Dès sa jeunesse, Jorge Mario Bergoglio a été confronté à la fragilité et à la finitude de la vie humaine, alors qu’une maladie respiratoire faillit l’emporter en 1957. Dans l’ouvrage Un temps pour changer, Viens, parlons, osons rêver, écrit par son biographe Austen Ivereigh (Flammarion 2020), il raconte cette «maladie grave» contractée à l’âge de 21 ans.
«Pendant des mois, je n’ai pas su […] si j’allais mourir ou vivre», confie-t-il notamment. «Même les médecins ne savaient pas si je m’en sortirais. Je me souviens qu’un jour j’ai demandé à ma mère, en l’embrassant, de me dire si j’allais mourir», raconte celui qui était, à l’époque, en deuxième année de séminaire. Le 13 août 1957, voyant sa santé se détériorer, un responsable du séminaire l’emmène à l’hôpital. Diagnostic: trois kystes dans le lobe supérieur de son poumon droit ainsi qu’un épanchement pleural.
«Pendant des mois, je n’ai pas su […] si j’allais mourir ou vivre»
Pape François
«Ils ont d’abord extrait un litre et demi d’eau de mon poumon, puis ils m’ont laissé lutter entre la vie et la mort», narre le pape. En novembre, il subit une intervention chirurgicale pour retirer le lobe supérieur droit de son poumon. Dans l’essai La santé des papes, du journaliste et docteur argentin Nelson Castro (Édition Sudamericana) le pape François évoque cette ablation comme une opération «sanglante»: on lui avait ouvert la cage thoracique, ce qui lui laissera à vie une grande cicatrice sur la moitié de la poitrine.
Cette intervention lourde, si elle n’a pas altéré sa fonction respiratoire, a joué un rôle dans l’élection de l’Argentin sur le trône de Pierre, comme le rapporte le vaticaniste Gerard O’Connell dans son livre L’élection du pape François (Artège, 2020). Alors que la candidature du cardinal Jorge Mario Bergoglio prenait de l’importance en 2013, un cardinal avait mis en cause sa capacité à gouverner avec un poumon en moins. Les cardinaux Óscar Andrés Rodríguez Maradiaga et Abril Santos y Casteló étaient alors allés voir l’archevêque de Buenos Aires qui les avaient rassurés sur sa santé. «Je n’ai jamais ressenti de fatigue ou d’essoufflement», a-t-il affirmé dans divers entretiens.
Toujours dans le livre La santé des papes (2021) de Nelson Castro, le pape François a également révélé qu’en 2004, alors qu’il était archevêque de Buenos Aires, il avait eu un problème cardiaque, un «pré-infarctus». Mais après une hospitalisation de quelques jours, il n’avait plus jamais eu de symptômes cardiaques.
Hormis des affections de saison et une sciatique récurrente qui lui demandèrent d’annuler parfois des audiences, le pape une fois élu a suivi un rythme intense pendant huit ans. Toutefois l’année 2021 marque un tournant sur le plan médical, dans un contexte marqué par la pandémie de Covid-19. Pour la première fois de son pontificat, la question de sa santé est véritablement débattue.
Le 1er janvier, l’année commence mal: une douloureuse sciatique l’oblige en effet à annuler plusieurs célébrations liturgiques et à repousser le traditionnel discours au corps diplomatique. Le pontife s’en remet. Le 14 janvier, il reçoit sa première dose de vaccin contre le Covid et le 3 février, sa seconde dose.
Le pape François montre cependant des signes de fatigue après son voyage du 5 au 8 mars en Irak. «Je vous confie que dans ce voyage je me suis fatigué beaucoup plus qu’au cours des autres», déclare-t-il aux journalistes lors de la conférence de presse en vol, de retour vers Rome.
L’année se poursuit de façon éprouvante: le dimanche 4 juillet, quelques heures après la traditionnelle prière de l’Angélus prononcée depuis la fenêtre du Palais apostolique, le Saint-Siège annonce l’hospitalisation du pontife à la Polyclinique Gemelli. Le pape François, apprend-on alors, est opéré d’une «sténose diverticulaire symptomatique du côlon», une opération fréquente pour une personne de son âge mais qui peut s’avérer délicate d’un point de vue chirurgical.
