant ou après la Semaine sainte (Pâques étant célébrée le 31 mars 2024) que le pape devrait se rendre en Amérique latine.
Le 19 novembre dernier, l’élection du président populiste de droite Javier Milei, qui avait violemment insulté le pape durant la campagne présidentielle, avait fait planer le doute sur la faisabilité d’une visite du pontife dans son pays natal. Mais François a créé la surprise deux jours plus tard en téléphonant directement au président élu, non par l’entremise du réseau diplomatique habituel mais grâce à son ophtalmologiste, personnellement lié à un conseiller du nouveau chef de l’État. Cet échange informel a permis de tisser un lien direct entre les deux hommes, le pape exhortant le nouveau président à faire preuve de «courage» et de «sagesse».
Dans son entretien du 12 décembre dernier avec la journaliste mexicaine Valentina Alazraki, le pape a expliqué qu’il faut «beaucoup distinguer entre ce que dit un politique durant la campagne électorale et ce qu’il va réellement faire après, car après vient le moment du concret, des décisions», a-t-il précisé. La possible visite au Vatican du président Javier Milei en janvier pourrait permettre de formaliser une invitation au pape François à visiter son pays d’origine. Cette tournée pourrait également le conduire en Uruguay, pays de tradition laïque, culturellement proche de la France, et au Brésil, où le pape était déjà venu en 2013 à l’occasion des JMJ de Rio.
Le premier pape latino-américain de l’histoire a visité l’Équateur, la Bolivie et le Paraguay en juillet 2015, la Colombie en septembre 2017 et enfin le Pérou et le Chili en 2018. Sa visite chilienne avait été parasitée par les affaires d’abus, qui ont conduit quelques mois plus tard l’ensemble des évêques à présenter leur démission au pape, certaines ayant ensuite été acceptées au cas par cas.
Après cette possible tournée de 2024, le dernier grand pays d’Amérique du Sud à ne jamais avoir été visité par le pape François serait le Venezuela, un pays a priori exclu en raison des tensions récurrentes entre l’Église et le régime populiste de gauche de Nicolas Maduro, qui menace par ailleurs d’annexer une partie du territoire de son voisin, le Guyana.
En incluant l’Amérique centrale et l’Amérique du Nord, la liste des voyages du pape sur ce vaste continent inclut aussi Cuba et les États-Unis en septembre 2015, Cuba de nouveau et le Mexique en février 2016, les JMJ de Panama en janvier 2019, et le Canada en juillet 2022.
Voyage programmé en septembre en Belgique
Le pape François a lui-même pris de court l’épiscopat belge en annonçant, dans son entretien à la télévision mexicaine, l’organisation d’un voyage apostolique en Belgique en 2024, près de 30 ans après la seconde venue de Jean Paul II dans ce royaume en 1995.
L’occasion de ce déplacement, qui pourrait avoir lieu en septembre, sera le 600e anniversaire de l’Université catholique de Louvain et de l’université néerlandophone belge KU Leuven. «En préparation, les recteurs des deux universités avaient invité le pape François», explique un communiqué des évêques de Belgique. «Les évêques de notre pays sont évidemment très favorables à cette proposition et ont officiellement invité le pape François à une visite pastorale de l’Église en Belgique», est-il détaillé.
Ce voyage, qui devrait se dérouler sur une ou deux journées, ferait de la Belgique le 15e pays de l’Union européenne visité par le pape François au cours de son pontificat. Le pontife argentin s’est déjà rendu dans 14 pays membres de l’Union européenne (Italie, Grèce, Pologne, Suède, Portugal, Irlande, Lituanie, Lettonie, Estonie, Hongrie, Slovaquie, Chypre, Malte, France). En 2014, il est allé à Strasbourg pour s’adresser aux institutions européennes. Des statistiques qui relativisent l’image parfois accolée au pape d’un homme du Sud qui se désintéresserait du Vieux continent. Il n’a toutefois pas visité deux pays majeurs, l’Allemagne et l’Espagne, qui furent visités à de nombreuses reprises par ses prédécesseurs Jean Paul II et Benoît XVI.
