Myriam Bettens pour cath.ch
La journée d’ateliers en lien avec la thèse de Catherine Ulrich-Tapparel sur l’identité humaine et spirituelle de l’enfant a fait salle comble le 28 septembre 2023, au Centre Œcuménique de Catéchèse (COEC) de Genève. Le signe d’une volonté de réfléchir à une catéchèse plus en harmonie avec le développement de l’enfant.
«Ce n’est qu’à partir de 1989 et la Convention relative aux droits de l’enfant que l’on a commencé à s’intéresser à leurs droits. Il faut encore patienter jusqu’aux années 2000-2010 pour constater une ébauche de réflexion sur l’identité humaine et spirituelle de l’enfant. Auparavant cela n’intéressait personne», avance l’oratrice.
«Avec tout ce que nous avons entendu sur les abus dernièrement, dans notre Église et ailleurs, on se rend compte que dans les années 1950, cela ne nous semblait pas si grave d’abuser d’eux», poursuit-elle pour signifier à son auditoire que la prise en compte de l’intégrité de l’enfant n’allait absolument pas de soi encore récemment.
Engagée depuis 2001 pour la coordination de la catéchèse au sein de l’ECR, Catherine Ulrich-Tapparel peut se prévaloir d’une grande expérience. Qu’elle a souhaité théoriser dans une thèse réalisée sur «son temps libre» et soutenue à l’Université de Fribourg en avril 2023.
La Docteure ès Lettres en études religieuses a procédé en deux temps. Premièrement par une recherche interdisciplinaire approfondie de ce qui constitue «l’authentique identité humaine et spirituelle de l’enfant» et dont elle dégage six dimensions intrinsèques.
«L’enfant est un être de relation, de désir, fondamentalement en devenir, confronté à l’inquiétude fondamentale, ouvert au monde et pour terminer, sensible au mystère de la Transcendance». Elle note encore que ces dimensions peuvent être reliées aux caractéristiques de la spiritualité, bien qu’il n’en existe aucune définition unanime. «Ce qu’il ressort toutefois dans toutes ces définitions demeure le besoin de relations, le désir de vivre, la recherche de valeurs et de bien-être», déclare-t-elle tout en indiquant que «la recherche de bien-être a été utilisée pour analyser les résultats de mon enquête».
Catherine Ulrich-Tapparel a mené ensuite une enquête de terrain qui l’a conduite dans toute la Suisse Romande. La chercheuse s’est focalisée sur huit groupes à Genève, dans le canton de Vaud, du Valais et du Jura. En ce qui concerne «Fribourg, la catéchèse faisant partie du programme scolaire, il n’était pas possible de comparer avec les propositions des autres cantons. Quant à Neuchâtel, le service de catéchèse était en pleine restructuration».
Elle a observé les séances de catéchèse afin de pouvoir interroger les enfants «sur ce qu’ils avaient vraiment vécu lors de la catéchèse». Accueil, disposition de la salle, moments de silence ou encore enseignement, tous les aspects des séances sont passés en revue.
L’enquête repose en grande partie sur les peluches emojis«, explique-t-elle, en se saisissant d’une petite boule de poils jaune souriante avec des yeux en forme de cœurs. «Pour permettre aux enfants de s’exprimer librement, ils pouvaient montrer les émoticônes décrivant leur état émotionnel» selon l’expression de chaque peluche. Content, content normal, surpris, hésitant, sont quelques exemples des attributs donnés aux peluches par les enfants. Et les réponses des bambins n’ont pas manqué de la surprendre. «Les enfants ont très fréquemment évoqués leurs amis, alors que je posais une toute autre question». Elle ne s’attendait, entre autres, pas du tout à ce que ses jeunes interlocuteurs lui disent «éprouver de la joie ou qu’ils se sentaient protégés», ni même qu’ils appréciaient les temps d’enseignement. « J’ai toujours pensé qu’il fallait laisser les enfants trouver par eux-mêmes », alors qu’à « ma grande stupéfaction », ils apprécient particulièrement ces moments. Elle relève encore qu’en faisant une récollection des mots utilisés lors de ces entretiens, «tous les fruits de l’Esprit ont été évoqués» par les enfants.
«Nous devons nous laisser «déplacer» par les enfants sans projeter sur eux notre propre vision des choses», affirme-t-elle encore aux catéchises présents, raison pour laquelle elle prône une catéchèse dans le style de l’accompagnement. «La psychologie développementale et les nouvelles recherches intégratives remettent en question tout ce que nous pensions au sujet de l’enfant. Il apprend bien plus rapidement que supposé et il possède une force intrinsèque doublée d’un potentiel de développement inné».
Les catéchises présents on été invité à partager leurs impressions et expériences de terrain à partir de quelques extraits du corpus de réponses obtenues lors des entretiens. Entre un Fantin «content parce qu’on va un peu parler de la religion et de la vie» et le nombre d’autres enfants soulignant l’importance du silence, les participants ne cachent pas leur surprise. Une catéchiste notera d’ailleurs l’importance de «laisser venir» ce qui germe dans l’intériorité des enfants et confirme le constat de Catherine Ulrich-Tapparel sur l’importance de réfléchir à la manière d’accompagner au mieux leur spiritualité. (cath.ch/myb/mp)
Une enquête à lire
La thèse condensée de Catherine Ulrich-Tapparel sera disponible en décembre prochain sous le titre : Une catéchèse dans le style de l’accompagnement. Soutenir l’authentique identité humaine et spirituelle de l’enfant. Schwabe Verlag. Praktische Théologie im Dialog/Théologie pratique en dialogue (PTD). Collection dirigée par François-Xavier Amherdt et Salvatore Loiero. »À l’heure où la dimension spirituelle de l’enfant intéresse de plus en plus les sciences humaines, cette thèse pose la question du rôle de la catéchèse dans l’accompagnement spirituel des enfants. Dans une première partie fondée sur la recherche interdisciplinaire, psychologique et théologique, Catherine Ulrich-Tapparel propose de retenir six dimensions intrinsèques de l’identité humaine et spirituelle de l’enfant. Dans la seconde partie, elle présente une large enquête, menée en Suisse romande, prenant en compte les enfants eux-mêmes comme co-chercheurs. En conclusion, l’autrice établit des principes fondamentaux à mettre en œuvre pour une catéchèse dans le style de l’accompagnement.»
Rédaction
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