En attribuant le Prix Nobel de la paix à Narges Mohammadi, le comité Nobel a voulu saluer le combat «contre l’oppression des femmes en Iran et pour la promotion des droits humains et de la liberté pour tous». Il a aussi envoyé un message aux autorités iraniennes, estiment des observateurs: la répression des voix critiques ne restera pas sans réponse.
La présidente du comité Nobel norvégien a commencé son discours en prononçant en farsi les mots Femme, vie, liberté, l’un des slogans des manifestations pacifiques contre le gouvernement iranien, avant de saluer une «combattante de la liberté».
Journaliste et militante des droits humains, vice-présidente du Defenders of Human Rights Center dirigé par Shirin Ebadi, Narges Mohammadi, 51 ans, a été arrêtée treize fois depuis 1998 et reconnue cinq fois coupable en raison de son engagement politique. Condamnée à plusieurs peines de prison, elle a été à nouveau arrêtée en 2021 et doit encore être jugée prochainement pour de nouveaux chefs d’inculpation. Pour l’association Reporters sans frontières, elle est victime d’un «véritable harcèlement judiciaire».
C’est donc derrière les barreaux qu’elle a reçu l’annonce de son prix. La lauréate avait quand même préparé un message, dicté à sa sœur depuis sa cellule au cas où elle recevrait le prix. Il a été dévoilé par Libération.
«Je n’arrêterai jamais de lutter pour l’instauration de la démocratie, de la liberté et de l’égalité. Il est certain que le prix Nobel de la paix va me rendre plus résistante, plus déterminée, plus optimiste et plus enthousiaste sur cette voie, et il va accélérer mon pas. Je resterai en Iran, je continuerai ma lutte civique pour les opprimés et contre nos institutions répressives, même si je dois passer le reste de ma vie en prison. Aux côtés de toutes les mères courageuses d’Iran, je continuerai à me battre contre les incessantes discriminations, tyrannies et oppressions sexistes par ce gouvernement religieux répressif jusqu’à la libération des femmes.»
«Je resterai en Iran, je continuerai ma lutte civique pour les opprimés et contre nos institutions répressives, même si je dois passer le reste de ma vie en prison»
Narges Mohammadi
Même depuis sa cellule, la journaliste poursuit en effet son combat. Elle a condamné la répression sanglante des autorités contre les manifestations nationales, demandé l’abolition de la peine de mort et l’interdiction de l’isolement cellulaire, et dénoncé les violences sexuelles commises à l’encontre des manifestantes en détention.
Pour Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International, «Nargès est un exemple emblématique de ce que subissent les voix critiques. Les autorités iraniennes l’ont soumise à des années de violations des droits humains, y compris la torture, les menaces de mort et le refus d’accès à des soins médicaux spécialisés. Elles l’ont même empêchée de voir ses deux enfants. Malgré l’énorme coût personnel subi, les tentatives incessantes de la réduire au silence et la perspective d’une vie derrière les barreaux, Narges Mohammadi continue à appeler au changement, non seulement pour elle, mais aussi pour toutes les femmes, tous les hommes et tous les enfants d’Iran.» (cath.ch/ag/amnesty international/lb)
Lucienne Bittar
Portail catholique suisse
https://www.cath.ch/newsf/liranienne-narges-mohammadi-recoit-le-prix-nobel-de-la-paix-2023/