Raphaël Zbinden, envoyé spécial de cath.ch à Lisbonne
«C’est un devoir chrétien de faire chanter les peuples devant Dieu», déclare dans son homélie Mgr Alain de Raemy, évêque auxiliaire de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF), lors d’une messe, le matin du samedi 5 août, à Colares. Le village des environs de Lisbonne a hébergé les plus de 500 Romands ayant participé à ces JMJ. Celui qui est également évêque des jeunes a assuré qu’il était tout à fait possible d’aimer sa patrie en même temps que toute l’humanité. Les JMJ le démontrent d’ailleurs. «Les drapeaux qui flottent ici ne sont pas discriminatoires», a relevé l’actuel administrateur apostolique du diocèse de Lugano.
Mgr de Raemy exhorte toutefois les jeunes en partance pour l’événement final de la rencontre mondiale, à «maintenir l’élan» à leur retour chez eux. La messe terminée, de nombreux jeunes vont vers l’évêque pour lui poser des questions, parfois d’ordre théologique. «Les jeunes veulent en savoir plus sur Dieu, explique le prélat fribourgeois à cath.ch. Dès qu’on leur donne l’occasion de s’exprimer, les questions fusent».
Après cette préparation spirituelle, cath.ch et les jeunes Romands convergent vers le Parque Tejo, à l’est de Lisbonne, où se déroule la phase finale des JMJ. De longues colonnes humaines colorées munies de nombreux étendards investissent pacifiquement peu à peu l’immense zone de gazon surplombée par l’imposant pont Vasco de Gama. Désillusion et inquiétude se lisent sur les visages alors que le groupe avec lequel voyage cath.ch ne peut pas entrer dans le secteur qui lui est assigné, celui-ci étant déjà au maximum de ses capacités. Sous un soleil de plomb, l’on en vient à déplorer les quelques défauts d’organisation observés du côté portugais. Il fait 37° ce jour-là à Lisbonne. «C’est rageant, mais c’est toujours comme ça aux JMJ», relativise l’abbé valaisan Pierre-Yves Pralong, rencontré sur les lieux.
La situation se débloque finalement et le groupe trouve péniblement quelques petits carrés d’herbe libre parmi la mer de matelas de sol et de sacs de couchage. C’est que plus 1,5 million de jeunes sont venus au Parque Tejo rencontrer le pape.
Des conditions quelque peu spartiates qui ne découragent pas les jeunes, dont beaucoup dansent déjà à l’arrivée du groupe. Même les plus jeunes prennent la chose positivement. C’est le cas de Sophie, 17 ans, qui vient de Fribourg. «C’est la première fois que je suis loin de la maison, sans mes parents, mais heureusement, j’ai mon grand frère avec moi.» Même si la perspective des JMJ l’a un peu stressée, elle assure que «c’est super sympa, et le fait que je me sois fait beaucoup d’amis aide à passer les moments un peu difficiles».
Les quelques personnes plus âgées qui ont fait le déplacement ne se formalisent pas non plus. C’est notamment le cas de l’abbé Bernard Schubiger, de Fribourg. A 66 ans, il ne raterait une édition des JMJ pour rien au monde. «Les conditions difficiles, ce n’est pas un problème, de côtoyer toute cette jeunesse, ça nous rend jeunes», assure-t-il.
Un magnifique coucher de soleil sur l’estuaire du Tage, ainsi que l’arrivée du bateau chargé du logo-monument des JMJ fait passer le temps avant l’arrivée du pape.
Mais l’excitation augmente à mesure des annonces de sa progression à travers Lisbonne, relayée par les grands écrans aux quatre coins du parc. Puis c’est l’exultation, lorsque le pontife entre dans le périmètre du Parque Tejo, les jeunes s’époumonent et se précipitent pour avoir une chance de l’apercevoir. Après quelques spectacles de chants et de danse, le pape salue les jeunes avec un bref discours. «Celui qui reste à terre est parti à la retraite, a éteint l’espérance», a notamment mis en garde le pontife. Il a appelé à relever les personnes tombées.
Après que le pape a pris congé de la foule jusqu’au lendemain, l’ambiance tourne définitivement à la fête. Si certains vont discuter et danser, d’autres, fatigués, décident de se coucher. Pas si facile lorsque la musique résonne dans les hauts-parleurs jusqu’à une heure du matin. La nuit est ainsi courte, puisque dès 7 heure, de la musique techno réveille les endormis. Malgré leurs petites mines, les jeunes se lèvent rapidement, avec beaucoup d’entrain. Ils s’égayent notamment au son d’un DJ particulier, muni d’un col romain, qui met une ambiance de folie dans tout le parc. La nuit courte et agitée n’a pas agi sur le moral des Romands, qui attendent impatiemment le pape. «J’ai bien dormi, assure ainsi Matthias, un Jurassien de 17 ans. C’est quand même mieux d’avoir du soleil que de la pluie.» Le pèlerin de Porrentruy pense que les JMJ sont utiles pour montrer notamment «qu’il n’y a pas que des personnes âgées dans l’Eglise. C’est incroyable de voir tous ces jeunes réunis au nom de Dieu.»
A mesure que l’heure de la messe se rapproche, l’ambiance se fait plus recueillie. Tous se lèvent lorsque le pape apparaît à l’écran. Il captive vite l’attention avec son homélie en espagnol. Certains jeunes Romands parlant cette langue font la traduction simultanée à leurs camarades. D’autres écoutent la version française sur un canal de la radio. La foule exulte à nouveau à l’annonce des prochaines éditions des JMJ: à Rome en 2025 et à Séoul en 2027. La célébration terminée, le million et demi de jeunes prodiguent une ovation titanesque au Saint-Père. Des Romands agitent encore longtemps après des drapeaux cantonaux et déploient un immense drapeau suisse.
Mais assez rapidement, le temps vient de prendre les transports pour rentrer, et les foules convergent vers les sorties. Le temps tout de même de débriefer sur ces JMJ et sur la messe. «Après les abus, les scandales en tout genre, l’Eglise a besoin d’événements tels que les JMJ pour se renouveler, retrouver un souffle», assure ainsi Bernard Schubiger. «En tant que prêtre, je peux témoigner de l’immense soif qu’ont les jeunes, non seulement de connaître Jésus, mais aussi de vivre son enseignement au quotidien. Ils peuvent certes trouver réponses et encouragements aux JMJ, mais ensuite, il s’agit de transposer cet élan dans les pastorales locales».
Anna, une Fribourgeoise de 24 ans a été très émue par l’homélie du pape. «Les messages qu’il a transmis étaient à la fois simples, accessibles aux jeunes et très beaux, très profonds. Ils nous a fait nous sentir à la fois portés par l’Église et porteurs de celle-ci. Il a notamment répété à de nombreuses reprises ‘N’ayez pas peur’. Je pense que c’est un appel à ne pas nous cacher d’être chrétiens, à assumer notre foi et les valeurs qui vont avec. Mgr de Raemy l’a bien expliqué lors de la messe de samedi matin, lorsque l’on parle avec quelqu’un qui ne s’intéresse pas à la foi ou même la rejette, il faut se dire qu’on a peut-être malgré tout semé quelque chose en lui… Je crois que ces JMJ m’ont encouragée à aller dans cette direction». (cath.ch/rz)
Raphaël Zbinden
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