L’audience a été l’occasion pour plusieurs avocats de la défense de s’en prendre aux nouveaux chefs d’accusations rajoutés récemment par le promoteur de justice et d’entendre deux témoins appelés par la défense de l’homme d’affaires Raffaele Mincione.
Attendus depuis plusieurs audiences, deux proches du cardinal Becciu dans le diocèse d’Ozieri en Sardaigne ne se sont une nouvelle fois pas présentés. Antonino Becciu, frère du cardinal et administrateur de la coopérative Spes – à laquelle la secrétairerie d’État a versé au moins 125.000 euros – et le Père Mario Curzu, directeur de la Caritas du diocèse, avaient pourtant été choisis comme témoins par le cardinal.
Les deux témoins sardes font aujourd’hui l’objet d’une autre enquête menée par la Guardia di Finanza concernant la gestion des fonds de solidarité du diocèse d’Ozieri. En raison de cette autre procédure, ils ont déclaré à plusieurs reprises, lors des précédentes audiences, ne pas vouloir prendre le risque que leur témoignage soit utilisé contre eux par la justice italienne.
Afin de les convaincre de venir témoigner, le président du Tribunal du Vatican, Giuseppe Pignatone, avait émis deux ordonnances, les assurant qu’ils disposaient des garanties nécessaires et les enjoignant à se présenter au tribunal.
Alors que l’audience du 19 avril était la dernière chance pour eux de témoigner, le frère du cardinal a envoyé un e-mail au tribunal pour expliquer qu’il ne se présenterait pas, faisant usage du droit, prévu par le code du Vatican, de ne pas devoir répondre aux questions en tant que proche parent d’un accusé. Le Père Curzu n’a pour sa part pas communiqué. « C’est ainsi que nous clôturons ce chapitre troublé » a ironisé le juge Pignatone.
Lors de la précédente audience, le 30 mars, le promoteur de justice Alessandro Diddi avait annoncé qu’il ajoutait plusieurs chefs d’accusation contre les accusés Rafaelle Mincione, Enrico Crasso, Gianluigi Torzi et Fabrizio Tirabassi. Le promoteur avait aussi déclaré que d’autres charges avaient été « corrigées », sans spécifier lesquelles.
Lors de l’audience du 19 avril les avocats représentant ces accusés ont exprimé leur perplexité et demandé la nullité des nouveaux chefs d’accusations. Leur caractère vague, imprécis et infondé a été souligné par tous les avocats concernés. «Nous ne savons pas comment, quand et où il aurait blanchi de l’argent», s’est par exemple exclamé l’avocat de Fabrizio Tirabassi, ancien official de la secrétairerie d’État qui s’est vu adjoindre le chef d’accusation de blanchiment d’argent («autoriciclaggio»).
L’audience a permis d’entendre Giulio Corrado, un expert du domaine immobilier et des restructurations financières. Cet associé de l’homme d’affaires Raffaele Mincione travaille pour la société d’investissement de ce dernier, WRM Group.
Giulio Corrado a expliqué qu’il a commencé à faire partie du groupe WRM en 2015, et à s’occuper de l’immeuble de Londres en 2016. Cette entreprise contrôlait le fonds Athena, par l’intermédiaire duquel la secrétairerie d’État avait investi en 2014 dans l’acquisition du 60, Sloane Avenue.
Giulio Corrado a expliqué que les plans de rénovation et de développement qu’ils avaient conçus pour valoriser le bâtiment ont été retardés, et impactés par le Brexit. L’Italien a également affirmé que Raffaele Mincione avait personnellement investi dans l’immeuble à au moins trois reprises entre 2014 et 2018, par l’intermédiaire de plusieurs sociétés, évoquant des investissements de 10 et 15 millions d’euros.
L’expert a confié qu’il avait été très « surpris » quand le Vatican avait décidé, en 2018, de sortir du fonds de Raffaele Mincione, parce qu’ils avaient « une bonne relation » avec la secrétairerie d’État. Il a insisté sur le fait qu’ils n’étaient pas tenus contractuellement d’abandonner l’investissement.
Les négociations pour le transfert de la gestion du bien se sont conclues en novembre 2018 « à un niveau inférieur aux exigences et aux attentes » de Raffaele Mincione, a aussi confié son collaborateur. Il a ajouté avoir trouvé que le transfert – à Gianluigi Torzi, autre accusé dans le procès – avait été « inhabituellement rapide ».
L’autre témoin qui s’est exprimé pour la défense de Raffaele Mincione était Terry Keeley, qui a travaillé chez WRM de 2016 à 2019. Il a expliqué avoir repris contact avec Raffaele Mincione en 2020 après avoir reçu une proposition d’acquisition de l’immeuble du 60, Sloane Avenue à hauteur de 275 millions de livres sterling – 312 millions d’euros – de la part du groupe Fenton Wheelan. Il a alors demandé au banquier italo-britannique qui il devait contacter au Vatican pour transmettre l’offre.
Raffaele Mincione, explique-t-il, lui a alors indiqué le cardinal secrétaire d’État Pietro Parolin et le substitut Mgr Edgar Peña Parra. Lors de son récent témoignage, le substitut a déclaré qu’il s’agissait de l’une des deux propositions suspectes qui lui étaient parvenues en 2020. Puisqu’elles semblaient provenir des milieux connectés à Gianluigi Torzi et Raffaele Mincione, elles n’avaient pas étés prises en considération.
Cette audience a enfin été l’occasion d’entendre Luigi Rossi, un ami de Mgr Mauro Carlino, accusé dans le procès. Dans son court témoignage, il a bien confirmé que le 1er mai 2019, ce dernier était avec lui et non à Londres, comme avait soutenu l’accusation.
La prochaine audience se tiendra le 20 avril et continuera avec la suite de l’audition du témoin Giulio Corrado.
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