Jacques Berset/ACN
Natif de Dobromyl, à quelques encablures de la frontière polonaise, le religieux rédemptoriste ukrainien, qui fêtera ses 47 ans le 19 août prochain, était l’invité de marque, dimanche 21 mai 2023, du pèlerinage annuel d’Aide à l’Eglise en Détresse (ACN) à Notre-Dame des ermites à Einsiedeln (SZ). Il a décrit pour ACN le rôle de son Eglise de cinq millions de fidèles, implantée principalement en Ukraine occidentale, alors qu’elle fut longtemps empêchée, sous prétexte de «prosélytisme», d’évangéliser en Ukraine orientale, région considérée comme «territoire canonique» de l’Eglise orthodoxe.
Et Mgr Hruza de souligner que les habitants de cette région ont en moyenne peu de connaissance du christianisme, car il y avait de nombreux endroits sans églises et, de plus, l’Eglise orthodoxe était concentrée avant tout sur la liturgie. Cette différence de mentalité s’est fait sentir quand, par centaines de milliers, les Ukrainiens de ces régions se sont réfugiés dans la région de Lviv ou sont passés par la capitale de la Galicie pour se rendre en Pologne, avant de poursuivre leur route plus à l’ouest. «Beaucoup sont revenus quand les Russes sont partis de Kharkiv, de la région de Kiev, et de Kherson, même si c’est parfois dangereux… mais en fait, c’est dangereux partout en Ukraine!»
Au début de la guerre, en février 2022, l’Eglise a joué un rôle déterminant – l’Etat a été surpris par la situation et n’était pas organisé comme aujourd’hui – en accueillant dans ses paroisses et ses couvents les réfugiés arrivant en masse, quasiment sans rien. «L’Eglise était prête dès le départ, parce que nous sommes toujours avec les gens, pour servir le peuple».
«Les gens avaient faim, l’Eglise a organisé des soupes populaires, offert un abri pour les familles déplacées. Aujourd’hui, la situation s’est stabilisée, les gens ont trouvé des logements, cherchent du travail. Nous collaborons fortement avec l’Etat en offrant nos services. L’Etat ‘promet beaucoup’ et tout est en reconstruction. La guerre l’a sensibilisé aux besoins du peuple. Notre souci principal concerne les plus vieux, qui ont tout perdu, leur maison étant la plupart du temps détruite».
S’il se défend d’être un politicien, Mgr Hruza estime cependant, en vertu du droit naturel, que l’Ukraine est en droit de recevoir les moyens de se défendre. «Je ne sais pas de quel type d’armes nous avons besoin, mais ce n’est pas pour attaquer un autre peuple, c’est pour protéger notre population qui est attaquée. C’est difficile d’argumenter, je suis pragmatique: la meilleure façon, c’est d’aller sur les tombes des soldats morts au front, de rencontrer les mères qui pleurent leur fils, les veuves, les orphelins qui cherchent leur papa. L’homme moderne entend d’abord avec les yeux…»
Même si ce bain de sang s’arrête, les conséquences de la guerre resteront pour longtemps, avec son cortège de mutilés et de traumatisés, estime-t-il. Et s’il ne connaît pas encore le contenu de la mission de paix pour l’Ukraine que le pape François a confiée au cardinal Matteo Zuppi, archevêque de Bologne et président de la Conférence épiscopale italienne, Mgr Hruza rappelle que «l’on doit, comme chrétiens, toujours avoir l’espérance.» (cath.ch/be)
L’Eglise gréco-catholique, «orthodoxe dans la foi, catholique dans l’amour!»
L’Eglise gréco-catholique est «orthodoxe dans la foi, catholique dans l’amour !», et a une longue expérience du chemin synodal et de proximité avec le peuple, en particulier durant la période soviétique. Elle fut en effet interdite par Staline en 1946, qui était derrière la parodie de synode à Lvov (Lviv), qui intégra de force l’Eglise gréco-catholique «uniate» dans l’Église du Patriarcat de Moscou. Ce synode, manipulé par Moscou, vota en mars 1946 le «retour» à l’Église orthodoxe dont les «uniates» s’étaient séparés depuis l’union avec Rome votée à Brest-Litovsk en 1596. Une partie de cette Eglise, désormais interdite et leurs évêques envoyés au goulag, avait poursuivi son travail dans la clandestinité et ne fut relégalisée qu’en 1989, sous Mikhaïl Gorbatchev. Ce travail pastoral durant les années du communisme lui a procuré une forte aura populaire, qui se vérifie en ces temps de guerre.
«Même si nous avons une hiérarchie, notre pastorale est au centre, on partage avec le peuple…» Cette Eglise compte 11 éparchies (diocèses) et 4 exarchats, notamment en Ukraine orientale (Donetsk, Kharkiv, Odessa), des régions peu évangélisées, et Loutsk, au Nord-Ouest de l’Ukraine. Mais la sécularisation se fait sentir partout, les valeurs occidentales se sont répandues par les réseaux sociaux omniprésents, les familles ont moins d’enfants et beaucoup ont émigré dans les dernières décennies. Mgr Hruza note qu’en conséquence le nombre de séminaristes, plus de 400 actuellement, est en recul depuis le tournant du siècle. BE
Rédaction
Portail catholique suisse
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