Les évêques espagnols réitèrent leur demande de pardon pour les abus

Tout en dénonçant le caractère fautif des extrapolations chiffrant à 440’000 le nombre de victimes d’abus sexuels dans l’Eglise en Espagne, les évêques du pays saluent le travail effectué pour recueillir le témoignage des victimes et jugent précieuses les recommandations du rapport du médiateur du peuple.

Les évêques espagnols se sont réunis en séance extraordinaire le 30 octobre 2023 pour discuter du rapport indépendant sur les violences sexuelles commises dans l’Église catholique de ce pays publié trois jours plus tôt. 

Lors d’une conférence de presse tenue le 31 octobre, le président de la Conférence des évêques d’Espagne (CEE), le cardinal Juan Jose Omella, a d’abord voulu exprimer la «douleur de tous les évêques pour les dommages causés par quelques membres de l’Église». Tout en renouvelant «la demande de pardon aux victimes», il a évalué de manière globalement positive le rapport indépendant, «en particulier les témoignages des victimes, ce qui permet de les placer au centre».

Une extrapolation fautive

Le cardinal n’en a pas moins caché sa désapprobation, jugeant que l’extrapolation du nombre des victimes à 440’000 ne «correspondait pas à la vérité». Selon le sondage demandé par la commission indépendante, 1,13% de la population adulte actuelle (sur près de 39 millions de personnes) dit avoir été victime depuis les années 1970, alors qu’ils étaient mineurs, d’agressions sexuelles commises dans le cadre ecclésial, dont 0,6% affirment avoir été agressés sexuellement par des clercs. Selon l’extrapolation du quotidien madrilène El Pais, le nombre de victimes d’agressions sexuelles commises pourrait donc s’élever à 440’000.

Le cardinal Juan Jose Omella (centre) a jugé que l’extrapolation du nombre des victimes à 440’000 ne «correspondait pas à la vérité». | © CEE/Flickr/CC BY-SA 2.0 Deed

Un problème qui dépasse l’Église

«Outre la responsabilité de l’Église dans la question des abus, pour laquelle les membres de cette Assemblée plénière ont présenté leurs excuses, l’étude du Médiateur présente une vue d’ensemble du problème qui dépasse l’Église: l’abus sexuel de mineurs est un problème social auquel toutes les institutions publiques et privées ont le devoir de répondre», remarque la CEE.

Les évêques espagnols soulignent ainsi qu’en ne retenant que le chiffre concernant les abus dans l’Eglise, on court le risque d’occulter le cas de toutes les autres victimes dans l’ensemble de la société. «Partant de cette réalité, l’Assemblée plénière s’associe à la demande du Médiateur qui exhorte l’État à mettre en œuvre les recommandations que le rapport adresse à ses différentes institutions, à assumer sa responsabilité dans la tâche commune de mettre fin à ce fléau qui affecte l’ensemble de la société, comme le souligne le rapport lui-même. Ne pas prendre en compte l’ampleur du problème et sa dimension largement extra-ecclésiale, c’est ne pas s’attaquer aux causes du problème et le perpétuer dans le temps», indique le communiqué de la CEE.

Pas de victimes de seconde zone

Les évêques se montrent d’accord, mais en partie seulement, avec la proposition de création d’un fonds de compensation pour les victimes, envisagé par le rapport du médiateur. «Nous sommes d’accord pour une réparation mais pour toutes les victimes d’abus sexuels dans la société, car c’est un problème social», a précisé le secrétaire général de la CEE, Cesar García Magan. Aux yeux des évêques, se concentrer exclusivement sur la réparation des victimes ecclésiales serait discriminatoire à l’égard de la majorité, en faisant d’elles des victimes de seconde zone.

Restait la question de l’audit externe demandé par l’Église espagnole en février 2022 au cabinet Cremades & Calvo-Sotelo et dont la présentation prend du retard. Mal à l’aise et irritée, la conférence épiscopale a entendu la demande et la motivation de la prolongation du délai par l’auditeur. Avant de décider de reporter sa décision à sa prochaine séance du 20 novembre. (cath.ch/com/cx/mp)

Maurice Page

Portail catholique suisse

https://www.cath.ch/newsf/les-eveques-espagnols-reiterent-leur-demande-de-pardon-pour-les-abus/