L'ambassadeur d'Arménie craint un risque de génocide

Dans le cadre de la Journée de commémoration du génocide arménien, le 24 avril, l’ambassade d’Arménie près le Saint-Siège organise une célébration œcuménique en la basilique San Bartolomeo sur l’Isola Tiberina, le 27 avril 2023, avec la participation du cardinal Kurt Koch, préfet du dicastère pour la promotion de l’unité des chrétiens.

Alors que l’Azerbaïdjan poursuit le blocus du corridor de Latchine, reliant l’Arménie au territoire du Haut-Karabagh (Artsakh), l’ambassadeur arménien Garen A. Nazarian salue les efforts du Saint-Siège pour protéger la paix, dans un entretien accordé à I.MEDIA.

En décembre 2022 et janvier 2023, le pape François a lancé des appels à des solutions pacifiques dans la région. Et lors de l’audience générale de ce 26 avril, il a évoqué le peuple arménien qui «a tant souffert tout au long de l’histoire». «Le déni de génocide – s’il n’est pas remis en cause – conduira à de nouveaux crimes contre l’humanité», prévient le diplomate.

Pourquoi est-il si important de commémorer les martyrs arméniens?
Garen A. Nazarian: Chaque année, nous commémorons le jour du génocide arménien, un crime qui a eu lieu dans l’Empire ottoman au début du 20e siècle, de 1915 à 1923. Un million et demi d’Arméniens ont alors été tués, et des centaines de milliers ont été soumis à la violence et à la déportation forcée, privés de la possibilité de préserver leur identité dans leur pays d’origine. 

Garen A. Nazarian | © Ambassade d’Arménie près le Saint-Siège

S’inclinant en mémoire des saints martyrs du génocide, et en tant que pionnier dans la prévention des génocides aux Nations unies, l’Arménie réaffirme son engagement en faveur de la justice, de la reconnaissance de la vérité, de la prévention des nouveaux génocides et crimes contre l’humanité, et de la lutte contre la discrimination et l’intolérance pour des raisons ethniques, religieuses et raciales.

«Le déni de génocide – s’il n’est pas remis en cause – conduira à de nouveaux crimes contre l’humanité.»

Nous croyons qu’il faut continuer à mettre l’accent sur la nécessité de perpétuer la mémoire des martyrs des génocides et autres crimes contre l’humanité, et sur le lien entre impunité et négationnisme, qui finit par entraver les processus de réconciliation entre les peuples. Le déni de génocide – s’il n’est pas remis en cause – conduira à de nouveaux crimes contre l’humanité. 

Trois mois après les appels du pape à l’Angélus (en décembre 2022 et janvier 2023) pour la réouverture du corridor de Latchine, comment se présente la situation?
Malheureusement, un siècle plus tard, le danger d’une politique génocidaire est palpable dans notre région. Aujourd’hui encore, les Arméniens vivant dans le Haut-Karabakh sont confrontés à la menace d’un génocide et d’un nettoyage ethnique. La politique agressive continuelle de l’Azerbaïdjan envers le peuple du Haut-Karabakh, la rhétorique anti-arménienne et les actions visant à priver les Arméniens de leur patrie et à effacer la trace arménienne ne sont rien d’autre qu’une manifestation d’intentions génocidaires.

«Malheureusement, un siècle plus tard, le danger d’une politique génocidaire est palpable dans notre région.»

Le 23 avril, les autorités azerbaïdjanaises ont bloqué le corridor de Latchine et prennent maintenant des mesures pour y installer un point de contrôle. Cette mesure prise par les forces armées azerbaïdjanaises, qui constitue une violation flagrante de l’une des dispositions fondamentales de la déclaration trilatérale du 9 novembre 2020, vise à mettre en œuvre la politique azerbaïdjanaise de nettoyage ethnique dans le Haut-Karabagh et l’anéantissement complet des Arméniens de leurs terres ancestrales.
Cette action est menée à l’encontre des déclarations sans équivoque de la communauté internationale et de la décision juridiquement contraignante de la Cour internationale de justice de février 2023. Les autorités azerbaïdjanaises préparent le terrain pour l’utilisation de la force à grande échelle. Nous devons continuer à attirer l’attention de l’opinion publique internationale sur le sort de la population arménienne de l’Artsakh (Haut-Karabakh).

Le Haut-Karabagh est entièrement enclavé dans l’Azerbaïdjan | DR

Nous espérons que de nombreux gouvernements exprimeront des positions de principe similaires à celles du pape François, des plus hautes autorités des États-Unis, de la France, du Parlement européen et d’autres, afin de contribuer à mettre fin au blocus inhumain du corridor de Latchine et aux politiques génocidaires du régime d’Aliyev.

Le cardinal Kurt Koch est invité à votre commémoration. En quoi la diplomatie vaticane est-elle un acteur important dans la construction de la paix dans la région? Qu’attendez-vous de Rome?
Nous sommes très heureux d’accueillir cette célébration œcuménique présidée par le cardinal Kurt Koch. Comme l’indique le titre de notre événement, «Prière avec les martyrs du génocide arménien», c’est une occasion de travailler ensemble pour atteindre la paix. Nous soutenons l’affirmation faite par le cardinal selon laquelle «la religion ne peut pas faire partie du problème de la guerre mais doit faire partie de la réconciliation et de la paix». 

«Je pense qu’il est naturel que notre agenda bilatéral avec le Vatican inclue la protection de l’antique patrimoine culturel arménien de l’Artsakh.»

La ferme détermination de l’Arménie à faire avancer l’agenda de la construction d’une paix durable dans la région, en excluant la violence, l’usage de la force et sa menace, conformément à la foi et aux valeurs chrétiennes, est aujourd’hui confrontée à l’Azerbaïdjan. Celui-ci tente de réaliser ses aspirations maximalistes par tous les moyens, avec les déclarations bellicistes et arménophobes des hauts dirigeants azerbaïdjanais. Dans ce contexte, nous apprécions grandement les efforts du Saint-Siège visant à protéger la paix, la sécurité, les droits de l’homme, les libertés fondamentales et les valeurs spirituelles et culturelles dans les relations internationales. Dorénavant, je pense qu’il est naturel que notre agenda bilatéral avec le Vatican inclue la protection de l’antique patrimoine culturel arménien de l’Artsakh, qui est essentiel pour établir une paix durable et préserver l’identité chrétienne de la région. (cath.ch/imedia/ak/bh)

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