Jusqu’au Ve siècle, les saints étaient honorés dans les lieux où ils avaient vécu ou étaient morts. Chaque localité avait sa liste de saints et conservait un récit de la mort de ses martyrs, explique Greg Dues, auteur du «Guide des traditions et coutumes catholiques».
Le Symbole des apôtres, en exprimant la foi dans la ‘communion des saints’, évoque l’Église comme la communauté ou la communion de tous les croyants, qu’ils soient vivants ou morts, tous appelés par Dieu et transformés dans le Christ et l’Esprit. Faire mémoire des saints lors de la liturgie est donc tout à fait légitime.
Dans les grandes villes où la population chrétienne était importante, comme à Rome et à Antioche, l’Église confia à des notaires le soin de garder ces récits. Lors de certaines persécutions, le nombre des martyrs fut si grand que seuls les plus connus restèrent dans les mémoires. Les autres étaient honorés à l’occasion d’une fête de Tous les Martyrs, attestée dès le Ve siècle.
La fête de Tous les Saints était célébrée le dimanche après la Pentecôte. Le 13 mai 610, le pape Boniface IV transforma en église le Panthéon de Rome qu’il dédia à Marie et aux Martyrs et fit de ce jour la fête de tous les saints. En 835, le pape Grégoire IV en fixa la date au 1er novembre. Cette célébration devint rapidement une solennité commune dans toute l’Europe latine. Les Églises orthodoxes ainsi que les Églises catholiques orientales de rite byzantin continuèrent cependant à célébrer le dimanche de Tous les Saints après la Pentecôte.
«La fête de tous les saints que nous faisons aujourd’hui mérite d’être célébrée avec toute dévotion, recommande saint Bernard de Clairvaux au XIIe siècle. En effet, si la fête de saint Pierre, de saint Étienne, ou de tout autre saint nous paraît grande, et l’est, en effet, combien plus grande doit être pour nous celle que nous faisons aujourd’hui, puisque au lieu d’être la fête d’un seul saint, elle est la fête de tous les saints.»
«Nous ne connaissons ni leur visage ni leur nom»
«Les saints ne constituent pas une caste restreinte d’élus, mais une foule innombrable, vers laquelle la liturgie nous invite à élever le regard, rappelait en écho en 2006 le pape Benoît XVI. Dans cette multitude, il n’y a pas seulement les saints officiellement reconnus, mais les baptisés de chaque époque et nation, qui se sont efforcés d’accomplir avec amour et fidélité la volonté divine. Nous ne connaissons pas le visage ni même le nom de la plupart d’entre eux, mais avec les yeux de la foi, nous les voyons resplendir, tels des astres emplis de gloire, dans le firmament de Dieu.»
Commentant le thème de l’espérance, dans son style de curé de campagne plus concret et plus imagé, le pape François expliquait le 25 octobre 2017: «Le paradis n’est pas un lieu de conte de fée, ni un jardin enchanté. Le paradis est le baiser de Dieu, Amour infini, et nous y entrons grâce à Jésus, qui est mort en croix pour nous. Là où il y a Jésus, il y a la miséricorde et le bonheur; sans Lui, il y a le froid et les ténèbres. A l’heure de la mort, le chrétien répète à Jésus: «Souviens-toi de moi». Et même si plus personne ne se souvenait de nous, Jésus est là, à nos côtés. Il veut nous emmener dans le lieu le plus beau qui existe. Il veut nous y emmener avec ce peu ou ce grand bien qu’il y a eu dans notre vie, afin que rien ne soit perdu de ce qu’il avait déjà racheté.» «Si nous croyons cela, la mort cesse de nous faire peur, et nous pouvons également espérer quitter ce monde sereinement, avec une grande confiance», conclut le pape.
Le passage de l’Évangile lu et médité lors de la messe de la Toussaint est le célèbre texte des Béatitudes (Matthieu, 5, 1-12a), qui propose des attitudes de sainteté: la confiance en Dieu, la pureté de cœur, la douceur, la quête de la justice et de la paix, la force dans l’épreuve. «Telle est donc la signification de la Toussaint en regardant l’exemple lumineux des saints, réveiller en nous le grand désir d’être comme les saints: heureux de vivre proches de Dieu, dans sa lumière, dans la grande famille des amis de Dieu, expliquait encore Benoît XVI. Etre saint signifie: vivre dans la proximité de Dieu, vivre dans sa famille. Et telle est notre vocation à tous.»
La célébration de Toussaint fut suivie localement d’un office des morts dès le IXe siècle. En 998, les moines de Cluny instituèrent une fête des trépassés le 2 novembre, qui entra dans la liturgie romaine comme commémoration des fidèles défunts au XIIIe siècle.
«Pensons à notre crépuscule lorsqu’il viendra»
Cependant, du fait qu’en de nombreux pays, le 1er novembre est un jour férié, l’usage s’est établi de commémorer les morts le jour de la Toussaint en se rendant notamment dans les cimetières décorés et fleuris pour l’occasion.
En 2013, lors de la célébration de la Toussaint au cimetière romain de Campo Verano, le pape François expliquait: «C’est aujourd’hui un jour de joie, mais d’une joie sereine, tranquille, de la joie de la paix. Pensons au crépuscule de tant de nos frères et sœurs qui nous ont précédés, pensons à notre crépuscule, lorsqu’il viendra. Et pensons à notre cœur et demandons-nous: ‘Où mon cœur est-il ancré ?’ S’il n’est pas bien ancré, ancrons-le là, sur ce rivage, en sachant que l’espérance ne déçoit pas, parce que le Seigneur Jésus ne déçoit pas.» (cath.ch/mp)
Cet article a été précédemment publié le 30 octobre 2019 sur cath.ch
Maurice Page
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