Une cinquantaine de scientifiques internationaux, des divers domaines de la science, des techniques , de la médecine, de la philosophie et de la théologie se sont réunis du 5 au 7 octobre 2023 à Sion pour une conférence interdisciplinaire consacrée à l’écologie intégrale selon Laudato si’.
Placée sous la présidence du Père Thierry Magnin, recteur délégué de l’Université catholique de Lille, la rencontre a exploré les voies et les moyens pour permettre à l’homme de vivre dans la dignité sur terre aujourd’hui et demain, dans le respect de son environnement.
La rencontre sédunoise, organisée dans la foulée des assemblées du Forum d’Engelberg, a concentré son focus sur deux domaines: énergie-environnement-climat et médecine, questionnés à la lumière de la philosophie et de la théologie et de l’encyclique du pape François Laudato si’.
Les intervenants des diverses disciplines ont tous convergé vers une des intuitions de base de Laudato si’ qui veut que la crise environnementale et la crise sociale sont liées et qu’elles appellent donc des réponses globales dans un monde qui a tendance à cloisonner les problèmes et les solutions.
Globalement, les solutions doivent tendre vers la ‘sobriété heureuse› prônée par le pape François, c’est-à-dire à revoir les modes de consommation et à renoncer, plus ou moins volontairement, au superflu.
Par exemple, renoncer ou pas à l’énergie nucléaire à évidemment un impact sur le climat, mais aussi des implications sociales, a illustré Michaël Plaschy responsable de la production nucléaire chez Alpiq et directeur de la centrale nucléaire de Gösgen.
Face à la nécessaire et urgente transition énergétique pour limiter le changement climatique, la tendance actuelle en Suisse est de prolonger la durée de vie des centrales nucléaires. Michaël Plaschy plaide pour une discussion ouverte sans idéologie et au-delà des guerres des filières, avec l’hydraulique, le solaire ou l’éolien. Selon lui les technologies nucléaires actuelles et futures permettent d’assurer une sécurité d’exploitation suffisante et une gestion des déchets satisfaisante. Mais ces questions ont évidemment un aspect économique social et politique. D’où un nécessaire arbitrage entre les acteurs.
Le domaine de la mobilité et des transports qui occasionne le tiers des émissions de gaz a effet de serre est une de ceux pour lesquels les arbitrages sont le plus délicats entre la liberté fondamentale d’aller et venir et les servitudes liées à la protection du climat et des populations, a relevé de son côté Remigio Ratti.
Pour l’ancien professeur de sciences politiques à Fribourg, Lausanne et Lugano et ancien parlementaire fédéral, la mobilité est une ›contrainte anthropologique’. Depuis l’époque romaine au moins, on peut considérer que l’homme consacre environ une heure et demi par jour à se déplacer. Cette constante est indépendante du moyen de transport utilisé.
La crise du covid 19 a restreint les déplacements, mais elle a montré aussi qu’il est possible de changer les comportements en acceptant des limites à la liberté individuelle. Il importe alors à l’autorité politique d’imposer des arbitrages tout en veillant à préserver la justice. La moblité exige en effet du temps et un bugdet. Si l’un ou les deux de ces éléments dépassent le point d’équilibre, la qualité de vie est fortement influencée. Comme le constate Laudato si pour les grandes villes. La mobilité est donc un facteur de régulation sociale. Urbanistes, planificateurs et autorités politiques doivent donc agir en tenant compte de critères environnementaux, sociaux et culturels dans une optique d’écologie intégrale.
Les jeunes qui se forment au métier d’ingénieur sont aujourd’hui beaucoup plus conscient des limites et de la nécessité du changement, constate Pierre Roduit professeur ingénierie à la HES-SO Valais. Beaucoup s’engagent individuellement pour la transition énergétique. Ils constatent aussi que la ›sobriété heureuse’ n’est pas une question technique mais surtout éthique. La sobriété est certainement vue beaucoup plus positivement par les jeunes que par les parlementaires fédéraux, relève Pierre Roduit.
Une dimension éthique développée par son collègue en travail social Tristan Toloum. Il plaide pour une durabilité forte qui tient compte à la fois du plancher social et des limites planétaires à ne pas dépasser. La justice climatique comporte de nombreux aspects. Elle est d’abord distributive dans le sens du partage équitable des ressources, mais aussi de la reconnaissance des droits du ‘non-humain’. Elle est également restaurative dans la sens de la réparation des dommages du passé. Elle doit être enfin procédurale dans le sens de processus de décisions démocratiques. Le risque principal aujourd’hui est de rester dans le déni mais aussi de sombrer dans le pessimisme avec l’idée qu’on ne peut rien faire. Pour Tristan Loloum ›sobriété heureuse’ rime avec ›tempérance solidaire’.
L’éclairage philosophique et théologique a été apporté par Hilaire Giron, de l’association des amis de Theilhard de Chardin. Même s’il ne connaît pas le mot écologie, le savant paléontologue jésuite du début du XXe siècle a une vision du monde et de son évolution très éclairante pour la situation actuelle. Il parle de complexité, de systèmes, de changements, d’adaptations autant de mots qui constituent le ‘cahier des charges’ de l’écologie.
Pour lui l’univers est un organisme unique en perpétuelle tension entre le conflit et la coopération, la guerre et la paix. En 1948, il met déjà en garde contre la tentation de ‘brûler toute nos réserves’. Theillard de Chardin reste néanmoins optimiste sur la capacité de l’homme à constamment développer ses capacités.
La deuxième session de la rencontre s’est concentrée sur les défis de l’évolution de la science et des techniques médicales. Là aussi dans le sens de l’écologie intégrale.
Enfin la dernière session, placée sous la présidence de Mariano Delgado, professeur de théologie de l’Université de Fribourg, a débattu sur le «dialogue interreligieux et écologie intégrale sur les traces de Laudato si‘ à l’heure de l’anthropocène’». (cath.ch/mp)
Maurice Page
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