Une bonne centaine de personnes ont rempli un auditoire de l’Université de Fribourg pour exprimer leur gratitude envers le professeur Thierry Collaud, à l’occasion de son départ à la retraite. Fribourgeois de naissance, il a passé par Genève, les Etats-Unis et Neuchâtel avant de revenir dans sa patrie, riche de son expérience de médecin et de théologien.
Pour lui rendre hommage, le doyen de la faculté, Joachim Negel, a présenté une image allemande assez rare de Jésus apothicaire, où l’on voit le Christ assis à une table en train de doser les divers ingrédients pour composer des médicaments.
Avec sa double formation de médecin et de théologien, et son ancrage résolument œcuménique, Thierry Collaud a su apporter à ses étudiants un remède sain et fortifiant. Il a tenté d’établir un lien cohérent entre le progrès médical, l’éthique et la foi. Pour cela, il a su doser avec soin la bioéthique, les Droits de l’Homme, la spiritualité, la théologie, l’ouverture œcuménique, la sensibilité sociale. Le tout avec une forte dose de patience.
Son collègue, le dominicain Luc-Thomas Somme, a salué en Thierry Collaud un moraliste obnubilé ni par le sexe ni par la mort, mais un amoureux de la liberté, toujours attentif aux oubliés et aux petits.
En plaçant sa leçon d’adieu sous le titre ‘Quelle éthique pour quelle Église?’ Thierry Collaud a tenu à montrer ‘quelques cailloux que j’ai mis dans mes poches’. Il a plaidé pour une éthique des vertus qui cherche une vie bonne ‘parfois à tâtons’ dans un processus d’apprentissage permanent.
Il réfute une éthique utilitariste qui prône un ‘altruisme efficace’ qui en fait repose sur la loi du nombre, et sur la dynamique du troupeau, où la dignité de la personne n’est reconnue qu’en termes d’utilité pour la société.
L’éthique déontologique, de la norme, de la loi, de l’obligation n’est pas plus satisfaisante. La Bible et Jésus ne manquent jamais d’ailleurs de fustiger l’hypocrisie des docteurs de la loi.
Ces deux éthiques ‘sécuritaires parce que quantifiables’ sont dépassées par l’éthique des vertus qui laisse la place à la grâce et au don gratuit. Dans cette optique, il n’est pas question d’établir un catalogue de gravité des péchés mortels, comme le lui ont parfois demandé certains étudiants, mais de viser une vie ‘en plénitude’ en permettant à chacun de déployer le meilleur de son humanité. L’éthique devient alors une ‘maïeutique’ c’est-dire la science de l’accouchement pour naître au monde.
A l’Église, Thierry Collaud suggère ‘trois petites vertus inédites’. La première est la ‘cohérence polyphonique’ qui met en adéquation valeurs, discours et pratique et qui permet à la vie de s’exprimer dans sa diversité. Pour cela, il ne faut pas hésiter à regarder la réalité sous un angle différent, ‘autre que celui de nos certitudes’.
La deuxième vertu est ‘l’habitation hospitalière’ qui doit permettre d’habiter un lieu et pas seulement d’en prendre possession ou de l’occuper. Cette vertu demande aussi de pratiquer une justice réparatrice qui répare les déchirures, mais sans en effacer les cicatrices.
La troisième vertu est ‘l’humilité gracieuse’. La grâce transforme celui qui la reçoit. Elle le pousse à donner à voir la beauté reçue, non pas dans l’ostentation, mais dans l’humilité et la transparence. Comme le vivent Marie et Elisabeth, lors de la Visitation, par le chant de louange du Magnificat. (cath.ch/mp)
Maurice Page
Portail catholique suisse
https://www.cath.ch/newsf/a-fribourg-la-lecon-dau-revoir-du-professeur-thierry-collaud/