La venue du pape François en Mongolie est «un signe d’espérance pour les catholiques mongols, qui peuvent se sentir comme une minorité dans leur propre pays», surtout face aux succès que rencontre le protestantisme, se réjouit la religieuse belge Lieve Stragier. Elle est supérieure générale la Congrégation du Cœur Immaculé de Marie (ICM), et a passé quinze ans en Mongolie. «Même s’ils sont petits, même si leur communauté est très jeune, ces personnes ont été baptisées pour beaucoup ces dernières années et sont contentes de savoir qu’on les prend en compte et qu’elles font partie de la communauté catholique», souligne-t-elle.
La visite du pape doit permettre de «faire sentir l’amour de Dieu» à l’ensemble du peuple mongol, estime pour sa part le Père Mathieu Ndjoek, prêtre camerounais de la Congrégation du Cœur Immaculé de Marie, qui a vécu dix ans en Mongolie (2008-2018) et doit y retourner prochainement. Le pontife, considère-t-il, sera aussi là pour apporter un message de soutien «inestimable» aux pasteurs de Mongolie.
Historiquement, la Mongolie est un territoire de mission qui doit beaucoup à l’Église catholique en Belgique : la présence de missionnaires belges dans cette région a été initiée dans la seconde moitié du XIXe siècle par le Père Théophile Verbist (1823-1868). Ce prêtre du quartier de Scheut, à Anderlecht, décida en 1862 de lancer une congrégation de prêtres séculiers missionnaires ayant pour vocation de se rendre dans le nord de la Chine, la Congrégation du Cœur Immaculé de Marie (CICM) – surnommés les «scheutistes».
Le Père Matthieu Ndjoek fait partie de cette famille religieuse – 598 membres aujourd’hui – qui est répartie dans une vingtaine de pays autour du globe, notamment en RDC, au Brésil, au Mexique ou en Indonésie. Né au Cameroun dans une famille pratiquant les religions traditionnelles, il se souvient comment le contact avec les frères scheutistes de son village l’avait convaincu de devenir chrétien puis de s’engager lui aussi pour la mission – l’emmenant en Mongolie, aux origines de son ordre.
À leur début en Chine, les premiers scheutistes avaient en effet été envoyés dans le vicariat de «Tartarie», comme on appelait alors la grande étendue au nord-ouest de la Chine. Ce gigantesque territoire ecclésiastique était confié aux missionnaires lazaristes depuis le XVIIe siècle – par exemple le père Évariste Huc (1813-1860), célèbre aventurier ayant visité le Tibet – mais ces derniers avaient besoin de renfort. Comme les lazaristes, les scheutistes orientèrent leur mission vers le vaste territoire de Mongolie intérieure – chinoise – où le père Verbist mourut en 1868, ayant contracté le typhus.
679 membres de son ordre sont allés, à sa suite, évangéliser la Chine malgré l’hostilité du climat ou des populations. Entre 1899 et 1901, lors de la révolte des Boxers, nombre de scheutistes moururent en martyrs dans cette difficile terre de mission.
Au début du XXe siècle, les scheutistes présents en Chine se tournent vers la Mongolie extérieure – l’actuelle Mongolie et s’y installent – mais trop tard. La révolution soviétique gagne le pays, qui devient une république socialiste et athée en 1924 et interdit la présence de missionnaires. Les missionnaires belges restent en Mongolie extérieure jusqu’à la révolution chinoise (1945-1949), période pendant laquelle onze missionnaires connaissent le martyre, alors que tous les autres sont expulsés.
En 1992, quand le régime communiste chute, trois prêtres scheutistes sont chargés de reprendre le travail de leurs prédécesseurs. Parmi eux, le Philippin Wenceslao Selga Padilla deviendra le premier évêque de la préfecture apostolique d’Oulan-Bator en 2002. Ces pionniers appellent en renfort des disciples d’une autre grande personnalité missionnaire belge, mère Marie-Louise de Meester (1857-1928). Trois religieuses de sa congrégation, les Sœurs missionnaires du Cœur immaculé de Marie (506 membres en 2022), connues aussi comme les ›religieuses De Jacht’ – nom de leur maison-mère près de Louvain –, sont ainsi arrivées à Oulan-Bator en 1995.
«Je suis descendu de l’avion et je n’ai vu… rien du tout!», se remémore Sœur Lieve Stragier, qui était une des trois religieuses, évoquant le faible développement du pays et de sa capitale à l’époque. La Mongolie était alors très pauvre, et sortait de longues années d’athéisme, mais la religieuse se souvient d’avoir aussi immédiatement eu ce sentiment: «Dieu a déjà été ici».
Les Mongols «étaient en recherche d’un sens, afin de remplacer quelque chose qu’on leur avait enlevé pendant les années communistes», explique sœur Lieve. Elle se rappelle que dans ses premières années, la mission était surtout là pour les expatriés. Cependant, ces derniers «venaient à la messe avec leur conducteur» mongol, et cette présence catholique a vite suscité de la curiosité, notamment parmi les jeunes. «Il y avait une fascination pour tout ce qui était occidental», explique la religieuse flamande.
Les premières années, les missionnaires ont d’abord attendu de maîtriser la langue, puis se sont mis à chercher comment ils pouvaient servir la population mongole dans leur vie quotidienne. «Nous devions apprendre à vivre comme une communauté, c’était notre priorité», raconte sœur Lieve.
Elle s’est donc occupée des enfants des rues qui vivaient alors dans les canalisations d’Oulan-Bator – «le seul endroit où il faisait chaud pendant l’hiver». Elle a travaillé dans le premier centre pour enfants handicapés mentaux du pays et a ouvert un centre communautaire dans la banlieue de la capitale.
Autour de ces activités, des moments d’évangélisation ont pu naître, notamment lors des sessions de «Bible sharing», échanges «très pratiques» organisés pour les adultes autour des textes bibliques. Peu à peu, la petite communauté a grandi. Lieve Strieger se rappelle avec une tendresse toute particulière du jour où, pour la crèche vivante de Noël, la poupée du petit Jésus a été remplacée pour la première fois par un petit Mongol, enfant d’un couple de convertis.
Le Père Mathieu Ndjoek, qui a habité en Mongolie de 2008 à 2018, s’est occupé principalement du centre pour les enfants abandonnés d’Oulan-Bator, fondé par ses prédécesseurs scheutistes dès 1995. Même s’il a dû affronter des moments difficiles, par exemple des préjugés sur ses origines africaines, il a été sensible au «grand sens de l’accueil des Mongols», surtout en dehors des villes.
Comme sœur Lieve Stragier, le prêtre camerounais considère que la mission «n’avance pas comme on l’aurait souhaité», mais il estime qu’il y a beaucoup de signaux très positifs dans cette toute petite communauté. Notamment le fait, note-t-il, que le «Père Giorgio» – Giorgio Marengo – un prêtre italien faisant partie des missionnaires en Mongolie, soit devenu, à la surprise générale, le premier cardinal du pays en 2022. (cath.ch/imedia/cd/bh)
Les missionnaires en Mongolie
Les ordres masculins:
-Les Scheutistes (CICM)
-Les Missionnaires de la Consolata
-Les Salésiens
Les ordres féminins:
-Missionnaires de la Charité
-Sœurs missionnaires du Cœur immaculé de Marie (ICM)
-Sœurs de Saint Paul de Chartres
-Sœurs missionnaires de la Consolata
-Salésiennes (Marie Auxiliatrice)
-Congrégation de la Charité du Saint-Sacrement (Corée du Sud)
Autres:
-ProMisja (laïcs de Pologne)
-Prêtres fidei donum
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