«C’est évidemment embêtant pour moi d’accuser quelqu’un de décédé, et qui était aussi un ami», relève, la mine grave, Mgr Charles Morerod, lors d’une conférence de presse à l’évêché. Car l’évêque actuel de LGF a côtoyé Bernard Genoud alors que ce dernier était professeur de philosophie au Collège du Sud, à Bulle, où les faits se seraient produits. La victime présumée, qui désire absolument conserver son anonymat, était son étudiante. Elle avait 19 ans lorsque, celui qui était déjà prêtre à ce moment-là lui aurait imposé des actes d’ordre sexuel.
Elle a expliqué à Mgr Morerod avoir été sous emprise et incapable de révéler avant ce qui s’est passé. La victime présumée serait venue confier à Bernard Genoud, son enseignant, mais aussi ami de ses parents, des abus déjà subis dans son enfance. Dans cette relation d’emprise et de dépendance, elle aurait été abusée à plusieurs reprises par Bernard Genoud, ordonné prêtre en 1968 et évêque de LGF en entre 1999 et 2010.
L’ancienne étudiante est venue signaler son cas le 1er décembre 2023 à l’évêque de LGF. «Lorsqu’elle est venue me voir, elle était extrêmement fragilisée, a assuré Charles Morerod. Elle m’a affirmée s’être libérée d’un lourd poids». A sa demande, l’évêque a expliqué qu’il ne fournirait pas davantage de détails sur les faits ou l’identité de la victime. Il a exhorté les médias à respecter ce souhait.
La révélation que Mgr Bernard Genoud était peut-être également un abuseur s’ajoute à l’avalanche de révélations au sein de l’Eglise catholique en Suisse. De nombreuses personnes se sont signalées en tant que victimes depuis la publication, le 12 septembre 2023, d’un projet pilote sur les abus dans un contexte ecclésial, commandité par l’Eglise en Suisse et réalisé par l’Université de Zurich. C’est suite à cela que la victime présumée de Bernard Genoud aurait décidé de sortir du silence, a précisé Mgr Morerod.
Présente en visioconférence, Marie-Jo Aeby, vice-présidente du Groupe SAPEC, a relevé que cette personne s’était déjà faite connaître auprès de leur service en octobre. Elle a confirmé que, dans ce cas, la relation d’emprise était avérée.
Après avoir communiqué ce cas à l’interne, Mgr Morerod a révélé qu’il avait «provoqué de la sidération, mais pas chez tout le monde», sous-entendant que les penchants de l’évêque défunt n’étaient pas forcément inconnus de tous. «Certains ont cru ainsi comprendre pourquoi il y a certaines choses, qu’en tant qu’évêque, il a faites ou pas dans le domaine des abus». Certaines victimes estimaient en effet qu’il était «dépassé» par les dossiers d’abus. Il avait notamment dû gérer à l’époque «l’affaire Frochaux» – dans laquelle l’ancien curé de la cathédrale de Fribourg a été accusé d’abus sexuels sur une personne mineure. Sa «passivité» dans ce cas a été pointée du doigt.
«Alors que j’étais au Collège du Sud, je constatais à quel point Bernard Genoud était un professeur passionné, chaleureux, sympathique, parfois proche de ses étudiantes». Mgr Morerod note aussi que «c’est lui qui m’a expliqué les raisons religieuses du célibat». «En rapport à ce que je sais maintenant, il est clair que mon regard sur tout cela a changé», assure-t-il.
«Mgr Genoud n’est plus là pour s’expliquer, a souligné Mgr Morerod. Mais il appartient à l’Eglise de ne pas laisser sans réponse les souffrances des victimes.» La communication du jour vise donc à mettre en lumière des cas d’abus et à aider des victimes potentielles. Les personnes concernées peuvent appeler la Commission d’écoute des personnes victimes d’abus sexuels commis en contexte ecclésial (CASCE), ou la Commission indépendante «Ecoute-Conciliation-Arbitrage-Réparation» (CECAR). (cath.ch/rz)
Ordonné prêtre en 1968, Bernard Genoud a enseigné au Collège du Sud (Bulle), de 1976 à 1994, ainsi qu’à l’Ecole de la foi de Fribourg de 1975 à 2006. Il a également enseigné et a été aumônier à l’Ecole normale cantonale de Fribourg de 1972 à 1975, au Collège St-Michel à Fribourg de 1976 à 1994 et à l’Université de Fribourg, de 1996 à 1999. Il a été évêque de LGF entre 1999 et 2010.
Raphaël Zbinden
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