Pas d’enquête fédérale sur les abus dans l’Eglise

Le Conseil fédéral a rejeté, le 29 novembre 2023, la motion du conseiller aux Etats Carlo Sommaruga (PS/GE) demandant que la Confédération lance une enquête sur les abus sexuels dans l’Eglise catholique. Le gouvernement estime que la responsabilité d’une telle démarche revient aux cantons.

Tout en assurant être «très affecté par les révélations concernant l’Église catholique», le Conseil fédéral a estimé n’avoir «ni les compétences ni les responsabilités», d’agir dans ce domaine, rapporte le journal Le Matin. L’exécutif suisse a justifié sa réponse en mentionnant l’art. 72 de la Constitution fédérale, stipulant que «la réglementation des rapports entre l’Église et l’État est du ressort des cantons». «Le Conseil fédéral attend de toutes les autorités cantonales, y compris les ministères publics, qu’elles prennent leurs responsabilités», a ainsi commenté le gouvernement.

Première interpellation en 2010

Le Conseil fédéral répondait à une motion déposée par Carlo Sommaruga suite à la publication d’un premier rapport mandaté par l’Eglise catholique en Suisse et réalisé par l’Université de Zurich sur les abus sexuels dans un contexte ecclésial, publié le 12 septembre 2023. Le projet pilote a relevé plus de 1000 cas depuis les années 1950. «La récente étude de l’Université de Zurich indique qu’un travail de recherche plus complet reste à faire, a estimé le conseiller aux Etats. (…) Le rapport présentera non seulement les responsabilités de l’Église catholique et de ses membres dans la commission des actes ou de leur occultation à la justice pénale civile, mais également l’éventuelle responsabilité des cantons et de la Confédération pour ne pas avoir pris les mesures adéquates pour protéger les enfants et déférer les responsables devant la justice».

Carlo Sommaruga avait déjà interpellé la Confédération sur le sujet en 2010, suite aux scandales ayant éclaté dans l’Eglise dans plusieurs endroits du monde. Le socialiste genevois a déploré qu’il ait fallu attendre 13 ans pour que le rapport de l’Université de Zurich montre l’étendue des dégâts, révélant «des systèmes de protection au sein de l’Église des auteurs des abus et l’absence de communication systématique des crimes et délits aux autorités pénales civiles».

L’Etat du Valais examine d’éventuels dysfonctionnements

Les instances politiques valaisannes ont également discuté des cas d’abus liés à l’Eglise dans le canton. Le Conseil de la magistrature (CDM) valaisan s’est penché le 30 novembre 2023 sur les affaires concernant l’Abbaye de Saint-Maurice, mises en lumière par la RTS le 19 novembre. L’autorité de surveillance a examiné les éventuels dysfonctionnements de la justice dans ce dossier et évalué sa marge de manœuvre, rapporte le journal Le Courrier.

L’émission de la RTS Mise au Point avait notamment relayé le témoignage de Mélanie Bonnard expliquant avoir été agressée sexuellement par un chanoine alors qu’elle avait 12 ans, au début des années 2000. Elle avait à l’époque porté plainte, mais l’enquête avait abouti à un non-lieu. Le reportage a toutefois révélé l’existence d’une lettre écrite par le chanoine en question remerciant le juge d’instruction d’avoir ordonné aux enquêteurs de limiter les recherches. Des propos «choquants même s’ils sont isolés de leur contexte», a déclaré Carole Melly-Basili, présidente du CDM.

Sanctions improbables contre le juge d’instruction

La marge de manœuvre du CDM est très étroite, voire inexistante pour les cas révélés par la presse qui concernent les années 1995 à 2005, a toutefois expliqué l’instance. Une procédure disciplinaire à l’encontre d’un magistrat n’est plus possible lorsque les faits remontent à plus de cinq ans. De plus, la fonction de juge d’instruction n’existe plus depuis l’introduction du code de procédure civile unifié depuis 2011. «Etant donné le changement de contexte et le fait que la fonction n’existe plus, nous ne pouvons plus intervenir», a expliqué le CDM.

Avec le cas de Mélanie Bonnard, l’émission Mise au Point a révélé que neuf chanoines de l’abbaye étaient concernés par des accusations d’abus sexuels, dont le prieur, Roland Jaquenoud. Ce dernier s’est retiré de ses fonctions. D’autres médias ont encore révélé d’autres affaires visant d’autres chanoines.

Le CDM a pris acte des opérations menées par le Ministère public, relate Le Courrier. La police valaisanne s’est rendue fin novembre 2023 à l’Abbaye dans le cadre d’une enquête préliminaire afin de déterminer la présence éventuelle de cas relevant du pénal. (cath.ch/lematin/lecourrier/arch/rz)

Raphaël Zbinden

Portail catholique suisse

https://www.cath.ch/newsf/pas-denquete-federale-sur-les-abus-dans-leglise/