D’après le Saint-Siège, l’opération, première de cette ampleur pour le pontife, avait été planifiée en avance. Mais elle suscita des inquiétudes et nombre de supputations sur l’état de santé du pontife. Et ce d’autant plus que François a dû rester dix jours dans l’hôpital romain – plus que les premières estimations – récitant même l’Angélus depuis le balcon de l’établissement le 11 juillet.
«Chaque fois qu’un pape est malade, il y a toujours une brise ou un ouragan de conclave»
Pape François
La fin de l’hospitalisation du pape – qui disparait de la scène médiatique pendant plusieurs semaines, à la faveur des vacances – ne va pas tempérer les interrogations sur son état de santé. Pendant l’été, plusieurs vaticanistes vont même initier un débat sur la nécessité de réformer les règles du conclave. Dans un livre paru à la rentrée, un vaticaniste italien, Francesco Antonio Grana, annonçait que l’Église était désormais en «période de pré-conclave».
«Chaque fois qu’un pape est malade, il y a toujours une brise ou un ouragan de conclave», relativise pourtant le pape François dans son premier entretien post-opératoire avec la radio espagnole COPE, le 30 août 2021. Le pontife y reconnaît néanmoins l’ampleur de l’opération subie deux mois auparavant. Il déclarait alors pouvoir «manger de tout», mais que cela n’avait pas été possible pendant un certain temps et qu’il était encore sous médicaments post-opératoires, «parce que le cerveau doit enregistrer qu’il a 33 centimètres d’intestin en moins», souligne-t-il, révélant l’ampleur réelle de l’opération subie. Mais conclut-il, se voulant rassurant: «à part ça, j’ai une vie normale, je mène une vie tout à fait normale».
Le pape François souffre régulièrement de problèmes de hanche et montre certaines difficultés à marcher. Dès le début de l’année 2022, il évoque à plusieurs reprises sa douleur à la jambe droite», devant les hôtes qu’il reçoit au Vatican. À l’issue de l’audience générale du 26 janvier, il s’excuse de ne pas être en mesure de circuler parmi les fidèles pour les saluer comme il a l’habitude de le faire. Le pontife explique que sa jambe est «inflammée» à cause d’un problème du «ligament du genou».
Peu à peu, le mal se précise: il s’agit de «gonalgie aiguë», informe le Saint-Siège alors que le chef de l’Église catholique doit renoncer à la Rencontre des évêques et maires de Méditerranée à Florence le 27 février ainsi qu’aux célébrations du mercredi des Cendres le 2 mars. Le médecin du pontife argentin lui a en effet prescrit «une période de repos» et des injections.
La mobilité du pontife ne sera plus la même. Début avril, lors de son voyage à Malte, il est pour la première fois obligé d’utiliser un élévateur pour monter et descendre de l’avion.
À partir du mois de mai, on verra le pape François en fauteuil roulant. Une première au Vatican. Puis, le 10 juin, coup de tonnerre inattendu: le Bureau de presse annonce que le pape est contraint de reporter son voyage en République démocratique du Congo et au Soudan du Sud prévu du 2 au 7 juillet, afin de «ne pas compromettre les résultats des thérapies du genou encore en cours». C’est la première fois que le pape François reporte un voyage à l’étranger pour raison de santé.
Quelques jours plus tard, le 19 juin, toujours en raison de ses problèmes au genou, il ne peut célébrer la messe pour la solennité du Corpus Domini. Les rumeurs de démission s’intensifient, ainsi que les soupçons de maladies plus graves, d’autant plus que le pape vient de convoquer un consistoire pour créer de nouveaux cardinaux à la fin de l’été. Plus encore, il annonce par ailleurs vouloir se rendre à l’Aquila, la ville de Celestin V, le dernier pape à avoir renoncé librement avec le retrait du pape Benoît XVI en 2013. Mais, déclare le pape à un groupe d’évêques brésiliens le 20 juin, «je veux vivre ma mission jusqu’à ce que Dieu me le permette».
