La lecture du philosophe et anthropologue René Girard rapporte les sources violentes des sociétés humaines. Il détecte et discerne dans la littérature française les schémas récurrents facteurs de violence. Ce que l’autre désire suscite et éveille d’autant plus mon désir, s’enclenche ainsi une rivalité parfois méchante ou au pire féroce. Nous baignons dans cet environnement quotidien. Nous y sommes exposés de maintes façons. Le propre même de notre humanité est d’être modelée dans la brutalité, la barbarie et la cruauté. Alors pourquoi nous étonnons-nous toujours face aux agressions, aux invasions et à la démesure de nos injustices de toutes sortes?
Un monde sans conflits, sans affrontement serait donc quelque chose d’impossible à atteindre.
En écoutant la voix de la philosophe Laurence Hansen Löve, il faudrait distinguer la violence de l’affrontement. Qui dit affrontement ne dit pas forcément violence. Tuer quelqu’un, poursuit-elle, ou décider de le tuer, parfois en temps de paix, n’a rien à voir avec l’affronter. Elle ajoute que les hommes qui commanditent les guerres ne sont pas ceux qui vont risquer leur vie sur le champ de bataille. Affronter, être en conflit exige deux adversaires, au moins, qui se mesurent «front à front» (affronter). Elle cite des exemples d’affrontement que sont les manifestations pacifiques et les diverses formes de désobéissance civile.
L’affrontement n’est pas source de violence ni fatalement ni inévitablement. De conclure qu’à ses yeux, l’affrontement n’est pas toujours violent et un monde sans violence n’est pas nécessairement un monde sans affrontement. Même conclusion qu’avec René Girad: un monde sans conflits, sans affrontement serait donc quelque chose d’impossible à atteindre.
«Que faire dans un monde désolant de violence? Ne pas s’en retirer»
Sans aucun doute, le monde est une contrée peuplée d’humains enclins à la violence et allaités de la culture de l’affrontement! Cependant, telles des étincelles d’espérance, des actes, des personnes, des trêves, des découvertes, des moments de communion, des paroles de paix ont troué subrepticement l’opacité de notre nature humaine. Aurions-nous, en dépit des inventaires historiques et hélas contemporains, encore l’habileté – ou le génie – de réformer notre monde? C’est en ce lieu que la congruence de messages identiques à celui de la Bible peuvent sauver littéralement l’humanité.
Le christianisme synthétise le sommaire de la loi en deux instructions. D’ailleurs surtout la seconde: «Tu aimeras ton prochain comme toi-même» annihilerait les écueils de l’affrontement et de la violence si elle était adoptée. D’autres religions et spiritualités exhortent l’humain à se transcender, à s’élever au-dessus des luttes vaines, des aspirations aliénantes, bref à s’opposer à ses penchants innés pour la violence et l’affrontement.
Que faire dans un monde désolant de violence? Ne pas s’en retirer. Ne pas s’affliger. Ne pas fuir ou dissimuler sa laideur. L’affronter au sens donné par la philosophe Laurence Hansen Löve. Lui faire face, aller hardiment au devant de lui, le braver. L’affronter sans violence. Vivre en recherchant l’équilibre, les béquilles que sont les commandements bibliques, aident à marcher avec légèreté. C’est notre monde, notre pâte humaine l’a façonné à son image. L’apôtre Paul l’avait compris avant nous, il faut user du monde sans en user vraiment.
Nadine Manson
10 mai 2023
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