Les chrétiens d’Irak, une des plus anciennes communautés chrétiennes du Moyen-Orient, étaient plus d’un million en 1980, mais leur nombre a constamment diminué depuis l’invasion américaine de 2003. La désintégration de l’Etat irakien qui s’en est suivie a favorisé le développement des mouvements islamistes qui ont commis de graves exactions contre les minorités.
«Nous sommes aujourd’hui moins d’un demi-million, demain nous serons peut-être 300’000, voire moins. Les familles sont divisées entre l’Irak et l’Occident, et on aide les gens à partir, pas à rester. Aujourd’hui, nous sommes perdus, nous sommes déçus et nous n’avons pas de force…», déplore le chef de ce qui reste encore la plus importante Eglise d’Irak.
Refusant que les chrétiens soient traités comme des citoyens de seconde zone, le Patriarche de Babylone des Chaldéens évoque pour Vatican News la grave menace qui pèse sur les Eglises du Moyen-Orient dont l’avenir est de plus en plus menacé dans des pays où la majorité musulmane les marginalise. «Nous avons besoin d’être écoutés et respectés».
Les chrétiens du Moyen-Orient doivent être aidés à rester sur leurs terres et à y vivre en tant que citoyens avec les droits et les devoirs de tous, a-t-il lancé lors du Symposium «Enracinés dans l’espérance», qui s’est tenu à Nicosie du 20 au 23 avril 2023. Cet événement a rassemblé les Patriarches de toutes les Eglises catholiques du Moyen-Orient, des nonces, des évêques, des prêtres, des religieuses et des religieux, des laïcs, ainsi que des ambassadeurs et des représentants diplomatiques. La rencontre portait sur le présent et l’avenir des Eglises catholiques au Moyen-Orient à l’occasion du 10ème anniversaire de l’exhortation apostolique du pape Benoît XVI «Ecclesia in Medio Oriente».
Le cardinal Louis Raphaël Sako a fait part de sa tristesse et de son inquiétude: les chrétiens pourraient définitivement disparaître de la région du Moyen-Orient. Depuis le Synode pour le Moyen-Orient en octobre 2010, presque 13 ans se sont écoulés, un peu plus de 10 ans depuis l’Exhortation apostolique post-synodale. A Chypre, les Églises du Moyen-Orient ont témoigné des développements de ces dernières années, soit une réalité dramatique concernant la présence et la contribution des chrétiens sur leurs terres.
«Ce n’est pas par hasard que nous, chrétiens, sommes dans ces lieux, nous avons une vocation, mais nous avons besoin d’être aidés, écoutés, accompagnés aussi par la Mère Eglise. Nous devons soutenir les chrétiens pour qu’ils ne partent pas, nous devons les aider à ne pas émigrer. Ce sera vraiment grave si le Moyen-Orient se vidait de ses chrétiens et si les racines du christianisme y disparaîtraient. La présence des Eglises orientales est menacée et elles ne voient pas d’avenir en Irak, en Syrie, au Liban, en Palestine, à cause des défis politiques, économiques, culturels et autres.
Si en Occident, il y a un manque de valeurs religieuses et humaines, la sécularisation et la vie vidée de tout caractère sacré, au Moyen-Orient, en revanche, c’est le fondamentalisme, qui se transforme en terreur et en terrorisme. Nous sommes menacés, nous sommes marginalisés. Nos maisons, nos biens, nos villages sont occupés, et puis il y a la question démographique.
«En 2009, je suis allé voir le pape pour lui demander de faire un synode pour le Moyen-Orient, pour nous, les petites Églises dont l’avenir est menacé, afin de leur donner de l’espoir, relève le Patriarche chaldéen, mais aujourd’hui, tout a changé ! L’Exhortation est très belle, mais nous vivons aujourd’hui dans un autre monde ! »
La visite du pape en Irak, ses discours, sa proximité et son amitié avec les musulmans ont généré le document sur la fraternité à Abu Dhabi et la rencontre avec Al Sistani (le chef suprême chiite irakien à Najaf, en mars 2021, ndlr).
«A cette occasion, l’ayatollah a dit que nous étions frères. Ici, nous devons exploiter tout cela pour vivre en frères et en citoyens, et aussi pour changer la mentalité de ceux qui croient que les musulmans sont supérieurs aux autres, aux chrétiens, qui sont alors traités comme des citoyens de seconde zone. Mais ce n’est pas possible ! Les chrétiens étaient présents en Irak avant les musulmans, mais nous sommes une minorité, par conséquent, nous avons besoin des autres».
Certes, admet le Patriarche Sako, le dialogue avec les autorités musulmanes existe, mais il faut le mettre en œuvre. Les visites de délégations d’évêques et de cardinaux occidentaux sont également porteuses d’espoir pour les chrétiens du Moyen-Orient. «Car si le système au Moyen-Orient est tribal, nous sommes et restons une Église qui a besoin de proximité et d’amitié, avec des actes et pas seulement des paroles». (cath.ch/vaticannews/be)
Jacques Berset
Portail catholique suisse
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