Le Kurde Abdel Latif Rashid, président irakien depuis octobre 2022, a annulé le décret 147, pris par son prédécesseur, le Kurde Jalal Talabani, le 10 juillet 2013, qui sanctionnait la nomination du cardinal comme chef de l’Eglise chaldéenne «en Irak et dans le monde» et à ce titre «responsable des biens de l’Eglise». Il a prétexté que ce décret n’avait pas de base légale ou constitutionnelle, ce qui fait craindre aux chrétiens la perte du soutien du gouvernement.
Cette décision affectant la plus haute autorité ecclésiastique du pays représente une menace pour les chrétiens d’Irak, qui étaient plus d’un million en 1980, mais leur nombre a constamment diminué depuis l’invasion américaine de 2003. La désintégration de l’Etat irakien qui s’en est suivie a favorisé le développement des mouvements islamistes qui ont commis de graves exactions contre les minorités. Ils ne seraient plus actuellement que 300’000, appartenant en majorité à l’Eglise chaldéenne.
Face à la stupeur provoquée par cette décision abrupte et incompréhensible, des responsables, tant chrétiens que musulmans, ont vivement protesté. Des manifestations de soutien au patriarche Sako ont eu lieu à Ankawa, la banlieue chrétienne d’Erbil, au Kurdistan irakien. La présidence irakienne a publié une déclaration soulignant que le retrait du décret 147 ne portait pas atteinte au statut religieux ou juridique du cardinal Louis Raphaël Sako, «puisqu’il est nommé à ce titre par le Vatican».
La décision du président Abdel Latif Rashid a été prise après une rencontre avec Rayan al-Kildani («Rayan le chaldéen»), chef de la Brigade de Babylone, une milice armée soi-disant chrétienne, dont la branche politique apparaît sous le nom de Mouvement de Babylone. Cette organisation affiliée aux Forces de mobilisation populaire (FMP, ou Hachd al-Chaabi) pro-iraniennes, est proche de l’Organisation Badr, un mouvement politique et militaire islamiste chiite, et du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI).
Depuis des mois, le cardinal Sako est engagé dans une confrontation avec le chef de milice Rayan al-Kildani, qui voudrait s’attribuer le rôle de représentant des chrétiens en Irak. Le patriarche chaldéen accuse al-Kildani de profiter de son influence pour saisir illégalement des propriétés appartenant à des chrétiens dans la Plaine de Ninive.
Dans une déclaration, le cardinal Sako a qualifié les tensions de «sale jeu», suggérant de manière sarcastique que le président Rashid, «protecteur de la Constitution» confie l’administration des biens de l’Eglise à Rayan al-Kildani et à ses frères. Ce dernier s’en prend au cardinal Sako parce que le patriarche chaldéen a depuis longtemps dénoncé les basses manœuvres du chef de milice pro-iranien.
La décision de révoquer l’autorité du cardinal Sako pour administrer les biens et les finances de l’Église chaldéenne pourrait rendre ces biens vulnérables à l’accaparement de biens par al-Kildani, en particulier dans la Plaine de Ninive, dans le nord de la province de Mossoul, où se trouvent des villages historiques de chrétiens assyriens, chaldéens et syriaques et où les Brigades de Babylone sont actives. (cath.ch/rudaw/asianews/be)
Jacques Berset
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