Au risque de divulgâcher l’intrigue, il me faut vous le résumer brièvement. Psychose met en scène Marion, une femme éperdument amoureuse. Alors qu’elle n’a rien d’une femme de mauvaise vie, celle-ci décide de dérober une grosse somme d’argent à son employeur et de rejoindre l’homme qu’elle aime passionnément.
Après ce vol, elle parcourt des kilomètres en voiture pour fuir loin de la ville où elle a commis son méfait. Fatiguée par la route et perturbée par son méfait, elle s’arrête pour passer la nuit dans un motel. Elle y est accueillie par Norman, un jeune réceptionniste à l’allure inquiétante. Avant d’aller se coucher, Marion passe dans la salle de bain et —scène devenue mythique — elle est alors assassinée dans sa douche par une main inconnue.
«Nos communautés ressemblent à ce sinistre motel quand leurs membres ne sont préoccupés que par des questions internes»
L’enquête menée sur cette disparition révélera que c’est Norman qui est coupable. Mais son mode opératoire a de quoi glacer le sang. Celui-ci —qui n’en est pas à son premier meurtre —se déguise, quand il commet ses crimes, pour prendre l’apparence de sa défunte mère. On voit d’ailleurs à d’autres moments du film, que, n’ayant jamais accepté la mort de sa mère, ce jeune homme continue à en habiller le squelette, à le porter partout dans la maison familiale. Il prend même la voix de sa mère quand il «dialogue» avec elle. Toute personne faisant irruption dans son motel du bord de la route présente pour lui une menace existentielle, le mettre devant une réalité qu’il refuse: sa mère est bel et bien morte. De fait, au lieu de remplir son rôle d’hôtelier, il assassine les clients qui ont le malheur de s’approcher trop près de ce constat qui lui est insupportable.
Quel rapport avec nos communautés chrétiennes? Je le concède, il n’a rien d’évident. Mais je ne peux m’empêcher de me demander si elles ne courent pas souvent le risque de ressembler au motel de Psychose. De fait, nos communautés ressemblent à ce sinistre motel quand leurs membres ne sont préoccupés que par des questions internes. Des questions qui n’intéressent qu’elles et les empêchent d’être à la hauteur de ce que des personnes de l’extérieur peuvent légitimement attendre d’elles.
«Nos communautés chrétiennes doivent savoir regarder ce qui meurt en elles parce que ce qui les fait vivre vient du Ressuscité»
Au lieu de recevoir ceux qui se présentent, ces communautés entraînent ces nouveaux venus au cœur des «histoires de famille» dans lesquelles elles sont embourbées et qui les empêchent de considérer le monde qui les entoure. Comme Norman et le corps de sa défunte mère, de telles communautés ne reconnaissent pas ce qui est mort en elles. Elles préférèrent consacrer leur énergie à vêtir et dévêtir les cadavres de structures, d’initiatives ou de manières de penser qui ont péri depuis longtemps plutôt que d’accueillir les personnes vivantes qui leur demandent l’hospitalité.
Surtout, elles regardent comme un danger existentiel quiconque pourrait potentiellement révéler la vacuité de leur activité. Dans le pire des cas, elles préférèrent assassiner ces voix venues du bord de la route. Ainsi ce qui est mort dans leurs maisons ne sera pas découvert. Comme le rappelle le pape François, nos communautés doivent être des hôpitaux de campagne. Elles doivent être des lieux où les pécheurs peuvent trouver un asile. Non pour poursuivre le chemin de leurs méfaits mais pour être accueillis, écoutés et finalement soignés, c’est-à-dire convertis.
Comme le rappelle le pape François, nos communautés peuvent être accidentées parce qu’elles sont allées avec trop de hardiesse à proximité de routes dangereuses. Mais ce qui les menace le plus n’est pas d’être accidentées, c’est d’être malades à force de s’enfermer dans une attitude autoréférentielle. Nos communautés chrétiennes doivent savoir regarder ce qui meurt en elles parce que ce qui les fait vivre vient du Ressuscité. Elles doivent continuer à être ces espaces réels d’accueil et de guérison. Ne les transformons pas en lieux renfermés et assassins, dignes de films d’horreur.
Jacques-Benoît Rauscher
18 octobre 2023
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