«Trois ans avant ma démission […] le pape avait eu une discussion éclairante avec son ami théologien argentin Victor Manuel Fernández, de Buenos Aires», raconte le cardinal Müller dans son livre In Buona Fede (Solferino, 2023). Celui qui était alors recteur de l’Université catholique de la capitale argentine avait ouvertement convaincu le pontife de la nécessité de renvoyer l’Allemand, au motif qu’il se sentait «supérieur» au pape.
Le cardinal Müller, auquel le pape n’a plus confié de réelle mission depuis six ans, attribue l’hostilité de Mgr Fernández à son égard à un «complexe d’infériorité mal dissimulé». Cette attitude serait, selon lui, partagée par certains «théologiens latino-américains» qui considèreraient les théologiens européens et surtout allemands «comme de vieilles carcasses, quelque peu médiévales, poussiéreuses et même démodées».
Dans Le Monastère (Artège, 2023), écrit par le journaliste italien Massimo Franco, le cardinal Müller affirme avoir vu derrière sa démission, outre la «silhouette argentine de Mgr Fernández», celles du cardinal Óscar Rodríguez Maradiaga, ancien membre du conseil des cardinaux, du Père Antonio Spadaro, directeur de la revue jésuite La Civiltà Cattolica et de Mgr Dario Viganò, ex-préfet du dicastère pour la Communication.
Le cardinal Müller déplore l’existence de ce «cercle magique» de «théologiens du dimanche» qu’il décrit comme «dangereux» parce que raisonnant «de manière politique, et non théologique». Il déplore notamment leur défense d’une opposition entre pastorale et doctrine. Ce sont eux, affirme-t-il, qui ont fait «pression» sur le pape pour qu’il abandonne son titre de «Vicaire du Christ» dans l’annuaire pontifical.
Mgr Fernández, dans un entretien accordé à Massimo Franco en mai 2015 dans les pages du Corriere della Sera, regrettait que «les théologiens n’offrent pas de nouvelles analyses sur l’Église, sur le sens théologique de ses structures, sur le statut des conférences épiscopales des pays et des régions, et sur la véritable place de la Curie romaine par rapport au pape et au collège des évêques». Il s’en prenait aussi à ceux qui, à la Curie, «ont tendance à ignorer les enseignements de François» et pensent que le pape «est leur représentant, ou quelqu’un qui est venu les déranger et qu’il faut ›contrôler’».
Dans Le Monastère, Massimo Franco revient sur cet entretien et affirme que c’est le cardinal Müller qui était alors visé par Mgr Fernández. Ce dernier avait manifesté aux journalistes présents, une fois l’entretien terminé, «son étonnement et sa désapprobation» à propos des prétentions qu’avait l’Allemand de «structurer théologiquement le pape argentin» afin de garantir l’unité de l’Église. Il avait aussi demandé à ce que le Conseil des cardinaux, qui entourent le pape, remette à sa place le préfet de la congrégation pour la Doctrine de la foi.
Dans l’entretien, le futur préfet avait aussi affirmé que «la Curie [n’était] pas une structure essentielle», considérant que le pape pourrait habiter en dehors de Rome et que les dicastères pourraient être délocalisés partout dans le monde. «Les cardinaux eux-mêmes peuvent disparaître, en ce sens qu’ils ne sont pas essentiels», avait-il insisté, considérant que «ce qui est essentiel, c’est le pape et les évêques». (cath.ch/imedia/cd/rz)
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