par catt.ch et Vatican News / traduction et adaptation, Grégory Roth cath.ch
A « Monseigneur », il préférait être appelé « Père », en vertu de l’engagement pris dans le Pacte des Catacombes. Le 16 novembre 1965, quelques jours avant la clôture du Concile, une quarantaine de pères conciliaires – principalement d’Amérique latine – descendent aux Catacombes de Domitilla à Rome pour célébrer une Eucharistie, pour demander fidélité à l’Esprit Saint. A la fin, tous les évêques signèrent le fameux Pacte par lequel ils exhortaient les « frères dans l’épiscopat » à mener une « vie de pauvreté », une Église « servante et pauvre », comme le suggérait le pape saint Jean XXIII.
« Nous étions 42 évêques dans les catacombes, j’étais le seul Italien. Nous avons entrepris de faire signer d’autres et le pape a obtenu 500 signatures d’évêques, et peut-être y en aurait-il eu encore plus si nous les avions recherchées. L’important était l’attention aux pauvres. On a dit que l’évêque devait vivre plus simplement, dans des maisons et des moyens de transport. Mais il devait être proche des pauvres et des ouvriers, de ceux qui souffrent et sont en difficulté, contre la tendance que nous avons à être proches des riches et des puissants, qui nous garantissent ensuite », a-t-il rappelé dans une récente interview pour Vatican News.
Son état de santé s’était aggravé ces derniers jours, à tel point que l’actuel évêque d’Ivrée, Edoardo Cerrato, avait invité les fidèles, les prêtres et ses proches à prier: « Accompagnons Mgr Bettazzi qui se dirige lucidement vers le coucher du soleil terrestre. Nos prières le soutiennent».
Après quelques sorties publiques, dont la Marche pour la Paix, pour laquelle il n’avait jamais manqué un rendez-vous, Mgr Bettazzi est resté confiné au lit ces derniers mois. Il était assisté jour et nuit, et recevait chaque matin la visite d’un des prêtres diocésains qui concélébrait avec lui la messe. L’évêque voulait continuer à célébrer comme il l’a toujours fait depuis plus de septante-trois an d’ordination sacerdotale.
Né à Trévise le 26 novembre 1923, Luigi Bettazzi a été ordonné prêtre le 4 août 1946 dans la basilique de San Domenico, à Bologne. Il a reçu son diplôme en théologie à l’Université pontificale grégorienne, puis en philosophie à l’Université Alma Mater de Bologne. Dans l’archidiocèse de Bologne, il a été évêque auxiliaire du cardinal Giacomo Lercaro. A ses côtés, il a participé au Concile Vatican II – dont cardinal Lercaro fut l’un des protagonistes –, notamment aux dernières séances de l’assemblée en 1963.
Après trois ans comme évêque de Thagaste, en Algérie, Mgr Bettazzi a été à la tête du diocèse d’Ivrée, en Italie, de 1966 à 1999. Il est nommé président national, en 1968, puis international, en 1978, de Pax Christi, mouvement catholique fortement engagé sur le thème de la justice et de la paix. De la paix, il en est devenu un prophète et un porte-parole, avec ses appels continus à l’objection fiscale, à la réduction des dépenses militaires, en passant par son soutien à «l’éducation à la paix», pour laquelle il a reçu le prix international en 1985 de l’UNESCO. A noter son adhésion aux mouvements pacifistes, avec la marche vers Sarajevo en 1992, en pleine guerre civile en Bosnie-Herzégovine.
Au cours de sa longue vie, Luigi Bettazzi a remporté des prix et signé de nombreuses publications importantes, tant dans le domaine religieux que social. Il a mené aussi plusieurs initiatives aux côtés des travailleurs d’entreprises italiennes.
Il fut un fervent partisan du dialogue: avec les croyants, les non-croyants, les autres confessions chrétienne et communautés religieuses. »Ainsi, j’ai témoigné des valeurs de ce Concile Vatican II qui n’était pas une ‘révolution’ parce que ‘la révolution signifierait tout changer’, mais une ‘forte évolution’ », a-t-il indiqué dans une interview à Vatican News, à l’occasion du 60e anniversaire du Concile.
En 2018, en fauteuil roulant et sous un soleil de plomb, il était à Molfetta à la messe du pape François en visite pastorale dans les lieux de Don Tonino Bello. Avec une lueur dans ses yeux bleus caractéristiques, il a déclaré aux journalistes présents qu’il avait pu serrer la main de ce pape argentin, dont l’enseignement a poursuivi la ligne du Concile, a-t-il affirmé, comme l’un des derniers participants.
Mgr Luigi Bettazzi appréciait surtout la synodalité, comme prolongement de cet «élargissement de la collégialité» voulu par les pères de Vatican II qui n’est pas une dévalorisation de la hiérarchie mais une revalorisation du «peuple de Dieu» et de la «responsabilité de chaque baptisé dans la vie de l’Église ». (cath.ch/vatnews/catt/gr)
Grégory Roth
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