Le dimanche 14 mai, celui qui est à la tête de plus de 10 millions de fidèles en Égypte célébrera une messe dans la basilique Saint-Jean-de-Latran pour les fidèles coptes. Pour le Père dominicain Hyacinthe Destivelle, membre du dicastère pour la Promotion de l’unité des chrétiens, «ce sera la première fois qu’un non-catholique célébrera dans la cathédrale du pape». Il nous précise le programme et les motivations de cette visite du patriarche à Rome.
Pourquoi le patriarche Tawadros II vient-il à Rome rencontrer le pape?
Père Hyacinthe Destivelle: Le 10 mai prochain précisément, nous fêterons les cinquante ans de la première rencontre entre un pape et un patriarche copte orthodoxe, quinze siècles après la séparation de Chalcédoine. Les relations entre les deux Églises avaient commencé à se réchauffer avec le Concile Vatican II, où des observateurs coptes étaient présents. En 1968, le patriarche Cyrille VI avait invité Paul VI à venir au Caire pour l’inauguration de la nouvelle cathédrale copte. Paul VI n’avait pas pu venir, mais il avait à cette occasion rendu des reliques de saint Marc qui avaient été enlevées aux Coptes au IXe siècle par des marchands vénitiens. Ce geste a marqué une nouvelle ère dans les relations entre les deux Églises.
En 1973, alors qu’on fêtait les 1600 ans de la mort de saint Athanase d’Alexandrie, Paul VI a invité le jeune patriarche Chenouda à Rome. Ils signèrent un accord christologique qui mit fin à la controverse née autour du Concile de Chalcédoine et qui avait entraîné une rupture entre Rome et nombre d’Églises orientales, dont les Coptes. Cette déclaration commune de 1973 soulignait que les fidèles partageaient bien la même foi en Christ, vrai Dieu et vrai homme. Cet accord historique servit ensuite de modèle pour d’autres Églises – syriaque, arménienne, syro-malankare, etc.
Cela fera aussi 10 ans que Tawadros II est venu au Vatican…
Nous célébrerons donc un double anniversaire puisque Tawadros II, élu en 2012, avait en effet choisi pour son premier voyage hors d’Égypte de venir rencontrer le pape François qui venait d’être élu. Ils avaient fêté les 40 ans de la fameuse rencontre entre Paul VI et Chenouda III et déclaré que le 10 mai serait la «Journée de l’amitié copte-catholique» qui est, depuis lors, célébrée tous les ans avec un échange de messages. Certes, il n’y avait pas eu de déclaration commune. Mais en 2017, le pape s’était rendu au Caire pour signer avec Tawadros II un document commun à la tonalité pastorale. L’un des enjeux était de s’entendre sur la question de la reconnaissance des baptêmes, notamment dans les cas de mariages mixtes. La déclaration assurait que les deux Églises feraient tout pour ne pas en arriver à rebaptiser les fidèles.
Comment se déroulera la prochaine visite de Tawadros II au Vatican?
Le 10 mai tombe un mercredi, jour d’audience générale du pape François sur la place Saint-Pierre. Le patriarche sera donc présent à ses côtés durant sa catéchèse et prendra la parole. Ce sera une première. En 2008, le pape Benoît XVI avait fait venir le catholicos arménien Karekin II lors d’une audience, mais ce dernier n’avait pas parlé. Cette fois-ci, Tawadros II s’exprimera.
Le lendemain, le patriarche sera reçu par le pape en audience privée avec sa délégation et il y aura un échange de discours. Il se peut que la thématique de l’œcuménisme du sang soit mise en avant – nous savons qu’elle est chère au pape François. L’Église copte est souvent appelée «l’Église des martyrs». La mémoire des martyrs coptes assassinés par l’organisation État islamique en 2015 en Libye pourra être évoquée. Puis les deux chefs d’Église auront un temps de prière dans la chapelle Redemptoris Mater du Vatican.
Le dimanche 14 mai sera aussi un jour historique puisque le patriarche célèbrera une messe dans la basilique Saint-Jean-de-Latran pour les fidèles coptes. Ce sera la première fois qu’un non-catholique célébrera dans la cathédrale du pape. Je pense que la basilique sera comble, car il y a une diaspora copte très importante et dynamique dans la région de Rome et en Italie, peut-être 100’000 fidèles.
En Égypte aussi, les relations entre les fidèles coptes catholiques et orthodoxes sont-elles positives?
Tawadros a fait beaucoup pour les relations entre chrétiens en Égypte, et ce dès le début de son patriarcat. Son Église représente autour de 10% de la population égyptienne, soit près de 10 millions de fidèles. Elle est la plus importante du Moyen-Orient numériquement parlant. Mais cela ne l’empêche pas d’œuvrer pour le dialogue entre chrétiens. Tawadros a par exemple institué un conseil œcuménique des Églises avec une présidence tournante. De même, il était présent à l’intronisation du patriarche catholique Sidrak en 2013, ce qui ne s’était jamais fait auparavant. Cela montre son ouverture à l’égard des coptes catholiques qui ne sont que quelques centaines de milliers. (cath.ch/imedia/hl/bh)
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