En réponse aux cinq questions posées le 10 juillet par ces cardinaux – Walter Brandmüller, Raymond Burke, Juan Sandoval Íñiguez, Robert Sarah et Joseph Zen –, le pape a réagi dès le lendemain par une argumentation en huit pages, rédigée en espagnol. Les cardinaux critiques, insatisfaits de cette lettre alors privée, ont décidé d’adresser un nouveau courrier au pape le 21 août pour demander une réponse «par ‘oui’ ou par ‘non’» à chacune de leurs cinq questions. La réponse du 11 juillet, désormais publique, constitue néanmoins «la réponse officielle» et définitive à ces interpellations, indique une source vaticane à l’agence I.MEDIA.
«Bien qu’il ne me paraisse pas toujours prudent de répondre aux questions dirigées directement à ma personne, et qu’il serait impossible de répondre à toutes, dans ce cas il me paraît important de le faire, étant donné la proximité du Synode», écrit le pape en préambule de ce message adressé à ses «chers frères».
Interrogé sur la question des unions homosexuelles, le pape François martèle que «l’Église a une conception très claire sur le mariage: une union exclusive, stable et indissoluble entre un homme et une femme, naturellement ouverte à engendrer des enfants». Dans cette perspective, «l’Église évite tout type de rite» concernant des couples en situation irrégulière, qui risquerait de «contredire cette conviction», précise-t-il.
Le pape explique que des formules de bénédiction des personnes, motivées par la «charité pastorale» et exprimant une demande d’assistance à Dieu, ne «doivent pas nécessairement se convertir en une norme». «Il n’est pas convenable qu’un diocèse, une conférence épiscopale ou toute autre structure ecclésiale habilitent constamment et de façon officielle des procédures ou des rites pour tout type de situations», insiste le pape. Il marque ainsi une ligne de démarcation très ferme par rapport à certaines revendications du Chemin synodal allemand.
François laisse toutefois la porte ouverte à des «formes de bénédiction» pour des couples homosexuels, à condition qu’elles s’accompagnent de «prudence pastorale» et ne transmettent pas «une conception équivoque du mariage».
Tout en reconnaissant que certaines situations auxquelles les pasteurs sont confrontés «ne sont pas moralement acceptables d’un point de vue objectif», François s’appuie sur l’exhortation apostolique de Jean Paul II Reconciliatio et Pænitentia (1984) pour expliquer que «la culpabilité ou la responsabilité» de certaines personnes peuvent être atténuées «par différents facteurs qui influent sur la responsabilité subjective».
En réponse à la première question des cardinaux sur la «nouvelle vision anthropologique» qui orienterait le Synode, le pape revendique la nécessité de «réinterpréter» la Révélation divine dans le sens de «mieux interpréter». «Les changements culturels et les nouveaux défis de l’histoire ne modifient pas la Révélation, mais peuvent nous stimuler pour mieux expliciter certains aspects de sa débordante richesse», assure François.
«Il est certain que le Magistère n’est pas supérieur à la Parole de Dieu, mais il est aussi vrai que tant les textes des Écritures que les témoins de la Tradition ont besoin d’une interprétation qui permette de distinguer leur substance pérenne des conditionnements culturels», précise le pontife. Il remarque notamment que la tolérance de l’esclavage manifestée par le pape Nicolas V dans sa bulle Dum Diversas de 1452 n’est plus audible aujourd’hui, tout comme ce passage du 21e chapitre du Livre de l’Exode, aux versets 20 et 21: «Si quelqu’un frappe avec un bâton et fait mourir de sa main son serviteur ou sa servante, la victime devra être vengée. Mais si elle survit un jour ou deux, elle ne sera pas vengée, car elle a été achetée avec l’argent du maître.»
Le pape remarque aussi que certains propos de saint Paul sur les femmes «nécessitent une interprétation». Face à toute cette complexité, «l’Église doit discerner constamment entre ce qui est essentiel pour le Salut et ce qui est secondaire», selon une «hiérarchie de vérités» qui peut mener à «différentes façons d’exprimer une même doctrine». «Chaque ligne théologique a ses risques mais aussi ses opportunités», assure le pape François.
Le pape reconnaît la légitimité des diverses expressions dans le Synode – y compris donc, ici, des expressions de scepticisme – mais il refuse de mettre en place une méthodologie qui amènerait à «congeler» ce processus en «ignorant les différentes caractéristiques des Églises particulières distinctes et la richesse variée de l’Église universelle».
Le pape revient aussi sur l’impossibilité d’octroyer l’ordination sacerdotale aux femmes établie par Jean Paul II dans les années 1990. Cette position de son prédécesseur était une «déclaration définitive», mais n’a pas de caractère «dogmatique», rappelle François. Elle ne peut pas être «contredite publiquement», mais peut faire «l’objet d’études», assure-t-il. Il met notamment en avant la complémentarité et non l’infériorité du «sacerdoce commun» des fidèles par rapport au «sacerdoce ministériel» des prêtres.
S’appuyant sur la lettre apostolique de Jean Paul II Mulieris Dignitatem (1988), François rappelle que la vision du pape polonais sur la fonction sacerdotale est «totalement ordonnée à la sainteté des membres du Christ», et ne se situe pas dans une logique de domination de l’homme sur la femme.
Concernant la validité du sacrement de réconciliation, le pape reconnaît que «le repentir est une condition nécessaire pour la validité de l’absolution sacramentelle, et implique la résolution de ne plus pécher.» Mais il rappelle que les confesseurs doivent faire preuve de souplesse, en tenant compte du fait que «se rapprocher de la confession est une expression symbolique de repentir et de recherche de l’aide divine.»
Les conditions théoriques de la validité de la confession «ne sont pas applicables quand la personne est en situation d’agonie, ou avec des capacités mentales ou psychiques très limitées», précise François.
En 2016 déjà, quatre cardinaux – Walter Brandmüller, Raymond Burke, Carlo Caffarra et Joachim Meisner – avaient rendu publique une lettre adressée au pape François dans laquelle ils formulaient leurs doutes quant à l’interprétation de l’exhortation apostolique Amoris laetitia sur la famille. Ils souhaitaient notamment savoir si une personne divorcée et remariée civilement pouvait recevoir la communion. Le pape François n’a jamais répondu à ces questions. Les cardinaux Caffara et Meisner sont aujourd’hui décédés.
On retrouve encore parmi les cinq cardinaux qui formulent ces nouveaux doutes le cardinal allemand Walter Brandmüller (94 ans) et le cardinal américain Raymond Burke (75 ans), vif critique du processus synodal en cours. Le cardinal guinéen Robert Sarah (78 ans) et l’ancien évêque de Hong Kong Joseph Zen (91 ans) signent également la lettre, aux côtés du cardinal Juan Sandoval Íñiguez (90 ans), ancien archevêque de Guadalajara, au Mexique. (cath.ch/imedia/cv/rz)
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