«Les appels à la paix tombent souvent dans le vide», déplore le pape

«ll y a un déséquilibre croissant dans le système économique mondial», a déclaré le pape François en s’adressant, le 13 mai 2023, aux nouveaux ambassadeurs d’Islande, du Bangladesh, de Syrie, de Gambie et du Kazakhstan à l’occasion de la présentation de leurs lettres de créances.

Comme c’est l’usage pour les ambassadeurs ne résidant pas à temps plein à Rome, cette cérémonie de remise collective des lettres de créance a été l’occasion pour le pape de revenir sur les axes principaux de l’action diplomatique du Saint-Siège. 

Saluant particulièrement le nouvel ambassadeur de Syrie, le pape François a exprimé sa pensée pour «le peuple syrien bien-aimé, qui est encore en train de se remettre du récent violent séisme, entre les souffrances continuelles posées par le conflit armé». 

François a reconnu que la situation internationale avait de quoi laisser les diplomates «troublés ou découragés», évoquant notamment, quelques heures avant de recevoir Volodymyr Zelensky, «la guerre en cours en Ukraine, qui a apporté souffrance et morts indicibles ». 

«Troisième guerre mondiale par morceaux»

Il a aussi mentionné les affrontements au Soudan, en République démocratique du Congo, en Birmanie, au Liban et à Jérusalem, ainsi que la «grave crise sociale, économique et humanitaire » en Haïti. Sur le plan plus global, le pontife argentin a évoqué «le flux de migrations forcées » liées notamment aux  effets du changement climatique» et les nombreuses situations de grande pauvreté qui persistent dans le monde, caractérisées par « le manque d’accès à l’eau potable, à l’alimentation, à l’assistance sanitaire de base, à l’instruction et à un travail digne».

Tout en reconnaissant «les extraordinaires progrès technologiques et scientifiques atteints» et « les pas déjà accomplis pour affronter les questions sociales et développer le droit international», le pape s’est une nouvelle fois inquiété des inégalités d’accès à ces progrès et de la « troisième guerre mondiale par morceaux» qui continue à rythmer l’actualité internationale. «La voix de la raison et les appels à la paix tombent souvent dans le vide», a constaté le pape avec amertume. 

La «neutralité positive» du Saint-Siège

Les ambassadeurs, qui exercent une fonction «noble et antique», a souligné François, sont donc appelés à exercer leur service auprès de l’ensemble de la «famille humaine», tout en «servant fidèlement» leur propre pays d’origine. Chaque ambassadeur doit être «homme ou femme de dialogue, constructeur de ponts» et même une «figure d’espérance», a insisté le pape. 

L’évêque de Rome a rappelé que «la position bien définie» du Saint-Siège dans la communauté internationale sont lié à sa «neutralité positive». Les efforts de la diplomatie pontificale, notamment dans la résolution des conflits, «ne comportent pas la poursuite d’intérêts politiques, commerciaux ou militaires», a-t-il rappelé. 

François a enfin assuré aux ambassadeurs que l’ensemble des institutions du Saint-Siège sont disposées à nouer avec eux un «dialogue ouvert et honnête». 


Les nouveaux ambassadeurs

Louay Fallouh

Le nouvel ambassadeur de Syrie, Louay Fallouh, 58 ans, est un diplomate et juriste de confession catholique melkite, formé en France, à l’Université de Reims, où il a obtenu un doctorat en droit international en 1995. Durant sa carrière diplomatique, il notamment été le premier secrétaire de la délégation syrienne au siège des Nations unies à New York de 2007 à 2013, et il exerce depuis janvier 2023 le mandat de représentant permanent de la Syrie près l’Unesco, à Paris. 

Après plus d’une décennie de guerre et d’isolement international, son pays vit actuellement un processus de désenclavement, qui s’est accéléré en raison des besoins humanitaires liés au séisme du 6 février dernier, qui a fait près de 6’000 morts dans le nord du pays. La Syrie sera formellement réintégrée dans la Ligue arabe lors du sommet du 19 mai prochain organisé à Djeddah, en Arabie saoudite, auquel le président syrien Bachar Al-Assad pourrait participer en personne.

Kairat Zarzhanov

Le nouvel ambassadeur du Kazakhstan près le Saint-Siège est un diplomate de 56 ans, Kairat Zarzhanov, qui cumulera cette mission avec celle d’ambassadeur en Suisse, où il est en poste depuis 2022. Formé à l’Université d’État de Moscou à la fin de l’URSS, il a ensuite étudié à l’Académie diplomatique de la Fédération de Russie de 1993 à 1995.

Il a par la suite notamment été ambassadeur du Kazakhstan au Brésil de 2016 à 2021, avec une accréditation étendue pour l’Argentine et le Chili. Il est ensuite devenu directeur du département pour la sécurité internationale au ministère des Affaires étrangères dans son pays, jusqu’en 2022, année marquée par une visite du pape François à l’occasion du sommet interreligieux organisé dans ce vaste pays d’Asie centrale situé au centre d’un complexe jeu d’influences entre la Russie, la Chine et les États-Unis. 

Einar Gunnarsson

L’ambassadeur d’Islande, Einar Gunnarsson, est né en 1966 à Reykjavik. Lui aussi cumulera le poste d’ambassadeur près le Saint-Siège avec la charge d’ambassadeur en Suisse, où il est en poste depuis 2022. Il est aussi représentant permanent de l’Islande auprès des organisations internationales à Genève, après avoir exercé la même charge au siège des Nations Unies à New York, de 2015 à 2018. Il fut aussi ambassadeur pour les affaires arctiques, de 2019 à 2021.

Mohammad Sufiur Rahman

L’ambassadeur du Bangladesh près le Saint-Siège, Mohammad Sufiur Rahman, est un ingénieur de formation, âgé de 58 ans. Durant sa carrière diplomatique, il notamment été haut-commissaire au Sri Lanka de 2012 à 2014, et en Australie, Nouvelle-Zélande et aux îles Fidji de 2017 à 2022. Il également occupé la fonction sensible d’ambassadeur du Bangladesh en Birmanie de 2014 à 2017, alors que son pays accueille de nombreux réfugiés rohingyas contraints à fuir la Birmanie en raison des exactions de l’armée. Le pape François s’était rendu dans ces deux pays en 2017, notamment afin d’exprimer sa solidarité avec cette minorité musulmane persécutée.

Fatou Bom Bensouda

L’ambassadrice de Gambie, Fatou Bom Bensouda, est une juriste de 62 ans. Après avoir été secrétaire d’État à la Justice de 1998 à 2000 dans ce petit pays anglophone enclavé dans le Sénégal, elle a été avocate au Tribunal internationale pour le Rwanda de 2002 à 2004. Elle ensuite devenu vice-procureur de la Cour pénale internationale (CPI) de 2004 à 2012, puis procureur en chef de la CPI de 2012 à 2021. En 2022, elle est devenue haut-commissaire de la Gambie au Royaume-Uni. Son pays vit un processus de démocratisation et d’ouverture depuis le départ en exil de l’ancien dirigeant Yahya Jammeh, en janvier 2017. (cath.ch/imedia/cv/bh)

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