Un voyage possible en Océanie
Toujours dans son entretien à la télévision mexicaine, le pape a évoqué un projet de voyage en ‘Polynésie’. Ce terme approximatif, qui ne réfère a priori pas à la Polynésie française, pourrait concerner les territoires du Pacifique menacés par le réchauffement climatique et la montée des eaux. La création en 2015 d’un cardinal pour les Îles Tonga, Soane Patita Maini Mafi, et la présence d’une imposante délégation tongienne lors des JMJ de Lisbonne et de l’audience générale du 9 août dernier pourrait apporter un indice intéressant de l’attention du pape pour ce pays peu connu.
Une autre interprétation à ce terme de Polynésie pourrait concerner la tournée envisagée depuis 2020 en Indonésie, Papouasie Nouvelle-Guinée et Timor-Oriental. Mais les révélations d’abus impliquant Mgr Ximenes Belo, ancien administrateur apostolique de la capitale, Dili, héros de la lutte pour l’indépendance et prix Nobel de la Paix, ont fragilisé la position de l’Église dans ce petit pays historiquement structuré par un catholicisme hérité de la colonisation portugaise.
Le congrès eucharistique en Équateur
Neuf ans après sa visite de juillet 2015, le pape François pourrait revenir en Équateur à l’occasion du Congrès eucharistique prévu à Quito du 8 au 15 septembre 2024. C’est du moins ce qu’avait laissé entendre l’archevêque de Quito, Mgr Alfredo José Espinoza Mateus, en mai dernier. Le nonce apostolique en Équateur et le président de la République ont en effet adressé des invitations formelles au pontife argentin pour qu’il puisse venir célébrer la messe de clôture du 53e Congrès eucharistique international, comme il l’avait fait à Budapest le 12 septembre 2021. Mais un voyage étant envisagé en septembre en Belgique, le programme du pape, qui s’apprêtera à ouvrir la session conclusive du Synode en octobre, est déjà bien chargé pour la rentrée.
Une tournée dans les Balkans?
Le pape François, qui s’est rendu en Albanie en 2014 et en Bosnie en 2015, a évoqué à plusieurs reprises son intérêt pour un voyage au Kosovo, petit pays enclavé dont l’indépendance a été proclamée en 2008, mais qui demeure dans un profond contentieux avec la Serbie, des incidents armés laissant toujours planer un risque de guerre. Un voyage du pape à Pristina serait un appui fort à ce pays qui tente de se légitimer sur la scène internationale, mais il susciterait d’inévitables tensions avec le gouvernement serbe… À moins de se rendre dans les deux pays, ce qui semble difficile. La Serbie, pays orthodoxe très lié à la Russie, n’a jamais reçu de visite d’un pape.
Deux pays plus stables pourraient le recevoir, notamment le Monténégro, indépendant depuis 2006. Le pape François a reçu son Premier ministre en décembre 2019 au Vatican. Ce dernier lui transmettant une invitation officielle à visiter son pays, le pontife avait répondu: «Je viendrai». La Croatie, pays de tradition catholique, pourrait également recevoir le pontife. Le 15 février 2021, le pape François a été invité par le Premier ministre croate Zoran Milanović à se rendre en Croatie. Une invitation déjà acceptée par le pontife à deux reprises avant que la pandémie ne conduise à l’annulation de tout voyage pontifical pendant un an. Le dernier déplacement d’un pape en Croatie remonte à celui de Benoît XVI en 2011. Un tel voyage aurait l’avantage d’être à faible distance et donc relativement simple à organiser.
Liban, en attente d’un président
Depuis plusieurs années, le Liban attend la venue du pape François, après les visites de Jean-Paul II en 1997 et de Benoît XVI en 2012. Après l’annulation de la visite envisagée en juin 2022, qui n’a jamais été annoncée par le Saint-Siège mais que l’exécutif libanais avait laissée fuiter, la vacance de la présidence de la République, depuis l’échéance du mandat de Michel Aoun le 31 octobre 2022, a provoqué l’ajournement du projet. Seule l’élection d’un nouveau président permettrait de relancer une invitation formelle au pontife.
