Bernard Litzler pour cath.ch
Cet automne est paru un OLNI, un objet littéraire non identifié. Car comment qualifier l’ouvrage d’Eric Lehmann et Michel Salamolard ? Dans son salon de Sierre, ce dernier confesse : «C’est comme un pétard qui explose dans tous les sens. Car ce sont des questions qu’on se pose, des discussions de parvis, qu’on discute en sortant de la messe, ou à l’annonce d’un scandale.»
«Je me suis efforcé d’aller au cœur de la foi catholique. C’est un peu la foi en situation culturelle et politique, sociétale d’aujourd’hui.»
Michel Salamolard
Les interrogations de ce livre aux contours inhabituels balaient large : les miracles, la Vierge Marie, le sexisme dans l’Eglise, la messe en latin, la mort, le pape François… A 76 ans, Eric Lehmann, personnalité «touche à tout», qui a notamment fait carrière dans les médias et la police, poursuit sa quête existentielle, en croyant sincère. En ce sens, il a sollicité Mgr Jean-Marie Lovey, l’évêque de Sion. Trop occupé, le prélat a confié à l’abbé Michel Salamolard, auteur spirituel et directeur de collection, engagé dans les débats sociétaux, le soin d’y apporter sa touche.
Dans ce livre écrit «à quatre mains», explique l’abbé Salamolard, «je me suis efforcé d’aller au cœur de la foi catholique. C’est un peu la foi en situation culturelle et politique, sociétale d’aujourd’hui».
«Par exemple, quand Jésus marche sur les eaux, que s’est-il passé ? Il y a des explications rationnelles pour dire que c’était une illusion d’optique, qu’il y avait du brouillard et qu’il marchait en réalité sur la grève. Mais dans les évangiles, on distingue bien ce qui est de l’ordre du songe et les réalités. Cela fait un peu penser aux apparitions de Lourdes, ces phénomènes surnaturels destinés à quelques personnes qui en ont besoin, comme Bernadette.»
Au départ, le livre devait constituer une disputatio, une confrontation d’idées au sens du Moyen-Age. De fait, il juxtapose des points de vue. «Comme ça, le lecteur peut se situer, dit Michel Salamolard. Il entend deux voix plus ou moins accordées, mais qui ne sont pas contradictoires. Je n’argumente pas contre M. Lehmann. Je me saisis du sujet et je le traite à ma manière.»
«La sexualité est comme un avant-goût de quelque chose qui nous dépasse dans l’ordre du ressenti, du plaisir.»
Michel Salamolard
Mais, ajoute-t-il, «je ne voulais pas botter en touche en donnant des réponses faciles. Et le faire en deux-trois pages en donnant, si possible, du piquant pour intéresser le lecteur.»
Ainsi en rapport avec la sexualité humaine. L’abbé Salamolard esquisse une réponse: «Pourquoi la sexualité est-elle si impérieuse, si peu maîtrisable? Est-ce que le Créateur n’aurait pas pu mieux faire? La sexualité est-elle un cadeau empoisonné? Saint Augustin attribue tout cela au péché originel. Selon lui, avant le péché originel, Adam maîtrisait tout, la procréation était la volonté de Dieu et les choses se mettaient en route sans difficulté. Avec le péché, tout est passé sous la mouvance du démon. Ce genre d’explications ne me convainc pas.»
«Car la sexualité est comme un avant-goût de quelque chose qui nous dépasse dans l’ordre du ressenti, du plaisir. Avec la grâce divine, la sexualité dans la Bible et la tradition chrétienne est vécue, dans le mariage, et elle devient le symbole de l’amour du Christ pour l’Église, figurée comme l’épouse. Et l’Incarnation, c’est ce Dieu qui épouse l’humanité en la liant à sa divinité. Il veut que le côté imparfait de notre humanité, dans la sexualité comme dans la violence, retombe sur lui, sur la croix. On arrive au mystère absolu du Christ qui prend en charge tout cela, y compris la sexualité, en étant lui-même célibataire. Et en notant qu’il avait des relations privilégiées, mais chastes avec les femmes.»
La postface du livre surprend également. Eric Lehmann demande à ChatGPT, l’agent conversationnel utilisant l’intelligence artificielle, de lui donner des raisons de continuer à croire dans l’Église. La réponse dédramatise les crises que traverse l’institution qui «a survécu à travers des périodes difficiles» et qui «continuera à être dans le monde, une force spirituelle et morale».
D’accord avec cette conclusion, Michel Salamolard? «C’est vrai, l’Église ne s’arrête pas. C’est ce que nous sommes en train de vivre avec le Synode sur la synodalité. On voit déjà que les Églises et les personnes sont remuées en profondeur par la démarche. Le pape François donne une image assez sensationnelle de l’Église catholique. Et on attend la deuxième étape, avec les décisions: ce sera l’étape de l’Esprit saint.» (cath.ch/bl)
Erich Lehmann, Michel Salamolard, Ciel, mon Eglise. ô curé ! à ta mort qui m’en ouvrira la porte ?, Editions St-Augustin, 239 pages.
Rédaction
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