Par Grégory Roth, de retour d’Algérie
Lorsque l’on évoque saint Augustin d’Hippone, on pense d’abord à sa conversion au christianisme, à ses traités de philosophie et de théologie, à ses combats contre le manichéisme et le donatisme. Père et Docteur de l’Église latine, il est surtout considéré comme un saint d’Afrique. On le situe moins souvent dans l’actuelle Algérie. Toutefois, pour les Algériens d’aujourd’hui, saint Augustin est perçu comme un philosophe chrétien qui a contribué à l’histoire de leur pays : un personnage qui fait partie de la richesse de leur patrimoine.
Augustin naît en 354 à Thagaste, au nord-est de l’actuelle Algérie. Au cœur de cette ville – appelée aujourd’hui Souk Ahras – se dresse encore l’olivier de saint Augustin. Il est situé sur la colline centrale de la zone urbaine, à côté de la mairie. « Cet olivier est le témoin du passage de saint Augustin, car lui-même le mentionne souvent dans ses ouvrages », explique le guide du site à la délégation de l’Université de Fribourg.
« Thagaste est un véritable carrefour des civilisations : romaine, numide, vandale, byzantine, islamique et ottomane. Thagaste, ancien nom numidien, signifie en berbère ‘terre de trésor’, et reflète les nombreux personnages qui y ont vécu et qui ont influencé toute l’humanité, dont saint Augustin, Apulée de Madaure, Maxime de Madaure, Martianus Capella, … »
La datation de l’olivier de saint Augustin donne lieu à débat. « Certains pensent qu’Augustin aurait planté cet olivier. Mais c’est faux, il est beaucoup plus ancien », tranche le guide soukahrassi. « On sait aujourd’hui qu’Augustin a utilisé son ombre et sa fraîcheur pour écrire plusieurs de ses écrits. Des recherches scientifiques récentes ont même daté l’olivier de 29 siècles ».
Pour les enseignants locaux, l’ancienneté quasi-trimillénaire de l’olivier de saint Augustin ne fait aucun doute. Certains soutiennent même que la feuille d’olivier que la colombe avait rapporté à Noé pour annoncer la future baisse des eaux – dans le récit du Déluge, raconté dans la Bible et le Coran – provient sans doute de l’olivier de saint Augustin.
Le même jour, le groupe suisse se dirige vers l’antique cité de Madaure (actuelle M’Daourouch), dans laquelle le jeune Augustin va étudier de l’âge de 14 à 16 ans. « Augustin a fait une partie des études de grammaire latine de Madaure, qui abrite, avec Carthage, la plus ancienne académie africaine, fondée par les Romains. Mais le christianisme a laissé des traces importantes. Six églises ont déjà été trouvées dans les ruines, bien que seuls 15% de la ville aient été déblayés ; le reste est encore sous terre. Les archéologues ont pratiqué des fouilles entre 1902 et 1930. Le site est classé d’importance nationale, mais nous aimerions qu’il accède au plan international », plaide le guide de Souk Ahras.
Après son retour d’Italie, Augustin va fonder une communauté religieuse à Thagaste, avant d’être appelé comme évêque à Hippone (actuelle Annaba) de 395. Il y restera jusqu’à sa mort en 430, pendant le siège de la ville par les Vandales. Aujourd’hui, au pied de la colline où trône fièrement la basilique Saint-Augustin, achevée en 1900, le site archéologique comprend un antique forum et un marché romain, ainsi que les traces de ce qui fut la ‘Basilique de la Paix’, siège épiscopal d’Augustin.
Sur la colline, à l’arrière de la basilique, une maison de retraite est gérée par quelques sœurs augustiniennes. C’est dans la chapelle des sœurs que les Fribourgeois ont été accueillis pour la messe, avec le Père Hilary Basil, et recteur de la basilique Saint-Augustin.
Ce père augustin, originaire du Nigeria, est depuis 7 ans à la tête de la basilique. « La communauté se porte bien. Elle est composée entre autres d’Algériens, d’expatriés et d’étudiants subsahariens, qui viennent pour la messe. Quelques étudiants protestants qui participent également à nos activités. Nous sommes ouverts pour accueillir tout le monde.
Comment le Père Hilary se sent-il, là où Augustin vécut? « Je me sens très petit, mais c’est un privilège. J’ai toujours beaucoup aimé saint Augustin, et quand on m’a proposé de venir ici, j’ai accepté tout de suite, même sans savoir où l’Algérie se trouvait sur la carte du monde… Le plus grand défi pour moi étant d’apprendre la langue et la culture, où je ne manifeste pas visiblement ma foi, comme dans mon pays ».
Le contact avec les musulmans est très respectueux, selon le religieux. « Avec les musulmans, nous pouvons parler aisément de Marie, la mère de Jésus, ou de saint Augustin, qui est un Algérien. Ce sont des points communs qui nourrissent le dialogue. J’essaye d’éviter de parler de points plus gênants, comme la vie de Jésus et sa divinité. Mais si un musulman me le demande, je lui répondrai que Jésus est Dieu pour moi. Je suis toujours surpris quand un musulman me reconnait dans la rue et m’appelle ›mon Père’, je prends cela comme une marque de respect pour la fonction que je représente dans la culture d’ici », se réjouit le Frère Hilary. (cath.ch/gr)
Une petite série algérienne
Cath.ch, qui a pris part à une partie du voyage, propose une troisième partie sur l’émergence du patrimoine algérien. GR
Grégory Roth
Portail catholique suisse
https://www.cath.ch/newsf/algerie-lheritage-patrimonial-de-saint-augustin/