L’Inde, un pays et une Église sous tensions
Le projet de visite papale en Inde, un pays dirigé depuis 2014 par le Premier ministre nationaliste hindou Narendra Modi, est pour sa part en suspens jusqu’aux élections générales, qui auront lieu en avril ou en mai. Mais malgré l’atmosphère relativement chaleureuse de la rencontre le pape et le leader indien en octobre 2021 au Vatican et l’invitation adressée au pape à visiter le pays, l’agressivité du parti au pouvoir à l’égard des chrétiens et des musulmans rend difficile l’organisation d’un tel voyage. Sur des questions internes à l’Église, ce projet de voyage est rendu incertain par le schisme possible d’une partie des syro-malabars. La cause de cette crise est leur refus d’adopter une réforme liturgique pour l’adoption de laquelle le pape lui-même a fixé un ultimatum à Noël.
La France pour Notre-Dame
Le président Macron a invité le pape François à venir en personne pour la consécration, prévue le 8 décembre 2024, de la cathédrale Notre-Dame-de-Paris, qui sera rendue au culte plus de cinq ans après l’incendie qui l’avait dévastée le 15 avril 2019. Mais une telle visite semble peu réaliste, compte tenu de la coïncidence possible de cette date avec l’ouverture à Rome du Jubilé 2025, et du fait que le pape François a déjà visité la France, en se rendant à Marseille en septembre 2023. Le scénario le plus probable serait donc l’envoi d’un cardinal pour le représenter en tant que légat pontifical.
L’Ukraine et la Russie: une paix impossible?
L’hypothétique visite du pape en Ukraine, à la suite des nombreux chefs d’État venus rencontrer le président Volodymyr Zelensky à Kiev, semble de moins en moins probable, d’autant plus que le pape souhaite garder le contact avec la Russie. Très marginalisé malgré sa disponibilité pour une médiation, le pape François a été impliqué dans plusieurs incidents diplomatiques qui ont suscité colère et désarroi tant de la part des Russes que de la part des Ukrainiens. En 2023, l’envoi du cardinal Matteo Zuppi à Kiev, Moscou, Washington et Pékin a symboliquement montré l’attention du Saint-Siège pour la situation des enfants ukrainiens déplacés en Russie, mais avec peu de résultats concrets, un seul jeune ayant été rapatrié en Ukraine de justesse, avant son 18e anniversaire.
Israël et Palestine, la Terre sainte déchirée
Un retour du pape en Terre sainte, dix ans après sa visite de 2014, semble également très improbable. Ses rencontres avec des proches d’otages israéliens et des proches de Palestiniens affectés par l’offensive israélienne dans la Bande de Gaza ont été entourés d’une certaine confusion, notamment autour de l’emploi par le pape du mot « génocide » pour qualifier les opérations militaires israéliennes. Les membres de la délégation palestinienne ont assuré que le pape avait employé ce mot, pourtant nié par ses services de communication. Le net refroidissement de ses relations avec Israël et avec la communauté juive rend une visite en territoire israélien a priori peu plausible à court terme.
COP29 en Azerbaïdjan, une venue du pape (trop) périlleuse?
Enfin, après les annulations de ses visites prévues à la COP26 de Glasgow en 2021 et à la COP28 de Dubai en 2023, l’attribution de la COP29 à Bakou, en Azerbaïdjan, pourrait relancer les spéculations sur une venue du pape à cette conférence sur le climat. Mais les controverses sur l’autoritarisme du régime du président Ilham Aliev et sur sa reprise par la force de l’enclave arménienne du Haut-Karabakh en deux guerres successives, en 2020 et 2023, vont certainement rythmer l’agenda international de l’année à venir et dissuader certains dirigeants internationaux de venir à Bakou, où le pape s’était déjà rendu en octobre 2016. (cath.ch/imedia/cd/bh)
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