«Déifier le marché conduit à la déshumanisation en oubliant les plus faibles. Si l’on ne réveille que les lions, il est logique qu’ils mangent les agneaux les plus démunis», ont rappelé les prêtres travaillant dans les quartiers pauvres de la capitale argentine, rapporte Vatican News. Les ecclésiastiques était accompagnés, devant la paroisse Notre-Dame des Miracles de Caacupé, dans le quartier de Barracas, de plusieurs syndicalistes, de quelques ministres du gouvernement de centre gauche, et du Prix Nobel de la Paix argentin Adolfo Perez Esquivel.
Les prêtres des ‘villas’ ont en particulier dénoncé l’absence de l’État dans les quartiers démunis, dont découlent de «terribles conséquences». Ils ont notamment rappelé l’époque où un jeune était enterré chaque semaine à cause de l’exclusion, du manque d’opportunités économiques et de la circulation incontrôlée des armes à feu.
José María Pepe Di Paola, qui travaille dans les quartiers pauvres depuis plus de vingt ans, s’est également exprimé lors de la célébration. L’homme connaît Jorge Mario Bergoglio depuis l’époque où il était archevêque de Buenos Aires et arpentait les quartiers populaires. Cité par le quotidien espagnol El Pais, il a rappelé comment la crise politique, économique et sociale de 2001 avait été vécue dans les bidonvilles: «La paroisse, le centre de santé et quelques soupes populaires étaient les seules présences qui nous permettaient de nous organiser. Nous nous débrouillions, mais nous n’avions rien. Aujourd’hui, il y a des écoles, il y a une allocation universelle [par enfant], les gens se regroupent en coopératives pour pouvoir travailler…(…) Lorsque l’État est intelligent et présent dans un quartier et qu’il agit avec les organisations populaires, il est possible de transformer une réalité.»
Une donne qui pourrait toutefois changer en cas de victoire à la prochaine élection présidentielle du candidat Javier Milei. Cet économiste ultralibéral a été crédité de 30% des voix lors des primaires du 13 août dernier, ce qui le place dans une situation favorable pour la course à la tête de l’Etat, le 22 octobre prochain.
Javier Milei entend appliquer un agenda de désinvestissement tous azimuts de l’Etat, promettant notamment de supprimer les ministères de la culture, de l’éducation et du travail. Il s’est aussi frontalement opposé au pape François, en particulier sur son option pour la justice sociale, n’hésitant pas à l’insulter. Le politicien a notamment traité le pontife de «fils de p* gauchiste» et «d’imbécile», assurant qu’il était «le représentant du mal dans la maison de Dieu».
Les prêtres des quartiers populaires de Buenos Aires et de sa région métropolitaine ont ainsi organisé cet événement pour exprimer leur «rejet le plus énergique» des «agressions vulgaires» et des «concepts mensongers» que Javier Milei a lancés contre le pape, ont-ils expliqué dans un communiqué publié le même jour que la messe. Les organisateurs avaient reconnu quelques jours auparavant qu’il était inhabituel pour l’Église de s’élever contre les critiques à l’encontre du pontife. Les 70 prêtres de toute l’Argentine ont cependant estimé que la situation l’exigeait. «On peut se demander si une personne (…) qui ne peut pas rencontrer ceux qui pensent différemment d’elle sans vociférer et prononcer des insultes peut supporter les tensions de la fonction publique», interroge le communiqué.
«Toute l’Eglise se lève pour dire au pape qu’elle l’aime», a finalement scandé la foule dans le quartier de Barracas. (cath.ch/elpais/vaticannews/rz)
Raphaël Zbinden
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