L’Église catholique au pilori des médias

12 septembre 2023. Un tsunami s’est déchaîné sur l’Église catholique en Suisse. Les abus sexuels perpétrés en son sein ont été dévoilés. Commandé par les évêques eux-mêmes, ce rapport a fait l’effet d’une bombe. Il n’apprenait pourtant guère de nouveauté: les horreurs étaient connues. Leur ampleur devinée. Pourquoi donc tant de surprise, comme si on ignorait tout?

Michel Salamolard, prêtre dans le diocèse de Sion

Les chiffres indiqués le 12 septembre n’ont rien d’étonnant, même s’ils font trembler. Ils sont largement en-dessous des estimations d’un autre rapport, celui de la CIASE (Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église) publié en 2021 pour la France. Sans doute aussi en-dessous du nombre total d’abus sexuels commis dans la société en général durant la période étudiée par l’Université de Zurich (1950-2022), sur mandat des évêques.

Les médias devaient savoir aussi ce que l’Église catholique a déjà entrepris, depuis des années, afin de reconnaître ses fautes et de les corriger. Non seulement en Suisse ou en France, mais au plan mondial et au plus haut niveau. Le pape Benoît XVI a déclenché un mouvement de réforme interne, que son successeur François poursuit avec détermination.

«L’Église catholique est la seule institution au monde qui prend l’initiative d’enquêtes dont elle sait d’avance qu’elles ne seront pas à son honneur»

Les évêques suisses ont fait assaut, pour leur part, de paroles et de gestes d’aveu, de repentance et de réparation – dans la mesure où cette dernière est possible (elle n’est jamais totale ni suffisante). La récente décision des évêques, le financement de la fameuse enquête en cours, prouve la prise de conscience et de responsabilité des prélats. Ils méritaient mieux que les accusations, les réprimandes et les injonctions dont les ont gratifiés tant de donneurs de leçon bien intentionnés.

L’Église catholique est la seule institution au monde qui prend l’initiative d’enquêtes dont elle sait d’avance qu’elles ne seront pas à son honneur. Aucune autre institution ne fait cela, même sous la pression de victimes. Ce choix de transparence et d’autocritique de la part de l’Église catholique aurait dû être salué. D’autant plus que l’enquête (financée par l’Église) se poursuivra encore trois ans.  

L’Église catholique pourrait servir de miroir et de laboratoire à la société, plutôt que d’être traitée en bouc émissaire. La terrible banalité du mal rode partout, dans l’Église et dans l’humanité. Un effort permanent de tous est indispensable pour venir à bout des cancers qui rongent nos sociétés.

S’il est une chose à espérer maintenant, c’est l’engagement conjugué de la société et de l’Église pour mieux comprendre la pulsion sexuelle humaine, avec sa sauvagerie possible, notamment chez les mâles. Quelle culture et quel sens donner à cet élan qui entraîne et parfois submerge le corps, le cœur et l’esprit? Quelle morale commune faut-il tenter d’élaborer et mettre en œuvre?

Enfin, last but not least, quel niveau de vérité et de qualité sommes-nous en droit d’attendre des médias dans la présentation et l’analyse des faits touchant le sexe et ses errances?

21 septembre 2023

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