Dans un entretien à Reuters diffusé le 4 juillet, le pape de 85 ans écarte par ailleurs les rumeurs selon lesquelles un cancer a été découvert lors de son opération subie en juillet 2021, les traitant de «ragots de cour». Cette opération a été «un grand succès», assure-t-il, déclarant toutefois qu’il ne souhaitait pas être opéré du genou car l’anesthésie générale a eu des effets secondaires négatifs.
Finalement, après un temps de repos, le pontife pourra se rendre au Canada du 24 au 30 juillet. Un voyage qui lui fait mesurer qu’il ne peut plus continuer selon le rythme précédent, admet-il devant les journalistes durant le vol de retour de ce déplacement allégé, où le chef de l’Église catholique quitte rarement son fauteuil roulant. En août, il préside un consistoire, se déplace à Matera. À l’automne, le pape se rend par ailleurs au Kazakhstan, à Bahreïn, puis en février 2023 en République démocratique du Congo et au Soudan du Sud.
Durant l’année 2023, la santé du pape continue à susciter l’interrogation, au fil de plusieurs hospitalisations plus ou moins longues. Dans un entretien accordé le 24 janvier à l’agence de presse américaine AP, le pape confie que la diverticulose de laquelle il avait été opéré en 2021, «est revenue». «Je pourrais mourir demain, mais tout est sous contrôle. Je suis en bonne santé», affirme alors le chef de l’Église catholique.
Le 29 mars, le Saint-Siège annonce que le pape François est à l’hôpital, assurant dans une première version que ces examens étaient programmés. En réalité, le pape été amené en urgence en ambulance pour soigner une bronchite infectieuse. «›On l’a prise à temps’, m’ont-ils dit, et si on avait attendu quelques heures de plus, ça aurait été plus grave», déclarera-t-il quelques semaines plus tard à la télévision mexicaine. Après un traitement antibiotique, il quitte l’hôpital le 1er avril et allège pendant quelque temps son agenda, avant de reprendre un rythme normal.
Le 7 juin à nouveau – alors que le pontife a réalisé entre-temps un voyage en Hongrie fin avril – le Vatican annonce qu’il a rejoint l’hôpital Gemelli afin d’y subir une intervention chirurgicale pour une hernie intestinale avec risques d’occlusions. La communication vaticane, qui avait suscité de vives critiques des médias pour sa « manipulation » lors de l’épisode de mars, a désormais viré de bord pour jouer la transparence. Communiqués détaillés et réguliers, conférences de presse post-opératoire avec le chirurgien Sergio Alfieri, marqueront ces 10 jours d’hospitalisation. Le 11 juin, pour la première fois de son pontificat, François sursoit à la célébration de l’Angélus dominical en public, afin d’observer le repos prescrit par le corps médical.
«Encore vivant!», s’exclame le pape en sortant de la polyclinique le 16 juin. Durant l’été, il se rend aux Journées mondiales de la jeunesse de Lisbonne du 2 au 6 août, en Mongolie du 31 août au 4 septembre, puis à Marseille le 23 septembre. Après avoir créé 21 nouveaux cardinaux le 30 septembre, le pape enchaîne avec un mois d’octobre chargé, suivant de près les travaux du Synode sur l’avenir de l’Église.
Interrogé par la télévision italienne le 1er novembre, le chef de l’Église catholique se montre rassurant sur son état de santé. «Maintenant, je me sens très bien, je peux manger de tout», confie-t-il aux journalistes. Quelques semaines plus tard, le pape, atteint d’une inflammation pulmonaire, doit faire un aller-retour à l’hôpital Gemelli le 25 novembre, où il subit un scanner «pour exclure le risque de complications pulmonaires».
Le pape François «a 86 ans sur sa carte d’identité», mais «la tête d’un soixantenaire», avait plaisanté le chirurgien Sergio Alfieri, qui l’avait opéré en juin dernier. Pour l’heure, malgré sa fatigue manifeste lors de l’Angélus de dimanche 26 novembre qu’il n’a pu réciter depuis la fenêtre du palais apostolique, le pontife a confirmé son voyage imminent à Dubaï pour la COP28 du 1er au 3 décembre. Un déplacement vis-à-vis duquel on reste néanmoins prudent, dans les couloirs du Vatican, où l’on glisse que l’information sera donnée au jour le jour. (cath.ch/imedia/ak/bh)
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