Le parlement ukrainien a adopté, en première lecture, une proposition de loi interdisant l’Église orthodoxe historiquement liée au Patriarcat de Moscou, ce dernier soutenant l’invasion russe de l’Ukraine, ont indiqué des députés.
«Pour vaincre l’agresseur (…), il faut priver la Russie de toute possibilité de nous nuire. C’est une décision historique», s’est félicitée sur Facebook la députée Inna Sovsoun. La proposition de loi a été approuvée par 267 élus, bien au-delà de la majorité requise de 226 voix.
Les orthodoxes d’Ukraine se réclament aujourd’hui de deux principales obédiences: l’Eglise orthodoxe ukrainienne historiquement liée au Patriarcat de Moscou et sa concurrente l’Eglise orthodoxe d’Ukraine (nationaliste NDLR), fondée après l’indépendance du pays et dont l’autocéphalie a été proclamée en 2019. Soutenue par les autorités ukrainiennes, elle n’a jamais été reconnue par le patriarcat de Moscou. Depuis l’indépendance du pays, de nombreux conflits ont opposé les deux Eglises orthodoxes concurrentes, chacune essayant de prendre à l’autre des fidèles et des paroisses. Selon certains observateurs, depuis le début de la guerre, l’Eglise autocéphale serait devenue majoritaire.
Dès le début de l’invasion russe, des voix se sont élevées en Ukraine pour bannir l’Eglise orthodoxe ukrainienne historiquement liée au patriarcat de Moscou. Même si dès le début du conflit, le métropolite Onuphre avait condamné fermement l’invasion russe comme le meurtre biblique d’Abel par son frère Caïn. Et qu’en mai 2022, l’Eglise orthodoxe ukrainienne avait voté son indépendance et son autonomie complète du Patriarcat de Moscou. Des démarches qui n’ont visiblement pas suffi à convaincre de sa fidélité à la nation ukrainienne.
En mars 2022 déjà, un premier projet d’interdiction avait été déposé au parlement ukrainien. Le texte justifiait ces mesures en qualifiant l’Eglise orthodoxe ukrainienne historiquement liée au Patriarcat de Moscou de «vaste structure de renseignement et de sabotage (…) qui a travaillé et continue de travailler en faveur de Poutine depuis de nombreuses années.»
Plus récemment, la controverse a porté sur le renvoi de la Laure de Kiev des moines de l’Eglise orthodoxe ukrainienne. Propriété de l’Etat ukrainien, ce site historique est soumis à une convention quant à son occupation. Les services de sécurité ukrainiens (SBU) accusent le métropolite Pavel, Abbé de la « Laure des Grottes » de Kiev, d’avoir justifié l’agression armée de la Fédération de Russie. Celui-ci a même été assigné à résidence pendant plusieurs mois puis incarcéré avant d’être libéré sous caution.
Le texte de loi actuel, dont la date de l’examen en deuxième lecture n’est pas connue, interdit toute activité d’«organisations religieuses» affiliées avec «le pays effectuant l’agression armée contre l’Ukraine».
L’Église orthodoxe ukrainienne visée a réagi dans un communiqué, dénonçant une entrave à la liberté religieuse, contraire à la Convention européenne des droits de l’Homme et à la Constitution de l’Ukraine. (cath.ch/cx/risu/mp)
Maurice Page
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