Arrivé de bon matin à la gare de Baulmes, il faut ascensionner toute la petite bourgade pour atteindre le temple, qui surplombe la localité. Le cadre est magnifique. De là, au pied du Jura, la vue offre une étendue de l’est, sur la fin du lac de Neuchâtel, à l’ouest, sur la Plaine de l’Orbe et au sud, les Alpes. Entourée par le cimetière de la commune, l’église est aménagée pour le culte de l’Église évangélique réformée du canton de Vaud.
En semaine, elle est malheureusement fermée pour éviter les actes de vandalisme, ce qui n’arrange pas le recueillement spontané des pèlerins de la «Via Cluny». Toutefois, pour celles et ceux qui souhaitent vraiment entrer, un coup de fil à la commune ou à la paroisse permet d’obtenir une visite dans le quart d’heure. Pour ma part, c’est le sacristain du lieu qui m’a ouvert les portes et donné quelques renseignements sur l’église.
Beaucoup de mystères persistent sur l’histoire de ce qui fut le prieuré clunisien de Baulmes, attaché à celui de Payerne à la fin du premier millénaire. A partir de la mention d’une église en bois en 627, les chercheurs supposent que les moines se trouvaient à l’emplacement de la cure actuelle, à une centaine de mètre de l’église, reconnaissable à ses volets rayés aux couleurs vaudoises. Et le temple actuel serait l’emplacement d’une deuxième église, construite du temps du prieuré, au 11e siècle, dédiée à l’office des paroissiens.
Malgré de grandes transformations au 19e siècle, l’église a gardé son clocher avec fenêtres gothiques, et son arc en ogive par lequel on pénètre dans l’édifice. «Et derrière l’église, vous pouvez également apercevoir deux fenêtres de style roman, qui sont vraisemblablement d’origine», m’indique Philippe Blanc, le sacristain du lieu. Une curiosité: l’orgue Walcker, de 1871, est l’un des plus anciens du canton de Vaud et donne lieu à des concerts occasionnels.
Me voilà en partance de Baulmes pour Montcherand. Deux itinéraires «Via Cluny» sont proposés. Comme la température commence à grimper, je choisis la voie forestière, via Six-Fontaines, L’Abergement et la forêt de Chassagnes.
Après quelques pas, un petit yorkshire m’aboie dessus. Le chiot s’était échappé de chez ses maîtres, qui s’empressent de le ramener à la maison en s’excusant. Pas de quoi paniquer, mais je me demande tout de même s’il ne serait pas opportun de me munir d’un bâton de pèlerin. J’y renonce finalement pour garder une main sur l’appareil photo et l’autre pour consulter ma carte topographique.
Quelques gouttes de pluie tombent par instants. En cette matinée d’août, les forêts sont calmes. Même les oiseaux ne semblent pas vouloir donner de grands concerts. De temps à autre, le silence est interrompu par le bruit de sciage des bûcherons et de quelques véhicules lointains.
J’arrive peu avant midi à Montcherand, accueilli par le son de cloches de son église, qui date du 11e siècle et qui fut placée sous la dépendance du prieuré de Baulmes. Cette église a acquis une grande renommée artistique lorsqu’en 1902 sont découvertes des fresques parmi les plus anciennes de Romandie. «Le trésor que contenait cette église a été, pour ainsi dire, ignoré jusqu’au 20e siècle», m’avait expliqué Jean-François Tosetti, fondateur de l’Association pour l’église romane de Montcherand, à l’occasion d’une visite antérieure.
De Montcherand, proche croisement des Via Jacobi et Via Francigena, je m’engouffre dans les Gorges de l’Orbe, que je traverserai au niveau du petit pont bleu, avant de remonter la rive droite. A la sortie des Bois de Fives, la chaleur de la plaine en direction de Croy se fait sentir. Je ne suis pas mécontent de traverser rapidement Bretonnière pour me réfugier dans les Bois de Forel, dernière étape rafraîchissante avant de redescendre sur Romainmôtier et son abbatiale.
Sur place, je rencontre Michel Gaudard, spécialiste des vestiges clunisiens, qui me propose une petite visite guidée du site abbatial, en commençant par la salle d’exposition des maquettes de l’évolution de Romainmôtier: du premier monastère de Saint-Romain, en 450, et des différentes étapes architecturales de prieurés successifs, inspiré de «Cluny II», jusqu’à l’invasion bernoise et le passage à la Réforme.
On s’arrête un moment dans la chapelle St-Michel, érigée au-dessus du narthex, avant d’entrer dans l’église abbatiale, dont les structures, les voûtes et la nef rappellent que Romainmôtier offre aujourd’hui encore un rare exemplaire d’édifice entièrement clunisien.
Après la visite, je me détends sur la terrasse de la Maison du Prieur, dans l’enceinte de l’abbatiale, en dégustant une petite bière artisanale, brassée sur place. Laissant un instant les ‘vieilles pierres’ de côté, je rêvasse sur la tradition de ce breuvage que les moines et les abbayes ont perpétuée à travers les âges. Mais trêve de rêveries… le bus est déjà là, prêt à me redescendre à la gare de Croy, d’où un prochain train va me ramener chez moi. (cath.ch/gr)
Grégory Roth
Portail catholique suisse
https://www.cath.ch/newsf/via-cluny-de-baulmes-tous-les-chemins-menent-a-romainmotier-6-6/